« Cette carte est magnifique ! », le géographe Saïd Saïd Hachim, Administrateur de système d’information géographique au conseil Départemental de Mayotte, s’extasie devant la dernière production de la mission May-Obs, la 2ème, qui a livré hier ses dernières observations à la presse : coulée de magma longue de 2km et haute de 75 mètres au sud du volcan actuel, et sortie de fluides sur la zone d’essaim, « sûrement des gaz », supposent les scientifiques. Quand eux voient un phénomène passionnant qui se déroule là, à 3.500 m de fond, presque sous nos yeux, la population elle, pense « risque ». C’est pourquoi nous avions interviewé la mission de Sécurité civile lors de son passage à Mayotte. Elle avait indiqué qu’en l’état actuel des connaissances, le risque majeur restait la submersion marine.
Les révélations de ce lundi ont réveillé des vieux fantasmes, en particulier sur un éventuel risque tsunami. Avec d’autres scientifiques, Saïd Hachim a travaillé sur ce sujet, qui a donné lieu à un article, « Modélisation de l’accessibilité territoriale pour l’aide à la gestion de crise tsunami », de Frédéric Leone, Mathieu Péroche, Emilie Lagahé, Monique Gherardi, Alexandre Sahal, Freddy Vinet, Saïd Hachim et Franck Lavigne. « C’est la seule étude de référence en cas de tsunami à Mayotte », explique le géographe.
Qui s’étonne : « L’aléa glissement de terrain sous-marin a toujours existé à Mayotte, on ne va pas s’affoler maintenant sur un risque tsunami ! ». Un spécialiste de paléo-tsunami Patrick Wassmer avait pratiqué un carottage prés de Saziley, « il est allé jusqu’à 300 mètres de profondeur, et aucune trace de tsunami n’est visible ». Sur la nouvelle cartographie, on peut voir que, par le passé, des éboulements et glissements de terrain se sont produits, sans pour autant provoquer de grosse vague dévastatrice.
Les mosquées en alerte
Saïd Hachim et ses comparses ont modélisé sous la direction du professeur Frédéric Leone en 2014, dans « L’Atlas des risques naturels », le temps de mise à l’abri de la population pour un épicentre lointain, et ceci, par commune, « ce n’est donc pas la peine de lancer d’autre études ». On voit ainsi qu’à Acoua, le temps de déplacement des habitants pour trouver une zone hors de danger, est plus court, 12 minutes, « car ils peuvent aller rapidement en hauteur », que dans d’autres communes comme Mamoudzou où il faut une demi-heure en moyenne. « Par contre, si le glissement de terrain se produit dans la région, comme au Karthala, le temps imparti est plus court, il ne faut pas dépasser 20 minutes en moyenne pour une mise à l’abri. Un système d’alerte doit donc être pensé ». Passer par le biais des 183 mosquées de l’île est une des pistes envisagées par l’étude.
Mais il n’y a pas lieu de s’alarmer, selon Saïd Hachim, « il faut arrêter de paniquer pour rien ! Il y a 1.500 volcans actifs sur la planète, prés d’un million sous les océans, avec des coulées de lave pendant que nous parlons, mais il n’y a pas de tsunami pour autant. »
Durant notre échange, le scientifique revient systématiquement vers la carte de May-Obs 2, pour finalement évoquer les récentes découvertes, « cette ligne définie par les trois zones identifiées pour l’étude, ça ressemble quand même à un prolongement du système volcanique à l’origine de la formation de Petite Terre », suppose-t-il, en évoquant « des manifestations volcaniques là-bas ». Preuve à l’appui, il nous fait visionner une courte vidéo que vous pouvez visionner en cliquant sur “volcanisme pamandzi “, tournée il y a quelques années par un enseignant, Christophe Castagne, toujours d’actualité, « les mini geysers sont toujours là, avec un dégagement d’odeur de soufre ». Une activité qui pourrait correspondre à celle découverte à 15km à l’Est de l’île, avec sortie de fluide s’apparentant à du gaz.
Prêt à partir
Son bureau est finalement une source d’informations qu’il ne demande qu’à partager pour informer le plus grand nombre en fonction des inquiétudes locales : « A ceux qui craignent un déversement de lave sur Mamoudzou, je peux faire une coupe de la cartographie pour leur expliquer que c’est impossible au regard du dénivelé qui entoure Mayotte ».
Après notre dernier article où il sollicitait un partage d’informations, il avait été contacté par la physicienne cheffe de mission May Obs 1, Nathalie Feuillet et avait reçu une proposition pour intégrer la prochaine mission. Sans plus de nouvelles, il en est réduit à émettre des hypothèses : « Pour l’instant, nous n’avons pas de localisation exacte de la chambre magmatique, il y en a peut-être plusieurs. J’attends de pouvoir accéder aux données pour recouper ces informations avec les hypothèses que je formule avec mes collègues scientifiques. »
Quant aux liens entre les séismes et la poussée du volcan, les scientifiques essaient actuellement d’établir une corrélation directe, « c’est vrai que si l’activité d’un volcan, comme le Piton de la Fournaise, est toujours précédée de séismes, ils ne sont pas d’aussi forte intensité que ceux qui ont été enregistrés au cours de l’essaim chez nous. »
Difficile de quitter son ordinateur des yeux, chaque séquence donne l’occasion d’une nouvelle carte, d’un article scientifique, ou de schémas. Pour répondre à sa frustration de ne pas être sur le terrain, sur l’eau en l’occurrence, son employeur, le conseil départemental s’est dit prêt à le détacher pour l’envoyer sur la prochaine mission.
Anne Perzo-Lafond