Pour la première fois, l’université rurale de l’Océan Indien (UROI) se déroule en dehors de La Réunion. Cette initiative née à Saint-Joseph atterrit cette année à Mayotte. Heureuse coïncidence alors que La Réunion reste fortement perturbée par le mouvement Gilets Jaunes. Raison pour laquelle, également pour la première fois, le maire de la commune n’était pas présent. Il a expliqué que sa place était dans sa commune.
Si l’UROI s’externalise, c’est que la ruralité n’est pas le propre d’une île ou d’une autre. “Il y a tout une culture commune qui apparaît, note le préfet Dominique Sorain. Nous avons tous le même objectif : préserver nos traditions agricoles tout en accompagnant la professionnalisation, car les évolutions se font très rapidement”.
Une phrase qui résume tous les enjeux de cette rencontre internationale. Pour Mayotte, le préfet estime qu’il faudrait notamment relancer la filière Ylang, passée de 15 tonnes à 500 kilos en quelques années, et moderniser la production agricole. Toutefois, “il ne faut pas que les nouvelles structures viennent écraser les anciennes”, autrement dit, pas question de toucher au jardin mahorais, qui garantit non seulement une production variée, mais qui est aussi garante d’une protection de la biodiversité, et avec elle, de la ressource en eau.
Culture et nature sont liés sur terre, mais aussi en mer où le préfet souhaite aussi une modernisation de la flotte de bateaux de pêche artisanale, avec “des navires qui tiennent la mer, des frigos pour garder le poisson frais” et ce, à une échelle qui préserve aussi l’emploi.
Des problématiques qui ne sont pas propres à Mayotte. Rodrigue notamment, expliquait par la voix de sa représentante travailler à sa propre ruralité en visant un objectif de 100% bio et 100% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Maurice plaidait pour un “bloc alimentaire” qui garantisse à nos îles “l’autosuffisance alimentaire”.
Mayotte était le territoire idéal pour aborder ces sujets, en raison de ses spécificités agricoles. Environ 15 000 familles vivent de l’agriculture, essentiellement vivrière. Seules 200 exploitations sont “modernes” et à peine 2% des exploitations dépassent les 2 hectares. Avec un tiers de sa population en lien avec le monde agricole, Mayotte est le premier département agricole de France. Le plus féminin aussi puisque 52% des chefs d’exploitation sont des femmes.
Mais les 150 hectares de forêt détruits chaque année dans notre département rappellent combien tout cela est fragile. De nombreux freins font perdre gros aux producteurs. En premier lieu, les vols, qui coûtent aux agriculteurs plus d’un tiers de leur production. L’accès au foncier est un problème majeur pour obtenir des fonds européens. Le mauvais état des routes est aussi un frein pour accéder aux exploitations et pouvoir les moderniser. Enfin la formation professionnelle est cruciale. L’usage anarchique des pesticides n’est qu’un des multiples exemples sur lesquelles il est possible de concilier environnement, santé et économies pour les agriculteurs mahorais.
Alors que des producteurs se plaignaient du “fléau des makis” qui seraient “de plus en plus nombreux”, Jeanette Lartigue, de l’ONF répondait que “si les makis descendent vers les exploitations, c’est que leur habitat naturel, les crêtes, est perturbé, il n’y en a pas plus mais ils se déplacent”. Signe là encore qu’une entaille dans l’équilibre environnemental à droite peut avoir de lourdes conséquences à gauche. Ces échanges ne sont pas infructueux puisque le Département réfléchit à une manière de mieux surveiller les exploitations. Reste le temps des ateliers pour des échanges de compétences entre agriculteurs des différentes îles, et des remontées d’informations à Paris voire à Bruxelles, car le fonds européens agricole Feader sera un allié de poids dans les décisions qui découleront de ces journées.
Y.D.
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