C’est un peu la fable du lièvre et de la tortue, à l’envers. Vendredi soir, lorsque quatre agents de la police de l’environnement aperçoivent trois individus qui descendent vers les places de Charifou, entre M’Bouini et Dapani, ils se doutent qu’une activité de braconnage se prépare. Impossible toutefois pour eux de savoir sur laquelle des quatre plages desservies par ce chemin les trois complices vont frapper. Commence alors, sur ce chemin boueux, une longue attente. Une planque, dans le jargon.
Une planque de sept heures à l’issue de laquelle, vers 2h du matin, les trois individus remontent, chargés de lourds sacs qu’ils posent, sans le savoir, à quelques mètres des policiers qui les observent avec leur équipement à vision infrarouge. Ces derniers sortent des buissons et se présentent. Dans l’obscurité, les trois suspects prennent la fuite, l’un d’eux se prend le pied dans une racine et chute, les deux autres parviennent à disparaître dans la pénombre.
Dans les sacs abandonnés, les policiers découvrent pas moins de 107kg de viande de tortue, dont des nageoires, et un sac de 2kg d’œufs de tortues. La valeur à la revente est estimée à quelque 3000€. Sur la plage, deux carapaces encore ensanglantées. Les policiers prennent des photos, puis enterrent la viande dans le sable.
L’individu interpellé est quant à lui placé en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie. Il y passe tout le week-end. Aux enquêteurs, il explique que c’est la première fois qu’il fait ça, qu’il a des enfants, que c’est un certain “Atoumane”, le chef, qui lui a montré comment égorger une tortue et la découper. Lui a “seulement” aidé à retourner les deux victimes. “Attoumane lui a coupé la gorge avec un couteau” décrit-il.
A l’issue de deux jours de garde à vue, le parquet oriente l’affaire vers une procédure de comparution immédiate. Après la mort de deux tortues, la justice se met en mode lièvre. Frapper vite et fort. Une politique que déplore l’avocat de la défense Me Ibrahim. “Je suis embêté par ce genre de procédure de comparution immédiate, car on ne va jamais au bout des choses. On agit vite, on applique une sanction, ça ne sert pas Mayotte. L’objet c’est de protéger Mayotte, mais comment le faire si l’auteur principal n’est pas appréhendé ? On aurait pu aller plus loin au lieu de se lâcher sur une seule personne”.
“Le risque pour Mayotte, c’est d’être dépecée de ses richesses naturelles” estime de son côté le procureur Rieu qui rappelle que “en plus la viande de tortue est toxique”. Lui, réclame un an ferme contre le braconnier. “C’est la jurisprudence locale” assure-t-il.
L’association des Naturalistes, représentée par son président Michel Charpentier, se constitue partie civile et demande 1000€ au nom du “préjudice subi par toute la société mahoraise. Chaque année, 200 tortues sont braconnées, à ce rythme là, la fréquentation des tortues de Mayotte va décliner” s’inquiète ce militant de la cause environnementale.
Peu après, le tribunal faisait droit à la demande des Naturalistes et condamnait le jeune homme de tout juste 19 ans à un an de prison ferme avec mandat de dépôt. Arrivé libre à l’audience à cause d’une erreur de procédure, il est parti immédiatement à Majicavo. Victoire amère pour le lièvre judiciaire, contraint à l’exemple pour dissuader d’autres massacres.
Y.D.
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