Pour se doter de compétences locales, le conseil départemental a décidé de travailler en amont, en encourageant les étudiants à se diriger vers des voies de métiers en tension, ou d’excellence. Pour cela, la DPSU (Direction des Politiques scolaires et universitaires) a décidé d’agir sur les conditions d’octroi de bourses avec un nouveau règlement. Ce sont des aides régionales qui viennent en plus du dispositif national de bourse, pour compenser essentiellement les frais de transports et d’intendance depuis Mayotte.
L’année dernière, un gros bouleversement avait déjà eu lieu avec l’arrêt des bourse pour les lycéens, et l’évolution du temps de présence incompressible nécessaire à leur obtention, « il faut désormais être présent sur le territoire dans les 15 ans qui précèdent la demande de bourse, et non plus depuis l’année 1993 », nous explique Ali Debré Combo, Conseiller départemental qui préside la Commission d’Octroi des Bourses et Aides (COBA).
Une nouvelle orientation qui colle aux directions impulsées par les politiques économiques, sociales et culturelles du Département. Et se traduit par l’éclatement des bénéficiaires en deux groupes, dont le 1er connaît une revalorisation du montant des bourses d’enseignement supérieur et des filières à priorités fortes. Il intègre les études de santé, dont la première année commune (PACES), les grandes écoles, les écoles d’ingénieur, Sciences Po, etc., les études qui correspondent aux besoins en compétence définie par le département en fonction des besoins (par exemple le médico social dans un premier temps, pour évoluer ensuite), et enfin, les autres filières prioritaires d’études supérieures. Le Groupe 2 recouvre les filières à priorité modérée.
Les parents impliqués dans la demande de bourse
Les aides financières regroupent la prime d’installation, et sont fonction du niveau d’études, « en 1ère année, le versement sera de 161 euros, quand pour le doctorat il peut être de 1.265 euros », explique Houlam Haladi, Chef de service Enseignement supérieur. Elles peuvent se doubler d’aides au transport, et d’aides exceptionnelles. Et ce qui se traduit par l’absence de plafond de ressource pour les parents des bénéficiaires du groupe 1, et un plafond de 95.610 euros pour ceux du groupe 2.
L’enveloppe dégagée par le conseil départemental est de 15 millions d’euros chaque année, mais n’est pas entièrement dépensé, comme nous l’explique Ali Debré Combo : « Nous contrôlons mieux les bénéficiaires. Par exemple, l’assiduité au cours est devenue une condition incontournable. Après avoir signé des conventions avec les universités, nous recevons les bulletins en double, qui sont vérifiés par nos médiateurs. C’est de l’argent public, on ne peut pas faire n’importe quoi. » Autre innovations, les parents sont associés, « ils doivent être codemandeurs lors des signatures des dossiers de bourse ». Enfin, les élus ont souhaité mettre en évidence la cohérence des parcours, « depuis l’année dernière, on ne peut plus sortir d’un Bac pro et s’inscrire en première année de PACES. » Le conseil départemental précurseur de Parcoursup !
Fuite des cerveaux
Seuls 12 millions d’euros ont été dépensés en 2018, « nous avons utilisé la différence pour mener des opérations d’informations d’actions auprès des jeunes ». Un focus avait été fait lors de la journée nationale des diplômés à Montpellier, « nous voulons mettre en avant la réussite ».
Et la réussite est notamment incarnée dans la salle par Zaina Ibrahim, responsable des ventes de la société SmartGurlz, à Londres : « Après des études en Langues Etrangères Appliquées, je suis allée un an en Espagne, et je vis depuis 11 en Angleterre. » Elle se dit ambassadrice de Mayotte à l’étranger.
Si Houlame Haladi et Enfanne Haffidhou, DGA du Pôle économique et développement, le martèlent de concert, « il faut alimenter le tissu économique de compétences adaptées aux pôles de développement du territoire », on voit mal pour l’instant ce qui pourrait contraindre un Mahorais qui a fait ses études en métropole à revenir sur son île, et la fuite de nos cerveaux ne dit pas autre chose. Une clause de contrainte au retour après avoir bénéficié d’accompagnement de son département ne serait-elle donc pas souhaitable ? Pas nécessairement pour Ali Debré Combo, « on sait qu’un jour ou l’autre, un mahorais rentre au pays, ne serait-ce que pour s’occuper de ses vieux parents. » Une question qui mérite cependant d’être examinée.
Anne Perzo-Lafond