“Les agressions sexuelles n’ont pas de frontière” lâche le président Laurent Sabatier. Le magistrat n’a pas apprécié que le prévenu à la barre se cache derrière son statut de réfugié pour tenter de se disculper. Selon ce dernier, c’est parce que “les Mahorais n’aiment pas les Africains” que trois riveraines de Mamoudzou ont déclaré l’avoir vu sortir son pénis en érection en pleine rue. Un argument conforté par la déclaration gênante d’une victime qui dit avoir “peur de ces gens là” mais vite balayé par le tribunal. “Si c’était anti-africain, il y aurait les 9 Africains qui vivent avec vous à la barre, or il n’y a que vous. Vous utilisez votre statut pour accuser la victime de racisme” s’agace Laurent Sabatier.
Une fois démonté le principal argument de défense du prévenu, que reste-t-il ? Les accusations dont il fait l’objet. Celles de trois jeunes femmes qui fournissent toutes une description similaire de l’attitude de ce voisin embarrassant.
“Il m’a proposé de porter mes courses, mais j’ai refusé car j’étais presque chez moi”, témoigne la première. Econduit, le jeune homme aurait alors mis sa main dans son short pour se masturber avant de sortir son phallus et de l’exhiber en bloquant l’accès de la victime à sa porte d’entrée. Il tente alors de contraindre la jeune femme à le toucher.
“J’aimerais retrouver un peu de dignité”
“Ces faits-là ont transformé mon quotidien, sanglote-t-elle à la barre. Jusque là je vivais tranquillement, la vie que je menais me convenait parfaitement. Je me suis sentie nue devant lui, je ne sais pas ce qui serait arrivé s’il avait insisté, je n’ai pas envie de continuer à vivre avec cette peur, j’aimerais retrouver un peu de dignité”.
Une enquête de voisinage permet de découvrir deux autres victimes, dont une signale trois faits similaires en début d’année 2019. “Agiter son sexe était sa manière de saluer” déplore l’une d’elle, absente au procès.
Le prévenu lui, reste mutique, se bornant à nier les faits. Pour mieux cerner sa personnalité, le président Sabatier entreprend alors de relater en bref le parcours de ce réfugié, persécuté pour “homosexualité” à Kinshasa. Quand sa famille meurt de maladie, il y est accusé de porter la malchance. Lynché par la foule, il est grièvement brûlé aux fesses et prend la fuite vers la Tanzanie avec sa soeur. Il y tombe entre les griffes d’un réseau de prostitution et subit des viols pendant un mois avant de fuir de nouveau. De quoi expliquer des “problèmes psychiques”. Pour autant, le psychiatre ne décèle pas d’altération du discernement. Pour Laurent Sabatier, “ce n’est pas parce qu’on a souffert qu’on doit faire souffrir les autres”.
Il annoncera finalement une peine conforme aux réquisitions du procureur Miansoni : 6 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve, ce qui signifie une incarcération immédiate s’il ne suit pas un traitement médical, ou entre en contact de quelque manière que ce soit avec les victimes.
Y.D.