Malgré la grève des avocats et la demande de Me Delamour Maba Dali de renvoyer le dossier, ce restaurateur de Koungou a préféré être jugé, et assurer seul sa défense. Il était convoqué au tribunal correctionnel pour avoir, le 12 octobre dernier, projeté une substance irritante sur des policiers. Ce jour-là, la tension était forte devant le service des étrangers de la préfecture, et des policiers avaient subi des violences. Plusieurs fonctionnaires ont reçu ce qui avait été présenté comme du poutou, de la pâte de piment. L’analyse montrera qu’il s’agissait en fait d’un mélange de piment et de haricot sauvage, une plante très urticante. Le mélange était donc fait pour nuire.
Les policiers finissent par interpeller, une bouteille de ce mélange à la main, un homme de Koungou, qui, en audition, met ces faits sur le coup de la colère après avoir vu une bouéni tomber lors de l’intervention de la police. Un homme déjà condamné huit fois, notamment pour des violences en 2014. S’en était suivi un internement en hôpital psychiatrique à Besançon, et un traitement qu’il n’a pas suivi.
La colère de ce 12 octobre a peiné à retomber puisque 48 heures plus tard, devant une enquêtrice de personnalité, le gardé à vue affirmait vouloir commettre un attentat à Mayotte. “J’ai déjà pensé à faire un attentat, à me mettre des bombes sur le corps et à aller voir le président du Conseil départemental ou le préfet pour en finir”. Il évoquait aussi un risque de “guerre civile” à Mayotte.
Le service de probation et d’insertion jugeait alors “inquiétantes” ces menaces et recommandait un “contrôle accru” en raison d’une forme de “radicalisation”.
Lui, évoque des paroles en l’air, prononcées sous le coup de la colère. Encore elle. Il affirme toutefois qu’il n’a pas apporté la bouteille de mélange urticant. Ce serait une bouéni qui la lui aurait donnée “au cas où les forces de l’ordre bousculeraient les mamans”.
“La colère ça se maîtrise”
“Heureusement, ce n’était pas de l’acide”, tempête le président Philippe Ballu. Pourtant c’est ce qu’ont craint les fonctionnaires touchés. L’un atteint à la nuque évoquait “une vive brûlure”, un autre “une douleur à l’oeil droit”, douleur qui a persisté plusieurs jours.
A la lecture de ces témoignages, le prévenu change de version. “Ce n’est pas moi qui ai jeté le produit sur les policiers”, il décrit une femme et affirme que des vidéos peuvent l’identifier. Sa défense consiste alors à condamner le Collectif. “Je pensais que dans ce mouvement on faisait des choses bien, ça m’a juste amené des problèmes” déclare-t-il, promettant de cesser toute activité syndicale. “Ce qui vous amène des problèmes, c’est de ne pas respecter la loi” lui rétorque la procureure Morgane Pajak-Boulet. Elle évoque la récidive de violence, les menaces d’attentat, regrette de le voir minimiser les faits et rappelle qu’il risque 10 ans de prison. “Vous parlez beaucoup de colère, mais la colère ça se maîtrise. On peut être en colère et ne pas proférer de menaces d’attentat. C’est ce qui me convainc que vous êtes dangereux pour la société.”
Elle requiert 1 an de prison ferme avec mandat de dépôt, et 2000€ d’amende avec sursis.
Le prévenu pour sa défense, s’excuse platement. “Je suis navré, je me suis trompé, la police a fait son travail”. Il affirme avoir travaillé sur sa colère et qu’il ne fera plus parler de lui. Sans convaincre. Le tribunal après avoir longuement délibéré a opté pour une peine de 18 mois de prison dont 6 ferme. Les 12 mois restant sont avec sursis, en guise de pression à sa sortie de prison. Il aura en outre interdiction de porter une arme. Alors que les gendarmes l’amenaient à Majicavo, il s’est tourné vers les magistrats pour crier “j’ai la haine, j’ai la rage, il faut pas me libérer”. Une colère chronique qui vaudra au condamné un suivi psychiatrique en détention.
Y.D.
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