27.9 C
Dzaoudzi
jeudi 21 novembre 2024
AccueilEnvironnementA Voundzé, la forêt n’est pas celle que vous croyez

A Voundzé, la forêt n’est pas celle que vous croyez

Rien à faire, les mythes de notre enfance sont tenaces, et pénétrer dans une forêt n’est jamais anodin. Pas de lutins, ni de fée à la mode de Brocéliande dans celle de Voundzé, mais une haute, très haute couverture forestière, qui lui donne son côté majestueux. Et si les espèces croisées vous semblent toutes endémiques, n’en croyez rien, il y a souvent derrière des petites mains et des cerveaux de l’ONF qui s’agitent.

Ça tombe bien, le thème de la Fête de la nature du 15 juin cette année porte sur « la nature en mouvement ». Une bonne occasion pour l’Office national des forêts en collaboration avec le Comité Régional Olympique et Sportif (CROS) d’amener petits et grands sur les sentiers de randonnées entre Tsararano et Ouangani, ce samedi 8 juin.

Deux parcours différents étaient prévus, le premier avec Jean-Luc Leclerc, technicien forestier à l’ONF, proposait au plus aguerris de grimper jusqu’au mont Benara, le sommet de Mayotte, quand le second, emmené par Agnès Thongo, Responsable de la biodiversité à l’ONF, suivait une boucle découverte de la forêt pour les plus jeunes. « L’objectif est de sensibiliser peu à peu la population à l’utilité de la forêt, en mettant en valeur sa capacité à retenir les eaux de pluies afin qu’elles s’infiltrent dans le sol et abondent les réserves, son rôle de prévention des glissements de terrain, et sa faune sauvage à préserver pour y fixer les makis, et éviter ainsi qu’ils ne détruisent les cultures. »

Un pied de tabac-boeuf, espèce exotique envahissante, explique Agnès Thongo

A Mayotte, la forêt recouvre 11.000 ha, dont 7.500 ha sont des forêts publiques relevant du régime forestier : 4.000 ha sont départementales, 1.500 ha appartiennent à l’Etat. « Les premières voient leur plan de gestion élaboré par l’ONF, que le conseil départemental applique ensuite avec ses agents. »

A peine le petit groupe a-t-il pénétré dans la forêt de Voundzé, qu’Agnès Thongo donne le « la » de ce que sera la balade : « Vous voyez ce magnifique tulipier du Gabon, et bien c’est une espèce exotique envahissante, une véritable plaie ! » Ce qui se trame dans la forêt c’est cette lutte entre les espèces endémiques, qui perdent vite du terrain dès lors que sévissent les défrichages, et les autres, comme le tulipier du Gabon, qui répondent aussitôt à l’horreur du vide qu’a la nature, « chaque graine au sol germe avec une facilité déconcertante. » Pour preuve sur le bas-côté, ce fourré de tabac-bœuf, « il empêche les plantules d’espèces locales de s’épanouir ».

Les manguiers se snobent en prenant de la hauteur

Difficile lors de vos promenades de séparer le bon grain de l’ivraie, mais le but de la journée, n’est pas de faire de nous des techniciens arboricoles, « plutôt de sensibiliser à la préservation de cet environnement naturel. »

Et cette parcelle défrichée pour construire une case en tôle est l’exemple type du difficile équilibre à trouver : « Il faut détruire et replanter intelligemment pour ne pas laisser d’espace aux espèces envahissantes. Et ça nous coute très cher ! » Faut-il le rappeler, les bananiers ne fixent pas la terre, « seul le jardin mahorais planté en agroforesterie, d‘arbres associés aux cultures, est bénéfique ». L’objectif sur ce petit territoire de 374km2 est de maximiser les services écosystémiques, c’est à dire, notamment la préservation de la ressource en eau par le couvert forestier.

De part et d’autre du sentier, des fougères aigles jouent avec les rares rayons du soleil qui parviennent à pénétrer la canopée. Et les manguiers de cette mangueraie datant du 19ème siècle, s’y emploient, avec une particularité : ils se snobent sur les hauteurs. « C’est la ‘timidité des cimes’, leurs branches laissent naturellement des espaces de respiration, qui dessinent des trouées comparables à des pièces de puzzle », explique notre guide.

