Des habitants ont pu être surpris de se voir demander une prise de sang à leur domicile, en raison d’un manque de compréhension et de communication liée à cette vaste enquête de Santé Publique France. Marc Ruello, épidémiologiste, explique comment se passe cette étude scientifique, facultative mais très utile.
Le JDM : En quoi consiste cette enquête exactement ?
Marc Ruello, épidémiologiste et coordinateur de l’enquête :
C’est une enquête qui a été pensée par le directeur de Santé publique France, le Dr François Bourdillon, lors de sa visite en 2016. Il a jugé nécessaire de mener une grande enquête de santé à Mayotte. En effet il y a partout en France des enquêtes appelées baromètre santé, mais Mayotte n’a jamais été intégrée. Je suis donc arrivé en février 2017 pour monter ce projet, ça fait longtemps que c’est dans les tiroirs. Il fallait au moins une année mais il y a eu les grèves, les séismes qui ont choqué la population…
L’idée c’est de pouvoir aider Mayotte à monter en gamme en matière de santé, mais aussi pouvoir comparer Mayotte au reste du pays et aux autres DOM, car on a actuellement très peu d’informations.
Comment cela se passe concrètement ?
L’idée c’est de se focaliser sur un certain nombre de pathologies, comme le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité et les infections sexuellement transmissibles. On a aussi ajouté un volet pour estimer la couverture vaccinale des enfants de 0 à 3 ans suite à la campagne de rattrapage de mai-juin.
Pour l’enquête, on travaille avec l’institut Ipsos, qui généralement fait les baromètres santé. Ils ont 16 enquêteurs mahorais, sur le terrain, qui passent avec un questionnaire pensé à Mayotte et testé en shimaoré, avec différentes questions selon l’âge de la personne. Ce questionnaire est anonyme et se fait sur la base du volontariat, et en porte-à-porte. Ensuite il y a le “barotest”, c’est l’équivalent du questionnaire mais avec un prélèvement sanguin, effectué à domicile par des infirmiers libéraux. Ca, c’est une première. Une fois le questionnaire terminé, on transmet les dossiers à l’URPS (Union régionale des professionnels de santé, qui fédère les infirmiers participant à l’opération) qui reçoit les feuilles de consentement et dispatchent les infirmiers libéraux. Ils font différentes mesures et des prélèvements. On prend quelques tubes de sang pour faire des analyses, comme une analyse classique demandée par un médecin.
Est-ce que les personnes ont accès à leurs résultats ?
Ce qu’on propose, c’est de leur rendre un résultat gratuitement, il y a ainsi un intérêt collectif mais aussi individuel. On a un médecin rattaché à l’étude. L’idée est d’avoir un rendu individualisé aux personnes. Si quelqu’un est positif, on peut l’orienter vers un parcours de soins. C’est à la fois une enquête de santé, et un bilan gratuit.
A quoi tout cela va-t-il servir ?
D’abord à amener des éléments pour changer les politiques de santé, notamment en matière de prévention. Ca va donner des informations à l’ARS pour comprendre l’état de santé de la population en général. Par exemple, est-ce que la population voit l’obésité comme une maladie ? La perception et la prise en charge ne sont pas les mêmes qu’en métropole, alors que l’obésité peut entraîner diabète, hypertension artérielle etc. C’est vraiment important qu’on puisse avoir ces éléments. L’idée est d’avoir une image de ce qui se passe à Mayotte, et de pouvoir répéter ces études pour intégrer Mayotte aux statistiques nationales de santé. C’est pour ça que l’adhésion de la population est importante.
Le prélèvement sanguin a suscité des inquiétudes et interrogations, qui est concerné ?
Le prélèvement est effectué uniquement là où l’enquête a été menée au préalable. Les gens acceptent les deux volets, l’enquête, et le passage des infirmiers. On ne fait pas de prélèvement sur les enfants de moins de 15 ans.
Où en est-on de l’enquête et quelles sont les prochaines étapes ?
Pour l’instant, on est sur Petite Terre. A Pamandzi et Labattoir, c’est bien avancé. On est aussi à Kawéni et dans le sud de Mamoudzou. Dès janvier, les enquêteurs seront aussi à Mamoudzou. Ensuite on couvrira tout le reste de l’île. Dès janvier on va descendre sur Tsararano et le sud. Après ça on devrait pouvoir remonter par l’ouest et on finira surement par le nord, mais ce n’est pas complètement défini.
Propos recueillis par Y.D.
Pour plus d’informations : le site de Santé Publique France
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