Après avoir fait appel à des renforts à Mayotte et à la métropole et face aux débordements nocturnes, le Préfet de La Réunion a annoncé hier un couvre-feu de 21h à 6h dans 14 communes du département. Ainsi, il était interdit de circuler dans les rues dès ce mardi soir, notamment dans le chef-lieu de Saint-Denis ou encore dans les villes du Port et de Saint-André où chaque nuit depuis samedi, des jeunes se rassemblent pour en découdre avec les forces de l’ordre, piller et incendier les commerces. La mesure radicale (La Réunion avait connu un précédent en 1991 lors des émeutes du Chaudron qui avait agité durant près d’un mois) a été très mal perçue par les gilets jaunes et la population, tous victimes des casseurs qui s’emparent de la rue une fois la nuit tombée. Comme un pied de nez à l’autorité, des affrontements entre jeunes et forces de sécurité ont dégénéré au Port, menant à l’incendie d’un chapiteau sur le parking du centre commercial Sacré cœur.
Vers 21 heures, c’est le quartier du Chaudron qui s’enflammait. Après le pillage d’une grande surface, des heurts ont éclaté et les policiers en infériorité numérique ont payé un lourd tribu : 9 blessés, dont un gravement à la main après l’explosion d’une grenade.
Des dégâts qui se chiffreront en millions d’euros
Depuis le début du mouvement, les revendications des gilets jaunes semblent inaudibles tant les nuits sont agitées et les réveils difficiles. Ce qui au départ était dans la continuité du mouvement national, s’oriente désormais vers un combat contre la vie chère, dans la lignée des mouvements antillais de 2009 et des 40 jours de grève générale à Mayotte en 2011.
L’économie réunionnaise est à l’arrêt depuis le début de la semaine et les commerçants, cibles privilégiés des casseurs, s’inquiètent. Depuis le début du mouvement les supermarchés, fast-food sont ciblés. Dans la nuit de dimanche à lundi un concessionnaire à été victime d’un incendie, résultat 70 véhicules sont partis en fumée. Les commerçants s’organisent, font des rondes et veillent la nuit devant les magasins pour protéger leurs boutiques. En parallèle, le jour, les nombreux barrages plus ou moins filtrant empêchent bon nombre de salariés de se rendre au travail. Les épiceries de quartier et boulangeries sont prises d’assaut, les rideaux métalliques des grandes surfaces restent clos, les stations-services sont réquisitionnées…
Les dommages collatéraux se font sentir : en raison du blocage de la société réunionnaise des produits pétroliers (SRPP) depuis lundi, Air Austral a annoncé que ses avions à destination de la métropole devront faire escale à Maurice pour s’approvisionner en kérosène. L’aéroport ferme ses portes de plus en plus tôt, ce qui provoque des chamboulements dans les programmes de vol et pour ne pas prendre le risque de louper leurs vols, certains dorment sur le parking de l’aéroport. Il est fortement conseillé aux voyageurs de se tenir informés auprès de leurs compagnies aériennes.
Du côté des agriculteurs les esprits s’échauffent, notamment chez les éleveurs qui ne peuvent pas être livrés en nourriture pour animaux en raison des blocages.
Les élus font enfin entendre leurs voix
En début de semaine, la Ministre des Outre-mer s’exprimait sur le mouvement depuis le congrès des maires à Paris. « Nous assistons à des scènes de violences intolérables. Si on a le droit de manifester je suis très sensible la liberté de déplacement et au respect de l’ordre public. Je suis en contact permanent avec le Préfet de La Réunion. Quand on lance un mouvement, il faut faire attention à ne pas souffler sur les braises… J’appelle chacun a ses responsabilités, l’État prendra les siennes. » Elle a par ailleurs fait savoir que des mesures seraient proposées mais la priorité est au rétablissement du calme. De leur côté, les élus réunionnais, pointés du doigt par les gilets jaunes en raison de leur silence ont présenté une motion à la Ministre des Outre-mer, ce document propose de revoir à la hausse le quota des contrats aidés pour les collectivités, demande des mesures incitatives pour l’emploi, notamment des jeunes, une baisse de la pression fiscale sur les entreprises réunionnaises, un geste pour le pouvoir d’achat.
Le président de la Région Réunion, Didier Robert a de son côté proposé le gel de la taxe sur les carburants pour les trois prochaines années. Il en a annoncé le gel par la Région durant trois ans.
Une réunion était organisée en préfecture mardi en fin de journée, mais elle a tourné court, les gilets jaunes sont repartis vexés de ne pas avoir été reçus par le Préfet en personne. Une nouvelle réunion est prévue ce jour à 18 heures, en attenant la mobilisation se poursuit, on dénombrait 26 barrages à la mi-journée sur les routes du département.
M.C.
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