Des lianes menaçantes car en surcroissance

Une ancienne padza reboisée grâce aux acacias

Les lecteurs de Rahan ou les amateurs d’échanges du style « moi Tarzan, toi Jane », trouvent leur compte au milieu des lianes qui pendent nonchalamment, mais avec par endroit des aspect menaçant, étouffant des arbres entiers. « Sur 15 espèces de lianes, 3 posent problèmes et donnent lieu à des opérations d’éradication, notamment lors de chantiers d’insertion avec l’association Mlézi Maoré. » Une vraie chienlit, « les tronçons sectionnés doivent être posés en hauteur, car sinon, ils reprennent aussitôt racine. » Pour Agnès Thongo, l’abondance de ces lianes est un des stigmates d’une menace mondiale : « Le trop plein de dégagement de CO2 dans l’atmosphère est absorbé par les plantes qui se retrouvent en surcroissance. » Malgré ses jolies fleurs blanches, on a affaire à une espèce de liane qu’elle qualifie de « filoute », « elles n’ont pratiquement pas d’ossature, envoient tout dans leurs feuilles pour gagner la lumière le plus vite possible en hauteur. » Elles ont donné leur nom à un village, Vahibé, « Vahi » pour liane, et « bé » pour grande.

Sur les 1.500 espèces végétales que compte Mayotte, la moitié sont indigènes, « une proportion qui monte à 75% en forêt. »

Des lianes envahissantes

Après une petite grimpette dans la forêt, la petite troupe rejoint le GR, où trois coureurs les dépassent. Partis à minuit de Mtsamboro, ils vont tutoyer le sommet du Bénéra avant de redescendre à Bandrélé, puis Kani Keli et termineront à Mzouazia, « on devrait y arriver vers 15h », lâche Emilien Dautrey, Gepomay, qui, en repartant en petites foulées, prend soin de nous signaler qu’un drongo chante au-dessus de nos têtes…

Le sentier serpente alors parmi des bûches de bois au sol. Impossible de se douter qu’avant, ici, régnait les padzas, ces zones vallonnées, dépourvues de végétation, « et composées à 30% d’aluminium ». Il a fallu là aussi planter des espèces qui fixent le sol, l’acacia en l’occurrence, pour ensuite lui substituer la végétation initiale. »

Un travail sans relâche donc des agents de l’ONF, qui expérimentent même pour arriver à ces fins : « A Brandacouni, nous associons des plans indigènes à des champignons indigènes, dans une logique de mycorhize. »

Une forêt à redécouvrir

Un travail de Titan pour redonner à la forêt son aspect originel.

Anne Perzo-Lafond

Anne Perzohttps://lejournaldemayotte.yt
Anne PERZO Le journal de Mayotte https://lejournaldemayotte.yt

Comments are closed.

RESTONS EN CONTACT

Inscrivez-vous à la lettre d'information du JDM afin de garder en oeil sur l'actualité mahoraise

L'actualité

AVIS DE CONSTITUTION AUTO SHOP 976

139522
  Par acte SSP du 14/09/2022, il a été constitué une SAS dénommée : AUTO SHOP 976 Siège social : 25 Rue Bahoni 97615 Pamandzi Capital :...
+26
°
C
+27°
+24°
Mamoudzou
Samedi, 04
Dimanche
+25° +24°
Lundi
+25° +24°
Mardi
+25° +24°
Mercredi
+25° +24°
Jeudi
+25° +24°
Vendredi
+25° +24°
Prévisions sur 7 jours
Campagne, politique, Mayotte

Tribune – De l’art du discours à la formule

139522
Qui pour relever les défis de nos grands orateurs du passé ? Peu de noms émergent de la tribune de Madi Abdou N'tro, voire aucun, sur les dernières campagnes, laissant sans doute "un sentiment d'imposture" chez les électeurs

Départementales Sada : remaniements en vue au conseil départemental

139522
L’issue du scrutin a parlé : c’est donc le binôme Soula Saïd Souffou/Mariam Saïd Kalame qui intègre les bancs de l’assemblée départementale. Ce qui implique des réélections au menu du conseil départemental les jours prochains. Avec l’éventualité d’une refonte complète des vice-présidences, comme nous l’expliquons

Départementales partielles : Soula S. Souffou et Mariame S. Kalame élus avec 52,26% des voix

139522
Ils étaient en tête au premier tour, et ont creusé l’écart à l’issue du second : le binôme surprise Souffou/Kalame qui n’était pas présent sous cette configuration en 2021, est le nouveau duo d’élus qui intègre le conseil départemental.
Comores, Azali Assoumani

Comores : un ténor de l’opposition appelle à une désescalade politique

139522
L’ancien gouverneur de la Grande-Comores, Mouigni Baraka Said, estime qu’il est temps de dialoguer avec le président Azali Assoumani dans l’intérêt du pays et de la population. L’homme politique se reconnait toujours dans l’opposition mais s’oppose toutefois à "ces querelles sans fin et sans véritable perspectives de sortie de crise". Une démarche mal digérée par les autres opposants qui refusent tout dialogue avec le président Azali Assoumani depuis son élection le 24 mars 2019.
Départementale, Sada, Mayotte

Départementales partielles à Sada : Saïd Souffou-Mariam Kalame en tête

139522
Le 1er tour de l'élection partielle des conseillers départementaux du canton de Sada se tenait ce dimanche 25 septembre. Le canton est toujours scruté de prés pour être l'un des épicentres politiques locaux. Les élections...