Décidément la mairie de Mamoudzou est dans la tourmente ces derniers jours : outre les ennuis judiciaires de son maire et son DGS, ainsi que 4 autres collaborateurs, la Chambre régionale des Comptes vient de publier un rapport critique la concernant. Deux évènements étroitement liés, puisque l’action judiciaire porte sur la passation du marché public de la mairie annexe de Kawéni, et le rapport sur la commande publique.
Il porte sur les exercices 2014 et suivants, donc depuis l’élection de Majani Mohamed à la tête de la mairie. Averti le 2 mai 2017 par un courrier de la Chambre, le maire n’a pas répondu aux observations provisoires, mentionne la CRC.
Concentrant la plupart des structures administratives, institutionnelles et commerciales, ainsi que la majorité de la population de l’île de Mayotte, la commune de Mamoudzou affiche « une politique d’achat et d’investissement ambitieuse, souligne la Chambre Régionale des Comptes, entre 2014 et 2017, les dépenses d’équipement ont été multipliées par quatre. »
En 2016, la collectivité a réorganisé ses services afin de créer une direction de la commande publique ayant pour mission de recenser les besoins, de planifier et programmer les achats, et de mettre en œuvre les procédures de mise en concurrence.
Une évolution positive, puisque la CRC y invite les communes de Mayotte dont certaines n’en étaient pas dotées. Mais au lieu de la centraliser pour contrôler les dépenses, ce service de commande publique a été laissé à la charge des différentes directions, provoquant une « désorganisation du service initialement chargé de la mettre en œuvre ».
Pas de centralisation de la commande publique
Cette répartition « éclatée » de la commande publique semble procéder de la volonté de diffuser une « culture de la commande publique » au sein de la collectivité, « sans pour autant pouvoir identifier clairement les responsabilités correspondantes, contrairement à l’organigramme ».
En conséquence, la collectivité n’a pas une connaissance exhaustive de ses contrats en cours, de leur nombre, de leur objet, de leur durée, et de leur montant. L’archivage des dossiers n’est pas satisfaisant et la traçabilité des procédures n’est pas effective, à l’instar du marché de collecte des ordures ménagères d’un montant de 6,3 M€. Faute de cartographie des achats, de définition des besoins, et de procédures internes formalisées pour l’engagement de la dépense, des achats de l’ordre de 5 M€ sur la section de fonctionnement et de 2M€ en section d’investissement sur la période 2014-2017 ont été effectués en dehors de toute application des dispositions du code des marchés publics.
Moyennant quoi, alors que les procédures internes prévoient l’intervention de la direction de la commande publique en appui administratif et juridique pour les marchés supérieurs à 25 000€, il s’avère que ces derniers ne lui sont pas systématiquement soumis. Et lorsque les achats et les travaux sont réalisés en référence à cette règlementation, leurs procédures sont fréquemment entachées d’anomalies.
Doublement du montant du marché
Plutôt que de solliciter l’appui de la direction dédiée, les services acheteurs ont fait appel, dans des conditions de mise en concurrence contestables, à des bureaux d’études et d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Cette pratique a conduit la collectivité à une externalisation de ses missions.
Certaines procédures de marché de service ont été stoppées, sans que la collectivité n’ait pu justifier de difficultés particulières. Les marchés de fournitures et de services révèlent une insuffisance dans la caractérisation du besoin. Les procédures de passation présentent des fragilités en matière d’appel à la concurrence et de sélection des entreprises.
Les travaux de rénovation des écoles repris à la suite de la dissolution du syndicat mixte d’investissement et d’aménagement de Mayotte (SMIAM) n’ont pas amélioré les pratiques de la collectivité. Le recours à des avenants supérieurs à 20 % du montant initial du marché en témoigne : à titre d’exemple, un marché pour l’assainissement conclu pour un montant de 297.958€ a été porté à 446.937€ à la suite d’un avenant, ce qui correspond à une augmentation de 50%. Malgré l’existence de marchés, la collectivité a satisfait certains de ses besoins par des commandes hors marchés, de l’ordre de 700.000 € en 2017.
En conclusion, pour les magistrats de la CRC, l’organisation et les pratiques hétérogènes en matière de commande publique constituent un « chantier prioritaire » pour garantir les principes de « liberté d’accès à l’achat public, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ». Et appelle à une « réflexion aboutie sur la base de l’ensemble des constatations ».
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