Comme d’habitude à Mayotte, rien ne se fait comme prévu. Alors qu’un week-end de festivités s’annonce pour célébrer les 10 ans du référendum statutaire et les 8 ans de départementalisation, par la tenue d’un Séminaire, celui-ci se voyait amputé de têtes. Et pas des moindres, puisque le président Soibahadine Ibrahim Ramadani manquait à l’appel, officiellement empêché à Chiconi, ainsi que deux invités, l’ancien conseiller général Issihaka Abdillah et l’ancien député Ibrahim Aboubacar.
On peut penser que l’organisation du débat autour des propositions de lois Thani relative au département-région, alors qu’elles sont toujours l’objet de contributions diverses, aura perturbé le programme. Pourtant, le conseil départemental affichait haut son ambition en livrant l’organisation de ce week-end : « Cette célébration est importante car la départementalisation est une construction sociétale longue qui nécessite que l’on fasse des bilans, pour évaluer les avancées : ‘où en sommes-nous ?’.
Du coup, face à un hémicycle plein, c’est le sénateur et vice-président du Sénat Thani Mohamed Soilihi qui répondait aux questions, aux côtés de Ali Debré Combo, représentant le président du conseil départemental. Et justement, difficile de répondre à la question posée « où en sommes-nous ? », puisque, comme le faisait remarquer l’ancien élu Ibrahim Bacar, « nous aurions souhaité un bilan. » Il n’a jamais été dressé, cela aurait été intéressant d’avoir l’opinion d’Issihaka Abdillah qui appelait dans nos colonnes à saisir la Commission consultative sur l’évaluation des charges, pour évaluer les capacités transférées.
Un séminaire pédagogique
Dans sa lecture du discours du président du CD, Ahmed Debré Combo faisait ressortir les dates clé de ce combat de Mayotte pour l’ancrage dans la République française. Avec dès 1958, le Congrès de Tsoundzou, qui évoque l’idée d’une consultation de la population, et le refus d’une indépendance en 1974, « contre l’avis du monde entier », et notamment de l’ONU. Cette volonté ne sera pas démentie, et trouvera son apothéose dans les 95,2% de « oui » à l’alambiquée question référendaire de 2009, « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée ‘Département’, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d’outre-mer ? »
Ce sont les deux propositions de loi voulues par l’exécutif que le sénateur Thani Mohamed Soilihi, « invité par le conseil départemental » devait défendre, face aux nombreuses incompréhensions qu’elles ont suscitées : « A ceux qui m’accusent d’avoir agi sans concertation, je rappelle que ces textes sont le fruit d’une réflexion des responsables locaux depuis avril 2018, et que je n’ai fait que formaliser. Et souvenons-nous que cette évolution institutionnelle fait partie des mesures demandées par la population en sorite de crise sociale début 2018 ».
Il rappelait que l’unique objectif était de doter Mayotte des compétences de régions, qu’elle n’a jamais officiellement reçues, « il n’y a aucun risque de sortir du giron de la France, il n’a jamais été question d’article 74 dans ces textes », c’est à dire de basculer vers une collectivité de type Nouvelle-Calédonie.
Le président Soibahadine avait également été accusé de vouloir récupérer des supers pouvoirs, notamment de pouvoir négocier seul des accords avec les pays voisins. « D’une part, Mayotte sera saisie pour avis de tout projet de coopération régionale, et d’autre part, elle ne pourra passer des conventions avec les autres Etats qu’avec l’accord du gouvernement français », décryptait Thani Mohamed.
Des propositions qui ne passeront pas cette année
Enfin, sur le nombre d’élus, qui devraient être multipliés pour coller aux compétences d’une région et d’un département, « il a été fixé à 51 par les travaux de l’exécutif de Daniel Zaïdani, un volume qui correspond à celui de la Guyane. »
Rappelons que ces deux propositions de loi sont déposées, mais non inscrites à l’ordre du jour du Sénat, « elles sont donc amendables ». En ce sens, les échanges étaient les bienvenus. Au titre des contributions, la proposition du DGS d’Acoua Soula Saïd Souffou, qui craignait un impact du déséquilibre de la représentativité des Mahorais lors de futures élections, « en raison d’une population composée pour moitié de personnes de nationalités étrangères, et qui pourraient donner une orientation contraire lors d’une éventuelle consultation référendaire. » Même si le droit de vote reste lié à la nationalité, il émettait l’idée d’initier, « comme en Nouvelle Calédonie, d’une liste électorale de personnes qualifiées. »
Des propositions de loi qui ne passeront pas cette année, faute d’opportunité législative, et peut-être pas du tout, « mais elles serviront de toute façon de base de négociation avec le gouvernement. A condition qu’il y ait consensus entre nous à Mayotte ». Il faut ensuite compter environ un an après leur adoption pour être applicables, « il ne faut donc pas trop tarder. »
Plusieurs rencontres avaient été initiées pour inviter les élus à débattre de ces propositions de lois, mais ils se comptaient sur les doigts de la main. Peut-être faut-il convier la population systématiquement, pour faire taire les dissensions, « parler le même langage », comme y invitait le conseiller Issa Abdou.
En tout cas, tous se disaient très heureux de cette rencontre « nous n’avons pas souvent l’occasion de nous exprimer et d’échanger ainsi avec des élus. » Laissons le mot de la fin à Hanima Ibrahima Jouwahou, la maire de Chirongui : “Quand je vois comment se sont déroulées les élections aux Comores, je remercie Zéna Mdéré et Younoussa Bamana de leur combat pour notre ancrage dans la République.”
Le programme des festivités est lancé :
Samedi 30 mars : inauguration d’une exposition « immersion » au Muma qui célèbre son appellation Musée de France
Samedi 30 mars et dimanche 31 mars : Maoulida shengue sur la rocade de Mamoudzou suivi d’un congres des élus
Anne Perzo-Lafond