Une grève “au nom des justiciables, des citoyens, ce n’est pas pour notre propre intérêt”. Le bâtonnier Ahmed Idriss ne veut pas d’ambiguïté quant au sens du mouvement national qu’ont décidé de suivre les avocats du barreau de Mamoudzou. Réunis en assemblée générale ce mercredi matin, ils ont voté la grève à la quasi unanimité.
“L’origine du mouvement, c’est le projet de loi justice lancé fin 2017 dans lequel il est question de réformer un certain nombre de points mais aussi de réorganiser la carte judiciaire” indique le représentant des avocats mahorais. “L’objectif final est de supprimer certaines juridictions et de regrouper au sein des Cours d’appel les affaires les plus complexes”. Suite à ces craintes “la profession s’est mobilisée et la Chancellerie nous avait garanti que cette expérimentation se limiterait à 2 régions. Or, on a constaté qu’elle était étendue à 5 régions, soit 10 cours d’appel.
Cette réforme ne serait pas sans conséquence pour les justiciables mahorais. “Par exemple, si on dit qu’à Mayotte certains contentieux sont envoyés à Saint-Denis de la Réunion, ça va nous obliger à aller là bas, alors que ce sont des affaires purement locales, par exemple un litige entre deux entreprises immatriculées à Mayotte.. Cela va augmenter les frais pour les justiciables. Alors que la seule raison invoquée est une économie de coûts pour la Justice.”
Autre point lié au précédent, “la suppression de tribunaux d’instance au profit de tribunaux de grande instance (TGI).
Les affaires pénales renvoyées
Les premiers sont chargés des affaires simples, avec des litiges inférieurs à 10 000€. Au tribunal d’instance, l’avocat est facultatif. Mais au TGI il est obligatoire. Ce changement pourrait donc obliger les citoyens à prendre un avocat à leurs frais, pour des litiges à faible enjeu financier. De quoi dissuader de saisir la justice.
Autre point que dénoncent les juristes, la dématérialisation de certaines procédures comme les injonctions de payer. “On craint que les jugements soient laissés à un algorithme” exprime le bâtonnier qui redoute une déshumanisation des procédures judiciaires.
Le dernier point concerne “l’attribution aux directeurs de CAF de la force exécutoire en matière de pensions alimentaires”. En clair, là où jusqu’à présent le juge des affaires familiales était seul compétent pour fixer un montant de pension alimentaire, le directeur de la CAF aura désormais cette prérogative. “Il risque d’être juge et partie” regrette Ahmed Idriss.
Première conséquence de ce mouvement, toutes les affaires pénales sont renvoyées, que ce soit au tribunal correctionnel ou en cour d’Assises où un procès devait se tenir.
Ce jeudi sera une “journée justice morte” dans toute la France. A La Réunion, compte tenu de l’actualité et des nombreuses comparutions immédiates d’émeutiers, les “affaires urgentes” devraient toutefois être assurées.
Y.D.
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