Mayotte continue à se déplacer, 20 cm vers l’Est depuis le début du phénomène qu’on date pour l’instant au top départ des séismes en mai 2018, et à s’enfoncer, de 15 cm, surtout à l’Est, proche de la chambre magmatique qui se vidange. D’avantage qu’à l’ouest, où l’enfoncement « n’est que » de 8. Pas de risque de cassure en deux de l’île pour l’instant, les scientifiques expliquent que la structure sous terraine de l’île s’adapte. Des chiffres qui sont livrés depuis le début en toute transparence, avec deux données en tête : informer sans affoler. « La population doit s’approprier le risque, apprendre à vivre avec, et je note que dès le début le processus est en cours », constatait Annick Girardin. Bien qu’en baisse et moins ressentis, il y a eu 450 séismes en juillet.
La mobilisation est désormais nationale autour de ce phénomène qui reste « une 1ère mondiale », comme le rappelait à la fois Frédéric Mortier, Délégué interministériel aux risques majeurs en Outre-mer, et la ministre, « c’est la première fois que l’homme peut observer un tel phénomène volcanique ». Pour l’instant, 5km3 de lave se sont déversés, « conséquents ! », soulignait Frédéric Tronel, directeur du Bureau de Recherche géologique et minière (BRGM) Mayotte.
Pour s’approprier un tel phénomène, « à la fois enthousiasmant et inquiétant pour la population », il faut garantir toutes les marges de sécurité. C’est ce que demandait le préfet Colombet : « Le point qui m’importe, c’est de protéger les gens, mais c’est impossible si on ne les associe pas. Il faut donc mesurer l’aléa et le modéliser. » Il résumait en deux verbes le processus qui vient d’être mis en place, et qui prend la forme d’un Réseau de surveillance Volcanologique et Sismologique de Mayotte, ReVoSiMa.
Le risque de glissement de terrain pris en compte
Opéré par l’Institut Physique du Globe de Paris (IPGP) avec l’appui du BRGM Mayotte, le ReVoSiMa s’appuie sur les stations de mesures à terre et en mer, « les sismographes ont été renforcés de juin à septembre grâce à un investissement de l’Etat de 5 millions d’euros, notamment par des robots qui ne dépendent plus de la présence ou non d’un navire océanographique », explique Frédéric Mortier. Ce réseau d’observation et de suivi qui se traduit dès ce 26 août par un 1er bulletin d’activité sismo-volcanique sur le site de la préfecture, sera pleinement opérationnel l’année prochaine. Lire 1er bulletin info sismo-volcanique mayotte
Frédéric Mortier rajoute que le risque de glissement de terrain sous-marin doit être mesuré, « il n’est pas exclu et peut provoquer une submersion », un enfoncement partiel de l’île. La double chance de Mayotte, c’est sa barrière récifale et sa mangrove « qui protègent l’île ».
Après avoir observé, il faut modéliser. Il faut évaluer différents scénarios, de l’arrêt du phénomène qui se trouve sur la ride Nord-ouest/Sud-est, à la suite d’autres volcans éteints depuis des milliers d’années, à sa poursuite, avec un déversement continu de lave ou un éventuel glissement de terrain, ou encore un tsunami. Autant d’hypothèses qu’il faut coucher sur le papier pour mettre en place un système d’alerte et de mise à l’abri éventuelle. « Les prochaines grandes marées seront observées de prés », indiquait la DEAL. Dans ce cadre, les acteurs susceptibles d’être sollicités sont contactés, et un Comité des parties prenantes est constitué, « avec notamment les élus qui sont questionnés en première ligne par la population ». Une première formation est en cours à la CCI pour sensibiliser les acteurs économiques.
Toujours dans l’esprit d’impliquer la population, la ministre déplorait que le géographe mahorais Saïd Hachim n’ait pas intégré la mission MayObs 4, « les scientifiques sont maîtres de leur décision, mais les Mahorais doivent être associés, j’y veillerai »
Révision de l’emplacement de la piste longue ?
Une fois les divers scénarios élaborés, un premier rendu sera proposé en septembre. Les premières orientations en terme d’aménagement du territoire, notamment les projets en cours au plan de convergence, devront être adaptés. « C’est le cas de la piste aéroportuaire de Petite terre. Nous ne fuyons pas face à cet investissement, nous avons pris des engagements sur ce sujet d’évolution de la piste à Mayotte, mais il faut décider de son emplacement optimum, ou de décider de construire sur la mer. »
Les trois missions de Sécurité civile ont proposé 12 axes d’un plan d’action qui se décline en 80 mesures. Pour l’instant, 11 d’entre elles sont présentées au grand-public, « les autres dépendent encore de la modélisation de l’aléa ».
Il s’agit notamment du Renforcement par l’Etat de son équipe et des outils de commandement lors de gestion de crise en Centre Opérationnel Départemental, de l’ajustement de la planification de la gestion de crise en fonction des nouveaux risques avec remise à jour du plan ORSEC, la redéfinition des moyens d’alerte à la population par les réseaux sociaux et l’envoi de sms « GALA » par la préfecture, le redéfinition des zones refuge en cas de submersion marine (montée des eaux), etc.
Une toute autre ambiance que celle qui prévalait lors des premières missions donc, l’Etat prend des mesures à la hauteur du phénomène, « nous ne voulons pas revivre un deuxième drame après Saint-Martin », a expliqué la ministre des Outre-mer. Qui glissait que tout ceci n’est que la préfiguration de l’implantation d’un futur observatoire à Mayotte, en concertation avec la future plateforme de recherche implantée par le ministère de la Recherche dans la zone océan Indien.
Anne Perzo-Lafond
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