L’affaire promet de s’étaler en longueur judiciaire comme une autre menace de rupture de Délégation de Service Publique, du côté de Longoni.
Cette fois ci, ce n’est pas Chirongui et sa maire qui attaquent la décision de Mouhamadi Bavi, président du Sieam, de rompre la DSP par laquelle il délègue distribution d’eau potable à la SMAE (Vinci), mais Dzaoudzi Labattoir, et son maire Saïd Omar Oili, également président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM). A une nuance près : la première avait attaqué le conseil syndical du 25 janvier 2019 donnant mandat à Bavi de rompre le contrat, ce qui fut fait le 2 avril suivant, et ce qui motive la plainte du second.
Deux plaintes déposées en référé (en urgence), dont l’ordonnance se concluent de la même manière : la décision de résiliation du 2 avril 2019 est suspendue.
Avec le même argumentaire pour justifier la forme : il existe un « doute sérieux quant à la légalité de la décision », ce qui impose au juge des référés de prendre une décision de suspension de ladite décision, comme le précise l’ordonnance du 9 mai 2019 (Lire SIEAM_SMAE_Ordonnace du 9 mai 2019)
23 voix prêtes à casser
Et il existe toujours un risque de préjudice financier pour les communes en cas de rupture de la DSP, puisqu’une indemnisation du gestionnaire, en l’occurrence la SMAE, est engagée. Le jugement du TA justifie donc sa décision en se basant sur « les conséquences financières et budgétaires importantes que peut avoir la décision de résiliation attaquée, tant en ce qui concerne le syndicat que pour les communes membres ».
Oui, mais depuis, Bavi a convoqué un nouveau conseil syndical, le 27 avril, cette fois en y mettant les formes, sans modifier l’ordre du jour au dernier moment. Il défend toujours l’argument de bénéfices indus dégagés par la SMAE, alors qu’ils auraient dû être réinvestis selon lui, dans l’amélioration du réseau de captage, de traitement ou de distribution de l’eau potable. Une transaction avait d’ailleurs été initiée sur un partage de ces bénéfices, avortée, « nous en voulons la moitié », indiquait-il.
Une nouvelle fois, le conseil du syndical du 27 avril lui donnait quitus pour annuler la DSP, par 23 pour, 3 abstentions, 7 contre. Il peut donc s’abriter derrière cette nouvelle décision pour ignorer le présent jugement du TA.
« Ils essaient de m’intimider »
Mais selon son opposant Saïd Omar Oili, le président Bavi ne peut ignorer les arguments de fond détaillés dans le jugement, « notamment, en matière de conséquences financières pour nous, les communes. Lorsque sera produit le jugement au fond, il nous donnera sans doute raison », estime-t-il. Car pour lui, la rupture ne peut être valable qu’à partir de deux motifs : l’atteinte à l’intérêt général, « or, dans ce cas, ce sont les communes qui ont un risque financier avec répercussion sur les contribuables », et une rupture pour faute, ce qu’invoque Bavi, en accusant la SMAE d’avoir dégagé des bénéfices indus, « mais il doit le prouver », invoque l’élu.
Justement, « c’est en cours ! », nous indique le président du Sieam qui explique jouer la montre, « le tribunal pourra toujours livrer un nouveau jugement de suspension, nous en prendrons un autre s’il le faut. » Il estime « faire [son ] boulot », en en faisant un principe de pot de terre contre Vinci : « Tout le monde sait que j’ai raison. Un jour, ceux qui sont complices de l’opposition que je rencontre, devront rendre des comptes. » Il ne veut pas citer de nom. Pour qualifier la faute grave de la SMAE, il explique se baser sur l’audit que le Sieam a mené avec le cabinet Cogite, révélant une « manipulation des chiffres », cachant un bénéfice réel de 18 millions d’euros. « Je demande un partage des parts, à 50-50, quand nous sommes actuellement à 27%, contre 73% pour la SMAE ». Il envisage de déposer plainte, « mais pas à Mayotte, je n’ai pas confiance ».
Alors que son précédent rapport, très critique, sur la gestion du Sieam, date d’il y a 6 mois, la Chambre Régionale des Comptes a de nouveau été saisie par le préfet pour une évaluation de l’éventuel préjudice subi par les communes s’il y avait rupture. Et en profite pour mener une enquête sur la gestion du Sieam. « Je ressens cette nouvelle évaluation comme une pression pour me faire taire. Ils essaient de m’intimider », se plaint Bavi.
On voit mal une issue sereine, à moins que les protagonistes, Vinci et Sieam, s’accordent sur un équitable partage des bénéfices.
Anne Perzo-Lafond
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