Depuis le début de la séance, la conseillère Bouhari Payet ne lâchait rien, s’offusquant d’un rapport complémentaire de dernière minute, et portant des attaques répétées envers ses pairs de la majorité au point que les débats étaient inaudibles. On se souvient qu’à la suite d’un combat acharné contre le cabinet du président et de certains élus, elle n’adhérait plus à cet exécutif, mais elle n’avait jamais porté publiquement des charges aussi virulentes.
Contre toute attente, ce sont deux rapports d’une coopération avec le conseil régional de La Réunion qui déchainaient les passions de l’opposition. La première porte sur une convention d’appui technique et méthodologique de gestion des fonds européens, que le conseil départemental de Mayotte récupère en 2020, et la seconde, sur le secteur médico-social.
Réputés comme étant les meilleurs élèves en matière de gestion des fonds européens, les Réunionnais ont été sollicités pour leurs compétences, mais trop tard pour Bichara Bouhari Payet, « depuis 4 ans que vous avez les manettes, c’est maintenant que vous vous réveillez, on prend les élus pour des c… ! C’est une mascarade ! Et vous demandez conseil à La Réunion, on aurait mieux fait de laisser au pouvoir Daniel Zaïdani ou Attoumani Douchina ! Tous les commentaires sur les réseaux sociaux se moquent du conseil départemental. »
« Ce n’est pas une honte de travailler avec La Réunion ! »
Remettant une couche, sa consœur Soihirat El-Hadad, conseillère de Pamandzi, accusait, « c’est tout sauf du partenariat avec La Réunion, c’est de l’assistanat ! »
Ali Debré Combo, porte-parole de la majorité, avait beau demander de « dépassionner le débat », avançant que « ce n’est pas une honte de travailler avec un département cité en référence en matière de gestion de fonds européens », et le calme Sidi Mohamed, chargé des affaires européennes, expliquer que pour l’instant « Mayotte n’est pas capable d’assurer l’autorité de gestion », il était interrompu à tout-va, lâchant finalement à l’intention de son interlocutrice : « Arrête ! Ça commence à faire beaucoup ! »
Et il rappelait que le refus de la gestion des fonds européens en 2014 relevait du précédent exécutif. Mis en cause, l’ancien président Zaïdani se justifiait : « Bien que les agents du Département aient été mieux formés que ceux de l’Etat à l’époque pour avoir le Fonds européen de développement à gérer, le déficit de 50 millions d’euros du Département en 2012 ne nous permettait pas d’assurer cette charge. » Il montait le ton pour reprocher à la majorité sa prise de conscience tardive de gestion des fonds, « et vous n’avez même pas demandé en 2016 l’enveloppe de revoyure qui avait été promise ! » Sans préciser que la mauvaise consommation des fonds ne nous le permettait pas, mais rajoutant, « il fallait au moins la demander ! »
« Vous êtes innocente, n’est ce pas ?! »
S’agitant sur son siège, la conseillère Bouhari Payet persistait à prendre la parole à tout bout de champ, finissant par agacer (et il en faut) le président Soibahadine : « Madame, essayons d’élever le débat. Vous êtes innocente, les fautes, c’est toujours de la part des autres, n’est ce pas ?! »
Difficile ensuite de maintenir la sérénité, quand revint sur la table le sujet de l’autre coopération avec La Réunion, celle portant sur le médico-social. Celle-ci fut attaquée là encore, et défendue par l’ancien président Douchina, anciennement dans l’opposition, mais à qui il y a été confié les dossiers de coopérations régionales. Il expliquait qu’il fut un temps, il n’y avait pas d’autre choix que d’aller à La Réunion, « j’y ai passé mon diplôme de conseiller pédagogique ».
Cette défense de l’exécutif de la part d’un ancien de l’opposition, c’en était trop pour Bichara Bouhari Payet, qui attaquait celui qu’elle aurait bien remis sur le trône quelques secondes auparavant, « vous avez basculé dans la majorité ! » Elle se levait face à lui pour « prendre l’assemblée à témoin », et s’en suivait une passe d’arme entre les deux élus, qu’interrompait enfin la voix du président Soibahadine, « la séance est suspendue ».
Les rapports étaient ensuite adoptés, avec 5 voix contre pour la coopération européenne, et 4 contre et 2 abstentions, pour le médico-social.
Anne Perzo-Lafond
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