Il faisait partie des passagers retardés pendant plusieurs heures la veille à La Réunion : Issa Issa Abdou en est encore tout chamboulé, « le plus gênant, c’est l’absence d’information ». Un signe que le lien entre les deux départements français est encore à perfectionner ? En tout cas c’était l’objectif de la mission à laquelle a participé le 4ème vice-président avec le président du Département Soibahadine Ramadani. Nous ne reviendrons pas sur les 4 conventions signées, qui met en place une représentativité de la France dans l’océan Indien, et un appui à la gestion des fonds européens. Si l’élu veut aborder un champ qui le concerne plus particulièrement, le médico-social, c’est aussi pour annoncer la ferme intention de l’équipe en place d’investir le rôle de Département à plein temps.
« En avril prochain, nous accueillerons à Mayotte Cyrille Melchior, président du Département de La Réunion, pour signer une convention sur notre compétence première, le médico-social. Nous profiterons de l’expérience de professionnels qui œuvrent dans ce secteur en tant que département depuis 1946, avec l’immersion de nos cadres, mais aussi, en permettant aux Réunionnais de se rendre à Mayotte et de s’imprégner de notre expérience à nous dans la solidarité, notamment auprès des personnes âgées, ou des mesures prises en matière de transport mortuaire. »
Les compétences de médico social sont exercées à plus de 40% par le Département de Mayotte, « quand l’évolution institutionnelle voulue par le président Soibahadine parle de convergence. Nous ne pouvons pas continuer avec un RSA à 50% de la moyenne nationale », surtout par contraste avec la fiscalité qui s’est appliquée immédiatement à 100%… Il explique qu’avec un RSA à 100%, les Mahorais qui se sont exilés à La Réunion ou en métropole, où ils vivotent, reviendraient au pays, « ainsi, nous rééquilibrerions la proportion de Mahorais dans la population composée actuellement de 48% d’étrangers. »
Une ligne de démarcation
Pour assumer pleinement les missions Région/Département, une ligne de démarcation des compétences est souhaitable, avec des financements propres, « il faut deux Dotations globales de Fonctionnement distinctes. C’est pourquoi la clarification institutionnelle était indispensable. Nous oublions trop vite la question qui était posée en 2009, ‘Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée département régie par l’article 73 de la Constitution et exerçant les compétences dévolues aux départements et Régions d’outre-mer?’ Dans la double loi organique et ordinaire de 2010, le législateur s’est engouffré un peu vite dans le terme ‘département’, en oubliant la région. » Tout a ensuite été décliné selon ce schéma, « y compris le mode de scrutin binominal », explique celui qui se dit « départementaliste à tout rompre », « il y a tromperie sur la marchandise. »
Ce qui en clair se traduit par une dotation miniature de 804.000 euros accordée au titre de la Région en 2017 grâce au mémorandum des élus, « nous assurons donc le transport scolaire et l’aide économique, compétences de la région, avec des finances qui devraient revenir au département. » Et alors que la loi NOTRe de 2016 impose la Région comme chef de file du développement d’un territoire, il n’est plus possible de déroger.
Le mode de scrutin de liste à deux tours, suggéré par le sénateur Thani Mohamed Soilihi dans son projet de loi, lui convient, « nous avons toujours été collectivité unique, contrairement aux autres DOM », en réponse à l’appel de l’ancien conseiller Issihaka Abdillah qui propose un mix entre les représentativités régionale et départementale.
« Le sénateur Thani n’a pas été rancunier »
Sur le conseil cadial, « un thème qui me tient particulièrement à cœur », il invite à stopper le paternalisme du conseil départemental, « nous ne sommes pas une autorité religieuse », et invite à créer un GIP, un Groupement d’Intérêt Public, avec cofinancement département/Etat, « qui les sollicite pour la clarification foncière ou la paix sociale à travers les CLSPD. »
Le point sur lequel il se démarque personnellement du texte de loi, c’est celui du port : « Je ne suis pas favorable au Grand Port Maritime, par crainte que l’Etat y mette aussi peu de moyens que dans la piste longue ou dans les collèges et lycées. Je préfère un contrat de DSP avec un privé cadré par des objectifs et un contrat bien ficelé. »
Les lois organique et ordinaire ont été travaillées au CD avec le sénateur Thani, « qui a eu beaucoup de mérite de le porter. » Issa Abdou fait référence à la présentation par le sénateur d’un premier texte plus restrictif, écrit avec la précédente majorité, portant uniquement sur le mode de scrutin et le nombre de conseillers départementaux, et que n’avait pas approuvé l’actuel exécutif. Un moment douloureux pour le parlementaire, « mais il n’a pas été rancunier, c’est une grande qualité chez lui. Même mieux, alors que nous pensions que l’appellation n’était pas importante, il a participé à calmer les esprits en proposant celle de ‘Département-Région’ ».
Anne Perzo-Lafond
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