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samedi 23 novembre 2024
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Procès de pêche illicite, l’espadon qui accouche d’une sardine ?

Poursuivis depuis 2016, Pierre Baubet, directeur de la coopérative Copemay, et trois pêcheurs, étaient poursuivis pour une vente de poissons issus de bateaux non homologués. Leur procès ce mardi a semblé dégonfler ce serpent de mer judiciaire.

Le jugement sera rendu le 4 juin prochain. Un temps de délibération digne des grands délits financiers qui témoigne de la complexité juridique de cette affaire, pourtant simple à la base.
Le 14 avril 2016, “jour de grève et de barrages” se souvient Pierre Baubet, directeur de la Copémay, la foule s’agglutine autour du ponton de Mamoudzou, dans l’espoir d’avoir une barge. Lui est venu “franchir trois barrages pour m’assurer qu’ils ne crament pas la Copémay”. C’est là qu’il aperçoit deux bateaux de pêcheurs  au ponton, en difficulté pour décharger. Il les aide à décharger et achète la cargaison. Arrive le troisième intervenant, des inspecteurs des affaires maritimes qui contrôlent les deux embarcations. Une partie de leur équipage s’enfuit, le capitaine de l’un d’eux promet de revenir plus tard présenter les papiers du bateau. L’autre bateau, le Nautilus, est lui en infraction : les Affaires maritimes lui ont interdit de naviguer trois ans plus tôt car il avait été rallongé d’un mètre pour y ajouter une glacière, sans déclaration. Le second navire a subi les mêmes modifications, sans qu’elles n’aient encore été constatées. Son immatriculation semble elle aussi avoir été modifiée. Le ton monte entre les pêcheurs et les agents, qui reprochent à Pierre Baubet d’avoir “envenimé la situation en intervenant dans le contrôle”. Le parquet de Mamoudzou est saisi et décide de poursuivre tout le monde : les pêcheurs pour pêche maritime sans autorisation, et le directeur de la Copemay pour ravitaillement d’un navire de pêche non immatriculé et achat de poisson issu d’une pêche illicite. Pierre Baubet est connu pour ses prises de position contre la pêche illégale et l’affaire fait grand bruit.
Mais au tribunal, celle-ci semble se dégonfler.
“Les deux navires avaient un permis de navigation avec une visite annuelle de sécurité” tempère la représentante des affaires maritimes à la barre. Ce sont bien selon elle les modifications apportées aux barques qui ont rendu les permis “caducs”. “On regrette simplement que M. Baubet soit intervenu dans le contrôle” souffle-t-elle à la barre. Le directeur n’est toutefois pas poursuivi pour cela. Pour elle, l’enjeu est poursuites est que “tous les marins pêcheurs exercent leur activité en toute sécurité et dans des navires aux normes”.

“De l’histoire ancienne”

Pour Pierre Baubet, “ce cas là n’est pas isolé, 98% de la flotille de pêche travaille avec des barques antérieures à 1993. Or, c’est seulement depuis 2019 qu’on peut financer des bateaux neufs (l’Union Européenne ayant autorisé l’Etat français à subventionner la modernisation de la pêche à Mayotte). On travaille avec les Affaires maritimes pour sortir de l’impasse, mais si on avait appliqué la loi, on aurait 400 chômeurs” déplore-t-il.
Selon lui, cette affaire est “de l’histoire ancienne”, d’une époque où les relations étaient houleuses avec les affaires maritimes. “On travaille sur de nouvelles bases maintenant. Je pense à l’avenir de la filière.”

Me Eric Hesler plaide la relaxe pure et simple

Son avocat Eric Hesler note que le nouvel administrateur des affaires maritimes “qui a la volonté de changer les choses” a “délivré 130 dérogations” à autant d’embarcations, jusqu’en 2021, le temps de se mettre aux normes. Il réclame la relaxe de son client faute d’éléments matériels ou intentionnels.
Le parquet lui-même dans son réquisitoire, réclame la relaxe d’un des pêcheurs, celui du bateau jamais encore contrôlé, car aucune interdiction de naviguer ne lui avait encore été délivrée. Pour le capitaine et le propriétaire du Nautilus, la substitut Morgane Pajak-Boulet réclame 1000€ d’amende avec sursis, et 1500€ d’amende avec sursis contre Pierre Baubet. “A titre d’avertissement sérieux”.

Dans cette affaire que le parquet qualifie de “complexe dans un contexte difficile”, la juge aura du grain à moudre au cours des deux semaines à venir, pour décider soit de noyer le poisson, soit de charger la barque, dans une affaire qui illustre surtout les difficultés d’une profession qui officie avec des moyens vieux de 30 ans et qui peine à se (re)structurer.

Y.D.

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