Les salariés de BDM disent exercer leur « droit de retrait », un terme mis un peu à toutes les sauces à Mayotte, mais qui à souvent un arrière goût d’insécurité. Ce fut le cas l’année dernière au lycée de Kahani, lorsque les enseignants avaient alerté contre les violences dans et aux abords de l’établissement, et c’est l’objet du mouvement social du jour, plusieurs salariés expliquant avoir été agressés dans le cadre de leur profession, essentiellement au sein des Douka Be.
Ces épiceries calquées sur le modèle des doukas locaux, ouvertes par BDM, seraient particulièrement visées par les délinquants, à entendre le délégué du personnel CFDT, Antoine Tava : « Nous somme confrontés à plusieurs cambriolages, pas plus tard que ce lundi soir au Douka Bé de Mtsapéré, mais avec désormais une ampleur sans précédent, dans celui de Bandrélé samedi dernier. Le responsable du magasin a été menacé par une arme à feu ».
Le responsable en question est d’ailleurs sur le parking, il ne souhaite pas que nous révélions son identité, mais revient sur les faits : « Lorsque j’ai ouvert le magasin ce samedi matin, j’ai entendu du bruit. Je me suis alors retrouvé nez à nez avec un homme, qui a sorti une arme, un pistolet, et m’a menacé en me demandant de m’asseoir. Il m’a pris les clefs du magasin pour pouvoir sortir. Il n’a pas été interpellé depuis. »
Un préjudice important
Mais avant de sortir, l’agresseur a eu le temps de dérober pas mal d’argent, comme nous l’apprend le général de gendarmerie Philippe Leclercq : « Une enquête est ouverte pour vol à main armée. Heureusement, il ne s’agissait pas d’une arme à feu, mais d’un pistolet d’alarme, mais suffisamment impressionnant pour celui qui est menacé. Il a pu accéder à la salle du coffre, et a commis son vol, un préjudice important, correspondant à plusieurs jours de recette. La section de recherche est sur le coup, avec une première interpellation qui s’est muée en garde à vue. » Le militaire ne veut pas en dire plus, notamment sur le montant du vol, mais il souligne des « éléments intéressants » de preuve découverts sur place.
Pour Antoine Tava, comme pour sa collègue de la CGT, Anissa Hadhurami, c’est l’agression de trop, d’autant que cette dernière nous apprend qu’un employé d’un des magasins de Labattoir a été agressé par un jeune qui lui asséné un coup sur la tête, « il a été hospitalisé, et garde encore des séquelles psychologiques qui ne sont pas prises en compte ». Pour clore cette sombre série, la responsable du Douka Bé de Vahibé est présente elle aussi, et nous explique avoir été agressée il y a un mois : « Un jeune du village a lancé des pierres, dont une a atteint des bouteilles d’alcool, qui ont éclaté, j’ai été blessée par un morceau de verre. Il a été interpellé, mais relâché parce que mineur. Du coup, il passe régulièrement devant le magasin et me menace. »
« Nous nous exposons beaucoup trop »
Se sentant en première ligne face à ces agressions, les salariés ont décidé de ce premier mouvement : « Nous demandons des agents de sécurité en permanence pour les Douka Bé et les SNIE, comme il y en a chez Jumbo ou dans les Score. On nous demande d’interdire l’accès aux magasins à toute personne agressive, tout en travaillant, mais nous nous exposons beaucoup trop. Car nous travaillons dans la commune où nous habitons, et où résident ces jeunes, qui sont parfois shootés. Ils nous menacent, nous et nos familles. » Certains Douka Be ferment à 21h30, précisent-ils.
Ils expliquent en avoir fait part à leur direction qui a mis en place des caméras, « mais ça ne les freine pas, surtout qu’ils viennent cagoulés. Et lorsque nous demandons des agents de sécurité, on nous répond que ça attire les délinquants. Pourtant, on observe qu’à Jumbo, il n’y a pas de problème ».
Nous avons pu joindre Marc Berlioz, le directeur de BDM, pour connaître sa position, mais il nous a informé ne pas vouloir communiquer. Les salariés nous précisent qu’ils sont en période de Négociations Annuelles Obligatoires (NAO), « si la direction n’apporte pas de réponse satisfaisante, nous entamerons un vrai mouvement de grève ».
Anne Perzo-Lafond
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