Depuis juillet, Sea Shepherd est de retour à Mayotte pour la troisième année consécutive. L’ONG écologiste mène l’opération Nyamba 3, pour tenter de protéger les tortues des braconniers. Avec une méthode bien à elle. Lamya Essemlati est la présidente de Sea Shepherd France, et elle était à Mayotte ces derniers jours pour patrouiller.
Le JDM : C’est déjà la troisième opération Nyamba, comment est né le projet ?
Lamya Essemlati “Ça a commencé quand j’ai rencontré à Paris quelqu’un qui m’a parlé de la situation à Mayotte. A l’époque, on voulait faire quelque chose pour les tortues en Guyane, mais on a décidé de faire de Mayotte une priorité. Au début c’était pour trois mois. L’année dernière on a décidé de prolonger jusqu’à octobre ainsi que cette année. Au début on pensait qu’il y avait moins de tortues à partir d’octobre, et on s’est rendus compte qu’en fait, pas du tout. L’année prochaine on va essayer de faire encore plus long, la question du logement sera déterminante. Beaucoup de monde est prêt à venir un mois à Mayotte, mais il faut les loger. Notre objectif sera d’avoir un logement à l’année sur Petite Terre et un sur Grande Terre pour pouvoir mener les opérations “
Les opérations se passent comment justement, quelle est votre méthode ?
“On connaît les plages où ça braconne, la méthode c’est de se placer tous feux éteints sans déranger les tortues, avec des caméras thermiques qu’on n’avait pas la première année. Si on voit des braconniers s’approcher d’une tortue, on braque des projecteurs dessus. Dans 9 cas sur dix, ils détalent comme des lapins. Mais deux fois, ils nous ont caillassé, donc on envisage d’investir dans des casques . Le but c’est de montrer une présence. Ainsi sur la plage de Papani, 55 cadavres de tortues ont été découvertes de janvier à mai. Là on y est toutes les nuits, et ça ne braconne plus. Sur les 14 derniers jours, on a interrompu 6 tentatives de braconnage. La nuit dernière encore, on était en patrouille dans le sud. On fait ça toute la nuit, et systématiquement le matin, on prend des sacs et on ramasse les déchets, même si ça revient à chaque marée.”
L’opération Nyamba est-elle amenée à se répétée, voire à se renforcer ?
“Là, on a deux membres de Sea Shepherd qui viennent s’installer à Mayotte, dont une qui sera enseignante à Kawéni. On a en métropole un programme Sea Shepherd Kids, l’idée est de développer ça à Mayotte pour sensibiliser les enfants aux questions environnementales. C’est un projet central pour que les enfants découvrent le lagon, apprennent à l’aimer, et comprennent que si le lagon meurt, Mayotte mourra avec lui.
On veut absolument travailler avec les associations implantées localement et qui n’ont pas les moyens d’agir seules. On est en train d ‘établir un réseau, on sait qu’on n’y arrivera pas tous seuls.
Ensuite l’objectif sera d’étendre les patrouilles à l’année, d’augmenter le nombre de plages. Le faire toutes les nuits, c’est possible, si on a du monde ici. Sur Grande Terre, on patrouille déjà énormément avec des Mahorais. Après, les tortues, c’est une porte d’entrée, mais les problèmes sont plus vastes que ça, avec notamment du braconnage dans le lagon. Mettre en place un moyen de surveillance maritime permettrait aussi d’aller sur les plages plus facilement.”
Propos recueillis par Y.D.