Ce mercredi, les députés avaient à se prononcer sur le délai de saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) ouvert aux étrangers placés au Centre de rétention administrative (CRA) à Mayotte. Si sur l’ensemble du territoire national, il est de deux jours, Mayotte bénéficiait jusqu’alors d’une dérogation, puisque les étrangers au CRA devaient attendre cinq jours avant de pouvoir émettre un recours auprès du JLD. Mais lors du vote en septembre 2018 de la « Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », un « défaut de coordination durant a navette parlementaire », a généralisé à Mayotte les deux jours en vigueur partout en France. Une mesure qui s’appliquerait le 1er mars prochain, si aucune modification n’était apportée.
Une proposition de loi, dont la députée mahoraise LREM Ramlati Ali était la rapporteur, proposait donc de rectifier le tir, précisant que la dérogation qui était accordée à Mayotte, « se justifiait par la pression migratoire exceptionnelle qui s’exerce sur le département de Mayotte, où résident près de 52 000 étrangers en situation irrégulière – sur une population totale de 256 000 habitants – et où près de 20 000 reconduites à la frontière sont effectuées chaque année, soit la moitié du total national ». Une adaptation jugée non inconstitutionnelle, et qui fut adoptée.
Les droits de l’homme priment
Le cœur des débats parlementaires portait sur cette proposition de loi. Profitant de cette opportunité, le député LR Mansour Kamardine, apportait d’autres amendements, concernant le rapprochement familial, et le titre de séjour d’exception.
Sur le premier, il cosigne un amendement avec plus d’une centaine de ses pairs, qui explique que si les natifs de Mayotte arrivent à être minoritaires sur l’île, c’est parce que « les procédures de regroupement familial sont détournées », selon le schéma qu’il résume en trois étapes : « scolarisation d’un jeune enfant issu de l’immigration irrégulière, demande de régularisation des parents présents à Mayotte pour raisons familiales, puis regroupement des parents vivants à l’étranger ». Le député y introduit donc une condition : l’étranger qui fait la demande de regroupement familial doit séjourner « régulièrement en France depuis au moins dix ans et sous couvert d’un des titres de séjour d’une durée de validité d’au moins cinq ans ».
Il était retoqué par le gouvernement, par la voix de Laurent Nuñez, Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, qui se rapportait à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, « qui dit que les nécessités locales ne permettent pas de porter atteinte au regroupement familial. »
La crainte de migrants supplémentaires en métropole
Le second amendement portant sur le titre de séjour d’exception qui ne permet pas au détenteur d’une carte de séjour à Mayotte de se rendre sur le reste du territoire national, les débats furent nourris. Il ne semble pas inconstitutionnel, de l’aveu même de Laurent Nuñez, qui donnait quand même un avis défavorable, « c’est un problème d’attractivité que cela risque de créer, avec des afflux important », pour le territoire national.
Mansour Kamardine déplorait que, pour des raisons d’attractivité en métropole, Mayotte serve de sas : « On les maintient à Mayotte. La solidarité nationale commande que ceux qui ont un titre de séjour puissent aller s’installer à Paris ou Bourges ». Il demandait un avis favorable à l’amendement « pour désengorger notre île ».
La députée Ramlati Ali suivait l’avis négatif du gouvernement en se défendant maladroitement : « J’ai bien cosigné cet amendement, mais on ne va pas ouvrir d’autres débats sur Mayotte. » Il s’agissait de s’assurer que le texte sur les 5 jours de saisine passe également au Sénat ensuite, ce qui était risqué si un de ces deux amendements avait été adopté par l’Assemblée nationale, et qu’il soit retoqué avec l’ensemble du texte, par le Sénat. La députée a donc intelligemment sécurisé les “5 jours de délai au CRA” pour Mayotte.
Si l’objectif du projet de loi dont elle était la rapporteur, était donc bien de ramener le délai de saisine du JLD à 5 jours, ce qui a été adopté, il n’en reste pas moins que le débat sur le titre de séjour d’exception a été pour la première fois largement abordé, et qu’on pourrait donc en reparler, comme l’indiquait la députée de Polynésie Maïna Sage : « On est sur une proposition de loi ciblée sur les délais, mais on ne pourra pas passer sur les débats de fond. »
Mayotte fait donc office d’exception à géométrie variable, qui reste dépendante de l’intérêt Hexagonal.
Anne Perzo-Lafond
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