Le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) de Mayotte est classé en catégorie C, correspondant aux départements de moins de 400.000 habitants. En 2017, le secours aux personnes représentait 83 % de ses interventions, les accidents sur la voie publique 9 %, et la lutte contre les incendies 4 % sur un volume global de 13.746 sorties. Le territoire de Mayotte est isolé, situé à 1.400 km de La Réunion et 8.000 km de Paris, « rendant complexe tout renfort en cas de catastrophe majeure ».
Il se distingue des autres SDIS par sa création récente dans le cadre de la départementalisation. La création de l’établissement a été l’occasion de la mise en place d’une nouvelle direction chargée d’impulser un fonctionnement dynamique. Une culture du résultat, avec la définition d’objectifs et la présentation d’un rapport d’activité annuel en conseil d’administration, a été instaurée. « La montée en puissance de l’établissement est rendue difficile en l’absence d’un vivier local de ressources humaines qualifiées. »
Le contrôle des comptes et de la gestion du SDIS 976 a été ouvert le 26 décembre 2017 par lettres du président de la chambre adressées à Daniel Zaïdani et Moinécha Soumaïla, sa présidente. Il porte sur les exercices 2014 et suivants.
Afin d’accompagner sa montée en puissance, les communes et le département ont accru leur participation financière à son fonctionnement de 15 % entre 2015 et 2018, passant de 17,1 millions d’euros à 19,8 millions d’euros, soit 2,7 millions d’euros supplémentaires. Ils ont été « entièrement consommées par les charges de personnel. La surreprésentation des dépenses de personnels limite les marges de manœuvre de l’établissement », souligne la CRC.
Soupçons de fraude au supplément familial
Au cours de cette période, l’établissement a dégagé 6,4 millions d’euros de ressources propres au profit d’investissements jugés indispensables. « En l’absence d’engagements de ses financeurs que sont le département et les communes, soit 92% de ses ressources, le SDIS pourrait être confronté à des difficultés financières à court terme ».
L’établissement pourrait compter sur des ressources complémentaires, fait remarquer la Chambre. Sur sollicitation du service d’aide médicale d’urgence (SAMU), rattaché au centre hospitalier de Mayotte (CHM), le SDIS peut pallier les carences des transporteurs ambulanciers privés. Mais n’en perçoit pas le produit, en raison d’un désaccord avec l’ARS sur le montant de la facture de 330.000 euros sur les interventions 2017.
A la lecture du rapport, on note que les agents du SDIS sont particulièrement bien traités, mettant en évidence ces dernières années, une gestion des ressources humaines « perfectible » : « Les agents bénéficient d’un régime de travail inférieur aux 35 h légales hebdomadaires. L’absentéisme représente un coût minimal estimé à 1,2 million d’euros par an. 17 sapeurs-pompiers mis à disposition de la société d’exploitation de l’aéroport de Mayotte, ont bénéficié d’indemnités et d’heures supplémentaires dans des conditions irrégulières : au-delà de cette situation, des indus sont évalués à 0,18 million d’euros. Leur coût, supporté in fine par les voyageurs, est trois fois plus élevé qu’à La Réunion. » Ça interroge. D’autant que, dans ce service aussi, des « pratiques irrégulières » en matière de supplément familial attribué par enfant à charge, ont été constatées, pour un montant qui pourrait avoisiner les 800.000 euros : « Sur 202 dossiers, 66 contenaient des justificatifs ».
Peu de pompiers volontaires
Les cadres de l’établissement bénéficient de logements et de la mise à disposition de véhicules de services pour les trajets domicile-travail « dans des conditions particulières justifiées par des impératifs opérationnels de mobilité, que le conseil d’administration pourrait encadrer. »
L’organisation des gardes génère des sureffectifs de nuit équivalents à 63 agents à temps plein, pour un montant estimé à 2,6 M€. « En veillant à l’optimisation du service, l’établissement pourrait dégager des marges de manœuvre ».
Face à un déficit de sapeurs-pompiers volontaires, à une surprofessionnalisation évaluée à 2,4 millions d’euros, et à un faible taux d’encadrement, « la mise en place d’une politique de gestion prévisionnelle des emplois et compétences apparait nécessaire ». L’adéquation des moyens humains aux missions constitue un autre chantier prioritaire.
Sur le plan opérationnel, le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) qui définit ses objectifs de développement pour les cinq années à venir devrait engager une démarche visant à rénover le projet d’établissement. « Le bilan du précédent schéma est insatisfaisant en matière de gestion des effectifs et des infrastructures. Avoir un objectif de secours à la personne à hauteur de plus de 95 % de la population en 20 minutes contre 86,5% actuellement relève d’un objectif ambitieux qu’il conviendrait d’allier avec des moyens matériels et humains suffisants, et donc, la signature de conventions pluriannuelles de financement avec le département et les communes.
Il découle de cette analyse que l’accroissement du financement de la part des communes et du conseil départemental, n’a pas été utilisé à « rattraper le retard en matière d’équipements », mais a été absorbé par indexation des salaires de 40%, et « par l’amélioration du régime indemnitaire des agents. »
Anne Perzo-Lafond
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