Avec prés de 4 millions d’euros de déséquilibre, -2,9 millions d’euros en fonctionnement, et -1 million d’euros en investissement, la commune s’enfonce à vitesse grand V dans un long et ténébreux tunnel.
Car Tsingoni tutoie les déficits depuis plusieurs années déjà. Après un budget laissé en équilibre en 2013 par l’ancien exécutif, avec même un excédent de 300.000 euros, depuis que Mohamed Bacar a pris les rênes, les dépenses ont flambé, dépassant chaque année les recettes. Si la mise en place de la surrémunération des salaires des fonctionnaires à 40% peut au premier regard, expliquer que le chapitre 012 consacré à la mase salariale soit en constante hausse, cela ne tient pas l’analyse. En effet, en 2013, après avoir appliqué les 10% des débuts de l’indexation, la masse salariale était de 3,5 millions d’euros. Or 6 ans après, elle est de 7,4 millions d’euros, c’est à dire qu’elle a plus que doublé, alors qu’elle n’a été réévaluée que de 30% de rattrapage d’indexation.
De plus, lors du conseil municipal du 11 mai 2019, le maire lui-même a constaté le volume gargantuesque de la masse salariale, qui finit par tout engloutir sur son passage : « C’est l’un des postes les plus importants du budget fonctionnement de la commune qui représente 74% du budget. L’année dernière, ce pourcentage était à 69% ». Aboutissant à des dépenses de personnel de 7,38 millions d’euros, « soit une progression de +8% », indique le projet de délibération du budget primitif 2019.
« Le poids du périscolaire », invoqué par le maire
En 2017 déjà, le budget étant dans le rouge, le préfet avait saisi la Chambre régionale des Comptes, qui avait livré un rapport sévère. Pointant des insincérités, « non seulement la commune n’a pas respecté son engagement de résorber son déficit sur l’exercice 2016, mais elle a tenté d’en dissimuler le montant lors de la présentation du compte administratif». Le niveau de la masse salariale était déjà qualifié d’ « insoutenable ».
Pour trouver de l’argent, pas beaucoup de solutions, et à l’époque, préfecture et CRC avait préconisé de taper un peu plus les contribuables au portefeuille, en relevant le taux d’imposition du foncier à 35%, aussitôt rabaissé à 15% par le maire.
Depuis le budget « insincère de 2016 », pas grand chose a évolué. Si ! Le déficit s’est creusé, traduisant l’absence de mesures de la part du contrôle de légalité de la préfecture. Parmi les pistes qui se présentent à elle, la mise sous tutelle de la commune est une des possibilités.
Nous avons contacté Mohamed Bacar, qui ne semble pas abattu par la situation. Qu’il met sur le compte de la concordance de deux facteurs : « La mise en place du lourd dispositif de rythme scolaire, avec la construction de deux réfectoires pour les repas chauds des enfants, et le recrutement des animateurs périscolaires. » A notre interrogation sur l’utilisation des fonds de soutien alloués par l’Education nationale au dispositif, le maire les juge insuffisants, « 220.000 euros, cela ne couvre pas les dépenses. Nous avons dû créer une Caisse des écoles avec un budget annexe dédié, qui devrait nous soulager financièrement »
Le maire de Pointe à Pitre menacé de révocation
Le second poids « évitable » pour lui, c’est le double financement de la collecte des déchets : « Même si nous l’avons fait avec retard, nous cotisons chaque année au syndicat SIDEVAM incompétent, qui nous oblige à avoir en parallèle un service de collecte communal. »
Rythmes scolaires et propreté urbaine, deux services auxquels il impute sa massive masse salariale, « et notre déficit de 1,10 million reporté d’une année sur l’autre. » Également avancé, “le personnel nécessaire à foire tourner nos 4 MJC”.
Pour s’en sortir, pas de miracle, il faut trouver des recettes supplémentaires, « ou sans doute, se serrer la ceinture ». Prenons la première hypothèse, c’est plus sûr. C’est le foncier qui est visé : « Nous allons chercher les taxes foncière bâtie et non bâties, non versées. Nous allons par exemple la réclamer au conseil départemental, ainsi qu’à la SIM qui possède un large parc, et qui ne la paie pas. Il paraît même que l’on peut le faire de manière rétroactive »… L’élu rencontre la direction des Finances publiques mercredi.
S’il dit vouloir arriver à une situation « stable », avant la fin de mon mandat, « il faut qu’on arrive à payer les syndicats intercommunaux », il ne vise pas la lune, « à moins d’un million d’euros de déficit ».
Une volonté tardive de redresser la barre. Attention de ne pas se retrouver dans la situation d’un autre maire de DOM, celui de Pointe à Pitre, Jacques Bangou, qui s’est vu notifier une procédure de révocation il y a 10 jours pour mauvaise gestion de sa commune, initié par le préfet de Guadeloupe. Le rapport de la CRC avait évoqué un déficit structurel grave et une situation financière risquant « à brève échéance de ne plus pouvoir être redressée », ainsi que nombre « d’insincérités budgétaires »…
Anne Perzo-Lafond
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