« Nous avions peu à y gagner à part une charge de travail supplémentaire, mais nous avons voulu accompagner des PME dans l’objectif qu’elles pérennisent leur activité et qu’elles partent exporter leur savoir-faire », indique d’entrée Anne-Sophie Miel, la présidente de Total Mayotte, pour lancer la remise des prix du Challenge Startupper.
Créé en 2015 par le pétrolier, dans l’intention de soutenir les idées et les projets susceptibles de réduire des inégalités dans 34 pays d’Afrique, le Challenge Startupper revient donc en 2018-2019 et s’étend désormais à 55 pays du monde entier.
Dans tous les pays, le même règlement : il faut avoir moins de 36 ans, avoir créé son entreprise depuis moins de deux ans, ou porter un projet prometteur. Dans notre zone, Madagascar, La Réunion, Maurice et Mayotte ont notamment participé. Notre territoire a été particulièrement dynamique, puisque une centaine de projets ont été remis à Total Mayotte, dont 40 bouclés. Comme partout ailleurs, il fallait n’en retenir que 15, qui sont passés devant un jury composé de professionnels locaux, dont la BGE, CRéA PéPITES ou Tanchiki Maoré, à la tête de MAP, ancien lauréat national du concours Talents.
Trois prix ont été remis, dotés de 12.500 euros, 7.500 euros et 5.000 euros, ainsi qu’un prix Coup de cœur Féminin, de soutien aux femmes entrepreneurs. Un petit coup de pouce sur un territoire où on peine à faire décoller des projets d’envergure.
Trois projets qui font bouger Mayotte
Le 1er prix a été décerné à Mze Anzi Shamir. Ayant toujours travaillé dans le domaine des transports, il s’aperçoit que le recours à un taxi peut vite devenir du sport à Mayotte. « Nous avons mis en place Premium, une application qui permet de mettre en relation chauffeurs et clients. » L’appli est pour l’instant diffusée sur Androïde et IOS. Et implique donc que les taximen soient pourvus de Smartphone.
Le lauréat du 2ème prix n’est pas un inconnu à Mayotte qu’il fait bouger depuis 8 ans maintenant : Nassem Zidini, créateur de BTM, alias « Bouge-toi-Mayotte », désormais « Esprit BTM », décrochait donc 7.500 euros pour leur concept novateur d’agence sociale média spécialisée sur les réseaux sociaux. Lui et son associé Kémal Moustoifa sont connus pour les envolées de leur dictée Bolé qui draine chaque année petits et grands devant une feuille blanche. Plus largement, leur objectif est de valoriser les entreprises sur les plates-formes sociales. « Notre projet est d’investir sur une solution 100% digitale (zéro impact sur l’environnement) pour offrir une meilleure visibilité aux entreprises mahoraises », expliquent-ils.
Le premier magasin bio de Mayotte, Maybio, remporte le 3ème prix. Maliki Nassure a implanté son échoppe aux Hauts-Vallons, à côté de l’école de conduite Moov. « L’idée m’est venu lors d’un voyage à Londres en 2010, les anglo-saxons étaient très en avance sur la France en matière de commercialisation de produits bio. Je me suis lancé après m’être formé à l’export ».
L’effet Pelepelaka
Les femmes entrent par la grande porte avec un prix dédié, non pour leur faire une place à part, mais en partant d’un constat qu’elles se censurent en ne participant pas. Le projet Pelepelaka a été couronné, « ce qui signifie papillon après la mue de la chenille », expliquait Abdoussoimadou Moiriziki. L’image la plus parlante pour cette activité qui va transformer des meubles désuets ainsi que des pneus usagers, en nouveau mobilier. Elle décroche ainsi un billet pour Paris où elle rencontrera des incubateurs et participera à séminaire de Leadership au féminin. « Total a déjà des besoins et va vous contacter », lançait déjà Anne-Sophie Miel.
Autre prix spécial, et très tendance, celui du label « Energie meilleure », décerné à Madi Attoumani. « Nous n’avons rien compris quand il nous l’a exposé », éclate de rire Yasmine Saïd, Chargée de la communication chez Total Mayotte. Il s’agit de la valorisation des boues d’assainissement, à la sortie des stations d’épuration, « elles sont enfouies ou incinérées, deux mauvaises solutions car elles continuent à polluer », explique l’initiateur du projet qui a suivi des études de Gestion et maîtrise de l’eau. Il va utiliser la capacité des bactéries encore actives qui dégradent la boue en méthane, pour produire de l’électricité, « on consommera donc moins de gasoil, c’est juste dommage pour Total ! », lance-t-il en souriant.
Un projet prometteur qui demande un lourd investissement de départ, comme l’explique Tanchiki Maoré qui avait étudié la question : « Il faut mettre 3 à 4 millions d’euros mais 10 ans après, cela peut rapporter 50 millions d’euros. Et il est possible avec la capacité obtenue d’alimenter en électricité deux communes entières. Nous n’exploitons pas assez les énergies naturelles, faute de moyens et de compétence à Mayotte. » On entend souvent qu’à Mayotte, « ce n’est pas un problème d’argent, mais de projets », donc qui pour accompagner cet investissement somme toute modeste pour un bénéfice attendu ?
Également parmi les projets non récompensés, des actuelles ou futures réalisations qui feront parler d’elles.
Anne Perzo-Lafond
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