“A Mayotte il y a toujours une raison de se venger de quelque-chose” déplore la juge Nathalie Zahi, qui présidait l’audience à juge unique de ce mardi 30 juillet.
Face à elle, le prévenu est accusé d’avoir porté des coups de machette à un homme dans la maison de ce dernier. Il le soupçonnait d’avoir une liaison avec sa femme. “Et alors, elle vous appartient ?” interroge la juge, “je l’avais épousée, celle-là” répond le grand gaillard dégarni, comme si cela justifiait son accès de violence. C’est qu’en ce jour d’octobre 2018, son épopée vengeresse aurait pu bien plus mal finir. Après avoir porté un coup de panga (une machette à bout pointu) à la jambe de sa victime, il a tenté de frapper de nouveau l’amant de sa femme alors que ce dernier fuyait. Avant de s’enfuir à son tour pour Anjouan où il est resté trois mois avec… ses autres femmes officieuses. “Après j’ai regretté” affirme-t-il. Espérant, même en prison, avoir “une vie meilleure à Mayotte”, il revient et est arrêté en mars dernier. Mais en fait de regret, il persiste et signe, portant cette fois sa colère sur l’épouse. “Si je la croise, ça pourrait mal se passer” prévient-il devant les gendarmes.
“C’est Mayotte, Mayotte où tout est permis”, s’emporte la juge devant l’inconséquence du prévenu.
“Vous n’acceptez pas que votre femme aille voir ailleurs alors que vous êtes vous-même volage” rebondit la procureure Pajak-Boulet, conformément à ses réquisitions, le mari violent et jaloux écope de 6 mois de prison avec sursis, et 500€ d’amende.
De l’alcool dans le sang et des poubelles sur la route
L’affaire suivante n’est guère plus reluisante. Elle remonte au 25 mars dernier. La police municipale de Ouangani est en patrouille quand, rue de la Mairie, les agents repèrent un habitant, agent municipal, qui place des bacs à ordure au milieu de la chaussée. Alors qu’ils s’approchent, l’homme les insulte copieusement et les menace. Les policiers municipaux alertent les gendarmes qui subissent le même traitement. Une attitude que l’homme met sur le compte de l’alcool. “J’avais acheté et bu 8 bières, quand je bois je ne me contrôle pas” explique-t-il en garde à vue. Par contre aucune explication sur l’intérêt de bloquer la route avec des conteneurs-poubelles. Ni sur le fait qu’il ait récidivé quatre jours plus tard, puisque les mêmes faits étaient commis le 29 mars suivant. L’individu, qualifié de “vraiment dangereux” par les deux policiers municipaux, a écopé de 10 mois de prison dont 6 ferme. Il a obligation de se soigner, de suivre un stage de citoyenneté à ses frais et de verser à chaque policier la somme de 1500€. Il n’était pas présent à l’audience.
L’arrestation de trop pour le chauffeur sans permis
Toujours en mars 2019, un chauffeur poids-lourd était contrôlé par des agents de l’inspection du travail à Dembéni. Dans une ruelle étroite, sa manoeuvre avait bloqué la circulation, jetant le doute sur ses compétences de conducteur de camion-benne. Il s’est avéré qu’il n’avait ni permis de conduire français, ni autorisation de travailler. En plus, un employé clandestin a pris la fuite lors du contrôle. Combo perdant pour cet agent de la ville de Pamandzi qui arrondissait ses fins de mois en transportant des marchandises en toute illégalité. Pour financer cette activité, il avait contracté un prêt de 10 000€ destiné à l’achat du camion. Mais en trois ans, il a été contrôlé trois fois au volant, et trois fois la justice lui a répété qu’un permis malgache n’est pas valide. C’était donc la fois de trop pour la justice. “Le fait d’avoir un permis français, ça n’a pas de prix, car c’est la garantie que vous n’êtes pas un danger pour vous-même et pour les autres” répète la procureure, qui s’agace. “Vous êtes capable de faire un prêt de 10 000€ pour acheter un véhicule mais vous n’êtes pas capable de vous payer le permis !”
Pour être sur qu’il ne reprenne pas le volant du camion-benne, la juge a condamné le prévenu à 6 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve, obligation de passer le permis, 1000€ d’amende et à la confiscation du camion.
Y.D.
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