Lorsqu’il a été interpellé les premières fois, il était né en 1985. Maintenant, il donne la date du premier janvier 2000. Une version comorienne de Benjamin Button, le personnage de Francis Scott Fitzgerald (campé à l’écran par Brad Pitt) qui rajeunissait tout au long de sa vie ? Pas vraiment. Car clairement le visage du passeur interpellé vendredi soir à M’Tsamboro dans des conditions rocambolesques tient plus du trentenaire marqué par la vie que du post-adolescent de 19 ans qu’il prétend être. Et ses empreintes digitales le trahissent. Interpellé une dizaine de fois, il a à chaque fois donné un nom et un âge différent. Huit identités sont enregistrées avec les mêmes empreintes. “Contrairement à moi il rajeunit” ironise le président Philippe Ballu. De tout son état civil revendiqué, seuls les 6 enfants qu’il déclare avoir sont crédibles.
Quelque soit son âge, le prévenu est un habitué. Il y a un an, il écopait de 6 mois avec sursis dans une procédure de plaidé-coupable. Son casier mentionne une dizaine de mentions pour aide au séjour de personnes en situation irrégulière. C’est sa troisième comparution comme pilote de kwassa.
Vendredi soir, la police aux frontières a intercepté la barque suite à un écho radar. A l’approche de la vedette, le kwassa a “pris tous les risques”, allant jusqu’à percuter l’intercepteur, ce qui a valu à un passager de basculer à la mer. Deux policiers se sont jetés à l’eau pour secourir le malheureux. Deux autres ont réussi à sauter dans l’embarcation lancée à pleine vitesse pour en maîtriser le pilote.
A bord de la barque de 7 mètres à peine, se trouvaient 22 personnes dont 3 enfants, mais aussi un zébu et trois chèvres, couchés au fond de la barque les pattes attachées. Le président insiste sur le danger de mort qu’encouraient les passagers. Il note aussi que les interceptions sont “de plus en plus dangereuses”.
La procureure Emilie Guégan estime que l’homme est “un professionnel”. Equipé de deux moteurs puissants et d’un GPS, son embarcation se distingue de celles usuellement interceptées. Elle réclame à son encontre un total de 2 ans de prison ferme, dont la révocation du sursis, et 1500€ d’amende. Une peine complémentaire souvent demandée pour que l’argent potentiellement gagné en prison ne serve pas à alimenter d’autres filières aux Comores.
L’avocat de la défense lui, minimise le rôle de son client “à Anjouan, 6 ou 7 personnes contrôlent l’ensemble de ce système mafieux, eux ne sont jamais inquiétés” argue-t-il. Il estime en outre que la prison n’est “pas dissuasive” car vu “la misère à Anjouan, il y aura toujours des candidats à l’immigration, et des candidats pour piloter les kwassas”.
Pas de quoi attendrir le tribunal qui a condamné le récidiviste à un total de 18 mois de prison ferme, 800€ d’amende et l’interdiction définitive de fouler le sol français.
Sur les autres pilotes de kwassa interceptés ce week-end, au moins trois ont fait l’objet lundi matin d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, une procédure dite de “plaidé coupable” qui concerne davantage les primo-délinquants.
Y.D.
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