La passation de témoin de la gestion du Revenu de Solidarité Active (RSA) entre le conseil départemental et l’Etat avait eu lieu en février dernier. Il s’agissait d’un engagement du président de la République, après une revendication des élus mahorais : le montant du RSA atteignait ici 30.000 euros en 2017, contre une compensation de référence de l’Etat figée en décembre 2014 à 15.000 euros, et avec un potentiel d’allocataires à venir conséquent. « On se demandait où cela allait s’arrêter ! », s’était inquiété Issa Isa Abdou, 4ème vice-président du Département chargé du social.
Une revendication qui a fait tâche d’huile puisque si la Guyane avait porté la revendication avec Mayotte, s’est depuis greffée La Réunion, « et sans doute la Martinique et la Guadeloupe », informait Patrick Bonfils, directeur de la DJSCS.
Pour que cette réorganisation soit totale, il fallait que l’ensemble des partenaires signe la convention relative au dispositif d’orientation et du droit à l’accompagnement des allocataires du RSA.
En 2018, un rapport gouvernemental déplorait que sur le territoire national, 6 mois après une demande de RSA, 40% des bénéficiaires ne soient pas orientés vers un accompagnement. Au bout de deux ans, 13% sont « totalement livrés à eux-mêmes ». Nous n’avons pas d’état des lieux à Mayotte, mais tout cela est contraire à la philosophie du RSA, rappelait Patrice Bouzillard, le tout nouveau sous-préfet à la Cohésion sociale : « Ce n’est pas qu’un revenu de subsistance, c’est aussi un outil d’insertion. »
Convergence des calendriers
Il est vrai que la charge croissante supportée par le conseil départemental ne devait pas inciter au démarchage de nouveaux allocataires, car de l’avis de tous, s’ils se montent seulement à 5.000 à Mayotte, le potentiel est triple. Et le chiffre avait baissé cette année, constatait Patrick Bonfils, qui l’explique notamment par « la difficulté d’accès aux droits », le faible niveau du RSA activité*, et un accompagnement déficient des bénéficiaires, « un séminaire sera organisé en octobre sur ce thème ».
D’autres raisons sont également avancées, par Issa Abdou : « Il faut améliorer la communication, mais aussi, accélérer la convergence vers le montant national, nous ne sommes encore qu’à 50%, soit environ 200 euros par mois pour une personne seule ». L’année 2025 avait été avancée comme date de rattrapage à 100%, mais ce sera précisé par une mission qui doit se rendre dans les semaines à venir à Mayotte, nous apprenait Patrice Bouzillard, « elle précisera le calendrier de convergence pour toutes les allocations ». Un nouveau calendrier de convergence, nous en sommes au 3ème ou 4ème…
On connaît les raisons de cette lenteur de rattrapage des allocations, alors que les impôts ont été appliqués à 100% immédiatement, car si comme le dit le sous-préfet, « le maitre-mot à Mayotte c’est convergence », il rajoute les trois mots qui lui collent à la peau, « pas trop vite », sous peine de provoquer « des dysfonctionnements ». Un travail est en cours « avec Bercy », pour « rattraper le seuil moyen des outre-mer ». Un défi à relever pour Issa Abdou qui y voit une manière d’endiguer les départs des mahorais vers La Réunion et la métropole.
Une étude sur les ruptures de droit
Sur la même longueur d’onde, la directrice de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM) estime qu’il ne faut pas voir dans ce retard de convergence seul « l’impact budgétaire pour le gouvernement », mais aussi une difficulté dans la capacité à accompagner de la part des acteurs locaux : « Nous avons déjà eu des cas de rupture de droits à gérer. D’ailleurs, nous avons commandé une étude au sociologue David Guyot sur l’origine de cette exclusion aux droits », rapportait Ymane Alihamidi Chanfi. Elle avance d’autre raisons au faible volume d’allocataires au regard des besoins d’une population vivant à 84% sous le seuil de pauvreté selon les standards métropolitains : « Le déficit de bancarisation (70% de comptes en banque, ndlr), ou encore les critères d’exigibilité ».
Ces derniers sont en effet contraignants à Mayotte, puisqu’il faut être de nationalité française ou pouvoir justifier de 15 ans de présence continue sur le territoire.
Ce n’est donc plus le conseil départemental qui va accompagner les allocataires, « nos agents seront redéployés en interne avec formation pour montée en compétence », glissait Faouzia Soilih, directrice de l’action sociale territorialisée, une compétence que récupère la CSSM. Aurélie Jaulin, sous-directrice de la Caisse, a été particulièrement active dans cette réorganisation du RSA : « Nous avons procédé à quatre recrutements, pour notamment prendre en charge le supplément de travail lié aux contentieux et aux recouvrements de créances. » Quant à l’accueil, pas de bouleversement en vue, « il s’agit du public que nous gérons habituellement, nous passerons juste davantage de temps pour individualiser les dossiers de RSA, cerner leur contexte et les accompagner au mieux. »
A la table de signature de la convention, aux côtés de la préfecture, du Département, de la CSSM, et de la DJSCS, Pôle emploi et la Mission locale.
Anne Perzo-Lafond
* Le RSA activité vient en complément des revenus perçus
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