Mayotte a déploré à travers sa mobilisation sociale de 2018, un sous-investissement chronique de la France à son égard. Une impression que, « à chaque fois que des efforts sont faits, l’horizon s’éloigne », comme le résumait par une image parlante Abdou Dahalani, le président du Conseil économique et social. Il donnait un exemple, « lorsque le premier réfectoire a été construit en 1988, il devait être multiplié. Or, non seulement ce ne fut pas le cas, mais il a aujourd’hui disparu ! » Il saluait néanmoins la méthode employée par le « monsieur pauvreté » du gouvernement, depuis deux jours à Mayotte, qui s’expliquait.
Sur la pression de l’immigration sur les politiques sociale tout d’abord « C’est sûr que si les politiques sociales ressemblent au tonneau des Danaïdes, ce n’est pas bon. Si les efforts consentis, comme votre cantine, sont absorbés par une pente spécifique à ce territoire, on ne voit pas le bout. » Et en cherchant ensuite à sécuriser les évolutions qui seront mises en places : « Comment tenir au long cours au-delà de la nomination et des départs des fonctionnaires ? Et monsieur le préfet je ne vous vise pas particulièrement ! C’est la méthode que je veux instaurer à travers une gouvernance sur le territoire. »
Nous avons précisément interrogé le Délégué interministériel sur cette question, « je compte installer un référent ‘pauvreté’ à la préfecture pour mettre en place et sécuriser les priorités qui seront définies ce jeudi avec les acteurs de terrain. »
Sur un département où 84% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et où un tiers des familles sont monoparentales, “à 89%, ce sont des femmes”, comme le rappelait Jamel Mekkaoui, directeur INSEE Mayotte, le préfet Dominique Sorain pousse à identifier des critères quantifiables, « combien de kilomètres de route, combien de classes, combien de formation. Faire un plan c’est facile, je peux en faire un dans mon bureau. Le chiffrer et le respecter, c’est autre chose ». La Stratégie pauvreté du gouvernement prévoit 8 milliards d’euros sur le territoire national.
Double convergences, des droits et des allocations
Les acteurs du social se sont réunis depuis un mois, à l’initiative de la Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DJSCS) de l’Etat, autour d’ateliers de travail, dont les grandes lignes ont été tracées ce jeudi matin au lycée de Mamoudzou nord, en présence des services de l’Etat, Vice-rectorat, DEAL, ARS, INSEE, des élus nationaux, du député Kamardine et du sénateur Hassani Abdallah, du vice-président du Département Chargé de l’Action sociale, Issa Issa Abdou, dûment félicité par le préfet qui le qualifiait de « partenaire incontournable et mobilisé », et de l’élu communal de Mamoudzou, Sidi Nadjayendine. Beaucoup d’autres personnalités dans le public, ce qui témoigne de la prise de conscience des dirigeants locaux.
L’un des remèdes à la pauvreté, pour le député Mansour Kamardine, serait d’étendre les dispositifs sociaux nationaux à Mayotte : « Je fais mes courses dans le même supermarché que monsieur le préfet, mais quand il bénéficie de 50 euros d’allocations familiales, je n’en perçois que 20 euros. » Rajoutons que les taux d’imposition sont les mêmes qu’en métropole, voire supérieurs à Mayotte qui battait le recors national de valeurs locatives sur la taxe d’habitation. Un déséquilibre qui l’incitait à voir rouge quand il entendait parler de « deux mots qui nous sont néfastes, ‘adaptation », et ‘spécificité’ ».
La convergence des droits sociaux est déjà encadrée, expliquait Olivier Noblecourt, « je suis venu pour travailler sur les droits sociaux, et faire en sorte que chacun trouve sa place dans la société. Et sur la prise en compte des spécificités, nous le faisons en métropole pour chaque territoire. »
Évaluation des résultats
Pour Dominique Sorain, les spécificités locales, c’est aussi « un chômage massif dû à l’immigration clandestine, on est obligé de l’intégrer. Cela ne nous empêche pas d’aller plus loin en matière de convergence des droits, la CMU inscrite au Plan Avenir pour Mayotte en est un exemple. »
Les engagements de départ sont généraux, et centrés sur la garantie de l’égalité des chances et des droits fondamentaux, ainsi que de la formation pour aboutir à l’emploi, « pour que chacun par son travail puisse trouver son autonomie sociale et sa place dans la société », résumait le délégué ministériel qui fut aussi président de l’Union nationale des Centres communaux d’action sociale.
Qu’il faut décliner en actions à prioriser : l’accompagnement à la parentalité, la scolarisation, l’insertion spécialisée. La méthode diffère des autres politiques : « Ensuite, vous devrez désigner les animateurs, et vous déclinerez les besoins qui seront dotés d’indicateurs à cocher au fur et à mesure. Il faut évaluer les résultats, c’est pourquoi ce n’est pas la dernière fois que vous me verrez. »
La matinée se poursuivait avec les restitutions des ateliers, dont celui sur la formation,
synthétisé par le colonel Frédéric Jardin, commandant le RSMA, « il faut coordonner les démarches pour une offre de formation plus accessible. »
Olivier Noblecourt terminait par son terme préféré, « opiniâtreté ». Ne doutons pas que tous les acteurs veulent le voir rimer avec « efficacité ».
Anne Perzo-Lafond