Le parquet de Mamoudzou avait prévenu et tient parole : faire travailler des personnes en situation irrégulière et tirer profit de l’immigration clandestine peut coûter cher.
Un chef d’entreprise en a fait l’expérience ce mercredi au tribunal. Il était poursuivi pour avoir, durant les grèves de 2018, fait travailler plusieurs clandestins sur un chantier à Dzaoudzi. La situation a été mise au jour par un contrôle mené sur réquisition du procureur. Sur le chantier, plusieurs maçons et charpentiers travaillaient sans être déclarés, voire sans titre leur permettant de travailler en France.
Concrètement, l’entrepreneur avait d’abord recruté un maçon qu’il connaissait pour lui confier une partie du gros-oeuvre. Moyennant 600€, l’employé, non déclaré, avait une semaine pour boucler le travail. Une mission impossible à réaliser dans le délai imparti, s’accordent à dire l’employé et la Dieccte. L’employé, un Comorien proche du chef d’entreprise, recrute alors à son tour deux ouvriers, à qui il propose 150€ à chacun. A ceux-ci s’ajoutent plusieurs “stagiaires” que le chef d’entreprise dit avoir emmenés à leur demande, sans les faire travail, “juste pour observer et apprendre”. Sauf que ces derniers affirment avoir été astreints à des horaires de travail, et attendre un salaire, qu’ils n’ont jamais eu. “En proposant ce travail je leur rendais déjà service” estime le chef d’entreprise.
Un bénéfice “délirant”
Ce dernier affirme n’avoir pas remarqué que des clandestins travaillaient pour lui. “j’ai bien vu qu’il y avait trop de personnes [sur le chantier], mais je n’ai jamais rien demandé” se défend-il. Reste que cette présence non déclarée était plus que bénéfique pour l’entreprise. Les quatre lots attribués à cette société représentaient un contrat à 172 000€. Le patron estime son bénéfice à 35 000€. “Cela vous fait 20 à 25% de marge brute, c’est énorme, c’est délirant !” s’exclame le procureur Rieu.
Mais pour l’avocat Delamour Maba Dali, on ne peut pas reprocher à son client son goût du bénéfice. “”C’est un chef d’entreprise, ce n’est pas mère Teresa ni l’Abbé Pierre”, il estime que l’entrepreneur est de bonne foi et réclame sa relaxe.
Un argument mis à mal par le fait que le prévenu a déjà été condamné en 2017 pour la même chose.
“Ce dossier c’est un peu le procès des bricoles, estime ainsi le procureur. Les pourvoyeurs de bricoles, ce sont les gens comme lui, ce n’est pas que le procès d’un chantier de travail illégal, il y a un enjeu global pour Mayotte et son économie.
Le tribunal a opté pour une peine de 200 jours-amende à 100€. En clair, cela fait 20 000€ d’amende à payer, sous peine de passer 200 jours à Majicavo.