Six mois après notre interview, nous avons retrouvé Xavier Desplanques pour faire le point sur son projet de plantation de canne à sucre. Autrement dit, quand pourra-t-on préparer nos gâteaux avec du sucre made in Mayotte ?
Associé désormais avec le visionnaire chef d’entreprise franco-malgache Hassim Amiraly, Food & Beverage, par ailleurs nouveau président du syndicat des industriels de Madagascar, qui détient 40% des parts du capital, Xavier Desplanques donne vie à son projet en créant sa société « Le sucre de Mayotte », dont le siège social est hébergé au Centre d’Affaire à Kawéni.
« On ne veut pas ressusciter le passé bien que la taille de notre petite sucrerie épouse celle de la quinzaine de sucreries jadis implantées tout autour de Mayotte », précise Xavier Desplanques, qui envisage aussi de dupliquer le modèle des deux petites sucreries malgaches en cours d’implantation à Majunga et Fort Dauphin, « on va tirer les bonnes leçons de cette expérience. »
La canne n’aime pas voyager
L’objectif est de produire 600 tonnes de sucre par an à partir de 9.000 tonnes de canne plantées sur 100 à 150 hectares soit une surface de 1 à 1,5 km2. Et ça ne se trouve pas sous le sabot d’un zébu à Mayotte… « Cela peut être une seule superficie de 150ha ou 150 de 1 ha ». De plus, l’exploitation doit être proche si possible du lieu de transformation, « pas à plus de 6km en tout cas ».
Le montage est particulier, et permet d’éliminer une partie de la problématique des coûts de main d’œuvre qui avait notamment tué l’exploitation de la canne à Mayotte : « Nous ne sommes pas propriétaires des terres, nous ne faisons que préfinancer jusqu’à la plantation. La main d’œuvre agricole est donc prise en charge par les agriculteurs, organisés en coopérative que nous manageons. Nous rémunérons par contre la vingtaine de salariés de la sucrerie ».
Le premier écueil vient de la canne elle-même. Si c’est un investissement rentable puisqu’un plan produit 7 à 8 ans, il faut trouver des boutures locales, « adaptées au climat, donc plus résistantes », et surtout parce qu’une importation des îles de la région semble impossible, « elles ne supportent pas plus de 24 à 36h de voyage ». Or à Mayotte, peu font encore de la canne, hormis pour quelques jus lors des foires et marchés, « nous nous donnons donc deux ans pour collecter les plans* et en remplir totalement les parcelles ».
Vestiges des cannes d’antan
Néanmoins, et selon les archives, au XVIIIème siècle, plusieurs types de canne avaient été introduits à Mayotte, notamment par Mahé de Labourdonnais, et seules les cannes bambou et rubannée résistèrent. On leur ajouta des espèces en provenance de La Réunion, comme la Port-Makay, la Bois rouge blonde, la Tamarin ou la Lousier, qui formaient alors les trois-quarts des plantations (Source « Mayotte et la canne à sucre au 19ème siècle, Un espoir déçu »).
Pour financer le modeste projet de 1 million d’euros, le recours à l’apport personnel (14%) et à l’emprunt (40%), viennent compléter les fonds départementaux (Aides à l’investissement), et européens (FEADER et POSEI). Un dispositif de la Direction de l’Agriculture pourra épauler les agriculteurs sur la moitié de l’année où ils travailleront à entretenir leurs parcelles.
Le sucre produit ne sera pas raffiné, donc moins cher à produire, « et le sucre roux naturel est plus prisé par les diététiciens ». Il sera vendu 10% moins cher que l’importé. Beaucoup de produits dérivés peuvent être élaborés, vinaigre de canne, mélasse, etc.
Dernier volet, le culturel, « nous espérons intégrer un ancien site sucrier pour proposer une exposition sur le passé industriel de Mayotte dans ce domaine, et y convier des scolaires. »
Un projet qui permet à celui qui a travaillé 25 ans dans le sucre, notamment en tant que Directeur général du complexe sucrier de Nkayi au Congo, de retourner à ses premiers amours.
Anne Perzo-Lafond
* 0639 61 47 92
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