C’est parti d’une tribune dans Médiapart, et le texte s’est transformé en pétition, une sorte de lame de fond, que défendent quelques personnalités ultramarines. Le « Macroniste insoumis » Max Dubois, ex-coordinateur Outre-mer de la campagne d’Emmanuel Macron, amplifie son combat contre la politique menée pour lutter contre le chômage en Outre-mer.
Il a un peu plus d’un an, il créait R&D.OM, République Développement Outre-mer, qui remettait en cause l’approche consensuelle de prise en charge du chômage par les allocations, en mettant le paquet sur le développement économique. Si ce schéma, idéal sur le papier, n’est pas mis en place dans les outre-mer, c’est selon lui, au mieux par désintérêt, « les ‘Outre-mers’ sont au mieux un fantasme politique et au pire l’expression de la plus grande incompréhension, parfois même du plus grand mépris des gouvernements qui se succèdent, à de rares exceptions près, depuis plus de 70 ans », au pire par une volonté de pérenniser « l’économie de comptoir des territoires océaniques français depuis 1945 », à coup de « subsides sociaux » qui maintiennent sous perfusion les populations de ces territoires, les tenant « à l’écart du développement économique ».
Un comportement « jacobin » selon lui, mais pas seulement. Nous avons toujours martelé dans ces colonnes, que décentralisation sans compétence n’est que ruine du territoire. Et c’est plus vrai à Mayotte que partout ailleurs.
Complicité gouvernementale
Les commissaires au développement endogène, les experts de tout poils ne sont pas venus à bout, d’un modèle basé sur l’import-export dans les territoires ultramarins, fait pour « favoriser l’émergence en quasi monopole de la grande distribution, en particulier alimentaire. » Issu d’un constat : « Dès qu’il devint plus juteux d’importer plutôt que de produire sur place, les tentatives de développement économiques locales de la filière agroalimentaire furent condamnées à l’échec notamment aux Antilles. » On pourrait rajouter à ce constat un nécessaire encadrement des mesures de défiscalisation, génératrices d’abus et d’enrichissement personnel, susceptibles de tuer les emplois plutôt que d’en créer quand elles sont détournées. Mayotte porte haut des exemples dans de grosses infrastructures.
Aucune fatalité, dénonce Max Dubois, qui parle de « complicité » : « La cherté de la vie et le chômage de masse sont les conséquences enkystées de ce laisser faire, de cette complicité politique et administrative gouvernementale. » Une attaque virulente contre la ministre des outre-mer, Annick Girardin, qu’il juge « soumise à la pensée magique de notre énarchie panurgiste française », dans les colonnes de FA Martinique (Lire FA Mq Max Dubois 150319). Où il assure ne pas briguer son poste.
Le chômage de masse qui atteint le tiers de la population active sans emploi, et beaucoup plus à Mayotte en intégrant le halo des personnes en âge de travailler, ne serait pas supportable dans un quelconque département de métropole, « Ce serait un tollé général ! », rapporte l’acteur guadeloupéen Greg Germain, qui soutient la pétition.
Soutien national des secteurs locaux porteurs
Max Dubois déplore le grand écart entre les promesses d’un président dont il reste proche, et la réalité. Notamment celle du programme 5.0 issu du dernier conseil interministériel, « 0 Déchets, 0 Carbone, 0 Intrants chimique, 0 exclusion, 0 vulnérabilité, qu’il raille, un quintuple écran de fumée pour masquer l’incapacité », rajoutant « et pourquoi pas 0 Vie chère et 0 chômage ? »
Il décline les objectifs à poursuivre, notamment : Inciter fermement la grande distribution alimentaire à écouler les productions locales, favorisant ainsi l’émergence et la consolidation des filières économiques, Labelliser les fleurons et en soutenir nationalement la commercialisation dans le monde, Transférer les compétences aux territoires pour qu’ils négocient directement avec leurs voisins internationaux, Sortir d’une réglementation incarnée par la DEAL, perçue comme punitive, trop souvent inadaptée aux attentes des entreprises et qui constitue un des principaux freins au développement économique de la France océanique, Investir dans les filières d’avenir comme la bio diversité, les métiers tournés vers la mer, Investir dans la formation par l’apprentissage, etc.
Pas facile de structurer les filières locales à Mayotte, mais c’est une situation qu’ont connue en leur temps les autres DOM, et si on révolutionne les outils d’approche, comme l’allègement des règlementations, comme il le préconise, l’oxygène insufflé pourra peut-être libérer les énergies.
Il appelle donc à stopper « les slogans publicitaires », du type 5.0, pour « fixer le cap de développement économique », « les citoyens des territoires océaniques attendent un changement radical du regard trop souvent péjoratif que porte sur eux la gouvernance parisienne. »
Plusieurs personnalités ultramarines ont déclaré adhérer à cette pétition qui veut faire de l’emploi en outre-mer une priorité nationale. On y trouve notamment Jacques Bangou, maire PPDG (Parti Progressiste Démocratique Guadeloupéen, gauche) de Pointe à Pitre (Guadeloupe),
ou Marie-Laure Phinera-Horth, maire Divers gauche de Cayenne. Pour Mayotte, les soutiens se nomment Saïd Omar Oili, président Centriste de l’Intercommunalité de Petite-Terre, et Madi Ousseni Mohamadi, maire de Chiconi.
Anne Perzo-Lafond
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