Le contrôle de la Chambre régionale des Comptes qui a tant agacé le président du Syndicat des Eaux Mouhamadi Bavi parlant de son « ras-le-bol », vient de se traduire dans un rapport : il est encore plus mauvais que le précèdent.
Comme nous l’avions suggéré, la « lassitude » exprimée par le président Bavi n’avait donc pas pour seule origine son combat, certes méritoire, contre Vinci pour rééquilibrer les forces en présence.
Rappelons que les communes ont délégué à ce Syndicat intercommunal d’Eau et d’Assainissement la gestion de l’eau potable, et l’assainissement, c’est à dire l’évacuation des eaux usées. Deux budgets annexes, eau et assainissement, qui ont été votés en déséquilibre, le préfet a donc saisi la Chambre régionale des Comptes. Qui les a jugé insincères. « L’absence de plusieurs responsables du service des finances, le défaut de fiabilité des données et le manque de transparence budgétaire », ont incité la Chambre à livrer un diagnostic sévère et à proposer des mesures de redressement, pas seulement sur 2019, « Le retour à l’équilibre du budget eau ne pouvant être envisagé en 2019, il convient de mettre en place un plan prévisionnel, donc sur les exercices suivants”.
Chaque budget est divisé en section d’exploitation, pour en assurer le fonctionnement, et en section d’investissement, en l’occurrence dans les infrastructures d’eau et d’assainissement. Les remarques se recoupent sur les deux budgets.
+220% de hausse de charges de personnel en 4 ans
Le budget Eau est annoncé en déficit de 13,5 millions d’euros. Les raisons ne sont pas à chercher plus loin que des charges de personnel qui se sont “accrues de 220% de 2014 à 2018”, 47 des 104 agents titulaires ayant été recrutés depuis 2014, soit la moitié ! « Incompatible avec la situation financière du syndicat », signe la CRC. 2014… année où Bavi obtient la présidence du Sieam, et année de décès de Maoulida Soula, son prédécesseur.
Les mesures préconisées par la CRC touchent l’annulation des réceptions et déplacements, la suspension des marchés d’assistance à communication (400.000 euros), de celui d’abattage et élagage d’espaces verts des Stations d’épuration et de pompage, la résiliation des locations de voiture (économie de 100.000 euros par an), le contrôle des cartes d’achat de carburant, la résiliation du marché de la formation de 258.000 euros, pour ne recourir qu’au CNFPT, l’annulation de la prise en charge des loyers d’agents, faute d’ailleurs de délibération.
Et en matière de personnel, « le non renouvellement des contrats, le non remplacement en cas de départ à la retraite » (rare à Mayotte où les retraites restent au plancher), ou la diminution du recours au personnel extérieur.
Les élus sont priés de faire des efforts, « en renonçant à une partie de leurs indemnités » et en restreignant leurs frais de mission. En ne retenant pas intérêt d’emprunt, les dépenses d’exploitation peuvent être ramenées à 7,8M€.
21% d’impayés sur l’assainissement
Et pour accroitre les recettes, on va pomper non pas de l’eau, mais sur la surtaxe prélevée aux communes, déjà votée en comité syndical le 16 avril 2018. Le Sieam doit augmenter chaque année de 3% cette surtaxe, « pour prendre en charge ces dépenses somptuaires », assène de nouveau la CRC, et atteindre le niveau de recettes nécessaires de 9,5 millions d’euros en 2022.
En matière d’investissements, par sa gestion calamiteuse, le Sieam met en péril le Contrat de progrès sur lequel il s’était engagé auprès de l’Etat. Qui prévoit 21millions d’euros de subvention, 11 millions d’euros du Fonds de Compensation de la TVA et 35 millions d’euros de financements propres et d’emprunts bancaires, pour des « constructions d’équipements nouveaux et une extension des réseaux ». Mais sans autofinancement pas d’emprunt…
De plus, les investissements du plan urgence eau post pénurie de 2017 ne sont pas achevés, et ne pourront pas l’être « sans investissements supplémentaires ».
Si le budget d’eau potable était en équilibre en 2014, celui de l’assainissement ne se portait déjà pas bien. Il ne s’est donc pas amélioré, avec le même problème de gestion dispendieuse. Mais aussi en raison du faible nombre de raccordements à un système d’assainissement encore balbutiant. La Chambre livre d’ailleurs les chiffres : 12.000 abonnés, avec une progression de 11% par an entre 2011 et 2018, mais 9.800 réellement facturés, et un taux d’impayés croissants, d’environ 21% en 2018, pour des recettes estimées 3,1 millions d’euros.
Avec ses préconisations, la Chambre n’a pas pu faire mieux que de proposer des mesures permettant de limiter les déficits prévisionnels respectivement à 10,5 millions d’euros pour l’eau et 21,8 millions d’euros pour l’assainissement. Seul un plan pluriannuel d’une durée indéterminée permettra de résorber ces déficits compte tenu de leur ampleur et des marges de manœuvre du syndicat.
Si une tutelle n’est pas formellement annoncée, des mesures comme le vote du budget par article en section d’exploitation et par opérations en section d’investissement, permettront un meilleur contrôle, ainsi que la supervision des budgets par le préfet jusqu’à la résorption du déficit. La dissolution du syndicat ne serait pas exclue. Toutes les décisions modificatives que prendrait le comité syndical devront être examinées par la préfecture.
Le SIEAM dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer sur les mesures proposées par la chambre.
(Lire le rapport CRC19 06 SIEAM_001)
Anne Perzo-Lafond