Ça tombe bien, le thème de la Fête de la nature du 15 juin cette année porte sur « la nature en mouvement ». Une bonne occasion pour l’Office national des forêts en collaboration avec le Comité Régional Olympique et Sportif (CROS) d’amener petits et grands sur les sentiers de randonnées entre Tsararano et Ouangani, ce samedi 8 juin.
Deux parcours différents étaient prévus, le premier avec Jean-Luc Leclerc, technicien forestier à l’ONF, proposait au plus aguerris de grimper jusqu’au mont Benara, le sommet de Mayotte, quand le second, emmené par Agnès Thongo, Responsable de la biodiversité à l’ONF, suivait une boucle découverte de la forêt pour les plus jeunes. « L’objectif est de sensibiliser peu à peu la population à l’utilité de la forêt, en mettant en valeur sa capacité à retenir les eaux de pluies afin qu’elles s’infiltrent dans le sol et abondent les réserves, son rôle de prévention des glissements de terrain, et sa faune sauvage à préserver pour y fixer les makis, et éviter ainsi qu’ils ne détruisent les cultures. »
A Mayotte, la forêt recouvre 11.000 ha, dont 7.500 ha sont des forêts publiques relevant du régime forestier : 4.000 ha sont départementales, 1.500 ha appartiennent à l’Etat. « Les premières voient leur plan de gestion élaboré par l’ONF, que le conseil départemental applique ensuite avec ses agents. »
A peine le petit groupe a-t-il pénétré dans la forêt de Voundzé, qu’Agnès Thongo donne le « la » de ce que sera la balade : « Vous voyez ce magnifique tulipier du Gabon, et bien c’est une espèce exotique envahissante, une véritable plaie ! » Ce qui se trame dans la forêt c’est cette lutte entre les espèces endémiques, qui perdent vite du terrain dès lors que sévissent les défrichages, et les autres, comme le tulipier du Gabon, qui répondent aussitôt à l’horreur du vide qu’a la nature, « chaque graine au sol germe avec une facilité déconcertante. » Pour preuve sur le bas-côté, ce fourré de tabac-bœuf, « il empêche les plantules d’espèces locales de s’épanouir ».
Les manguiers se snobent en prenant de la hauteur
Difficile lors de vos promenades de séparer le bon grain de l’ivraie, mais le but de la journée, n’est pas de faire de nous des techniciens arboricoles, « plutôt de sensibiliser à la préservation de cet environnement naturel. »
Et cette parcelle défrichée pour construire une case en tôle est l’exemple type du difficile équilibre à trouver : « Il faut détruire et replanter intelligemment pour ne pas laisser d’espace aux espèces envahissantes. Et ça nous coute très cher ! » Faut-il le rappeler, les bananiers ne fixent pas la terre, « seul le jardin mahorais planté en agroforesterie, d‘arbres associés aux cultures, est bénéfique ». L’objectif sur ce petit territoire de 374km2 est de maximiser les services écosystémiques, c’est à dire, notamment la préservation de la ressource en eau par le couvert forestier.
De part et d’autre du sentier, des fougères aigles jouent avec les rares rayons du soleil qui parviennent à pénétrer la canopée. Et les manguiers de cette mangueraie datant du 19ème siècle, s’y emploient, avec une particularité : ils se snobent sur les hauteurs. « C’est la ‘timidité des cimes’, leurs branches laissent naturellement des espaces de respiration, qui dessinent des trouées comparables à des pièces de puzzle », explique notre guide.
Des lianes menaçantes car en surcroissance
Les lecteurs de Rahan ou les amateurs d’échanges du style « moi Tarzan, toi Jane », trouvent leur compte au milieu des lianes qui pendent nonchalamment, mais avec par endroit des aspect menaçant, étouffant des arbres entiers. « Sur 15 espèces de lianes, 3 posent problèmes et donnent lieu à des opérations d’éradication, notamment lors de chantiers d’insertion avec l’association Mlézi Maoré. » Une vraie chienlit, « les tronçons sectionnés doivent être posés en hauteur, car sinon, ils reprennent aussitôt racine. » Pour Agnès Thongo, l’abondance de ces lianes est un des stigmates d’une menace mondiale : « Le trop plein de dégagement de CO2 dans l’atmosphère est absorbé par les plantes qui se retrouvent en surcroissance. » Malgré ses jolies fleurs blanches, on a affaire à une espèce de liane qu’elle qualifie de « filoute », « elles n’ont pratiquement pas d’ossature, envoient tout dans leurs feuilles pour gagner la lumière le plus vite possible en hauteur. » Elles ont donné leur nom à un village, Vahibé, « Vahi » pour liane, et « bé » pour grande.
Sur les 1.500 espèces végétales que compte Mayotte, la moitié sont indigènes, « une proportion qui monte à 75% en forêt. »
Après une petite grimpette dans la forêt, la petite troupe rejoint le GR, où trois coureurs les dépassent. Partis à minuit de Mtsamboro, ils vont tutoyer le sommet du Bénéra avant de redescendre à Bandrélé, puis Kani Keli et termineront à Mzouazia, « on devrait y arriver vers 15h », lâche Emilien Dautrey, Gepomay, qui, en repartant en petites foulées, prend soin de nous signaler qu’un drongo chante au-dessus de nos têtes…
Le sentier serpente alors parmi des bûches de bois au sol. Impossible de se douter qu’avant, ici, régnait les padzas, ces zones vallonnées, dépourvues de végétation, « et composées à 30% d’aluminium ». Il a fallu là aussi planter des espèces qui fixent le sol, l’acacia en l’occurrence, pour ensuite lui substituer la végétation initiale. »
Un travail sans relâche donc des agents de l’ONF, qui expérimentent même pour arriver à ces fins : « A Brandacouni, nous associons des plans indigènes à des champignons indigènes, dans une logique de mycorhize. »
Un travail de Titan pour redonner à la forêt son aspect originel.
Anne Perzo-Lafond
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