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dimanche 24 novembre 2024
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Entre humour et célérité, première audience pour le nouveau président du tribunal

Débit de parole rapide, humour espiègle et efficacité à toute épreuve. Avec 5 à 7 minutes par procès, le président du tribunal Laurent Ben Kemoun a pris sa première audience ce mardi, avec un style bien à lui.

Les syllabes s’enchaînent comme les cartouches d’une Kalashnikov. Le débit de parole est rapide autant que saccadé. La diction est impeccable, si bien que les faits exposés par le nouveau président du tribunal s’en trouvent exprimés avec autant de clarté que de célérité. Alternant l’humour et la sévérité, l’écoute et l’impatience, Laurent Ben Kemoun appose sa patte. “En général ce sont les enfants de 6 ans qui disent qu’ils n’ont pas fait exprès, lui en a 60. Bon…” s’amuse-t-il au sujet d’un homme qui a fait vivre un enfer à ses colocataires, les frappant tous les deux avant de déménager en emportant l’essentiel du mobilier et de l’électroménager. Sauf que les enfants de 6 ans n’écopent pas de 8 mois de prison avec sursis et 5000€ de dommages et intérêts.

Rapidement, le magistrat passe à l’affaire suivante, une histoire d’exhibition sexuelle où le prévenu, ayant travaillé à Mayotte mais poursuivi pour des faits commis près de Meaux, finit relaxé. La seule preuve était un tissu où figurait son ADN sur les lieux du délit. Un ADN qui n’est “ni du sperme ni du sang” précise son avocate. Comme pour l’affaire précédente et les suivantes aussi, le président rend sa décision sur siège, c’est à dire sans prendre le temps de la réflexion dans la salle dédiée, et le plus souvent, suit les réquisitions du parquet.
La prévenue suivante travaille au Conseil départemental et est poursuivie pour avoir refusé à son ex de voir ses enfants. “Quand on est agent public comme vous et moi, on se doit d’être exemplaire, sinon les gens vont penser quoi ? Il faut respecter la loi” commente, pédagogue, le juge avant de conclure par une amende… et de renouer avec le sarcasme dès l’affaire suivante. Le dénommé Issouf y était poursuivi pour conduite sans permis, sans assurance et violences envers des gendarmes. A Combani, il avait été contrôle sur le bas-côté, dans une voiture “en mauvais état”. Pour l’abriter de la pluie disent-ils, les gendarmes ont voulu le faire monter dans leur fourgon, mais il s’est rebellé et a bousculé les militaires avant de finir en garde à vue où il a refusé de manger le repas qu’il trouvait peu appétissant. “J’imagine bien le petit Issouf embêter tout le monde à la cantine” sourit le juge avant de s’étonner que les gendarmes essayent de “protéger (le prévenu) de la pluie, comme s’il était en sucre ou qu’il allait fondre”. 12 mois de prison avec sursis.

“La prochaine fois je vous fais expulser”

L’affaire suivante ne prend pas non plus plus de 7 minutes, montre en main, à être jugée : un jeune de Vahibé jaloux s’en prend à un automobiliste, brise ses vitres à coup de marteau et déclenche un caillassage par des jeunes de Passamaïnty. “Tel un Othello moderne il s’est laissé emporter par sa jalousie, mais la loi interdit les violences et dégradations pour ce motif” clame le procureur suivi dans ses réquisitions par le juge Ben Kemoun :  6 mois avec sursis. Autre affaire de violence, un homme qui voulait venger sa fille et cherche à la barre à justifier les coups de bâton. “La prochaine fois, soit ça se termine au cimetière, soit ça se termine en prison” prévient le juge avant de le relaxer au bénéfice du doute. Qu’importe la condamnation tant que le message passe. “Je ne veux plus vous revoir à la barre”.

Puis une phrase résonne plus que les autres : “C’est la deuxième fois, la prochaine fois je vous fais expulser” lance soudainement le juge à deux garçons un peu bavards au fond de la salle.

Puis sur une affaire de blessures involontaires, un accident de la circulation, le juge casse les codes. Avant même d’évoquer les faits ou d’interroger le prévenu, il commente les fiches qu’il a sous les yeux. “Les explications que vous donnez sont à dormir debout, on n’y croit pas une seconde”. Alors que le chauffard tente de convaincre qu’il s’est endormi en plein dépassement à 15h30 dans le virage d’Hamouro, le juge le coupe. “La vérité c’est que vous êtes un mauvais conducteur, imprudent et pressé, vous êtes un danger public”. L’accident avait fait trois blessés dont un enseignant de 60 ans qu’il avait fallu désincarcérer. Un an de prison avec sursis.

Le tribunal de grande instance de Mamoudzou

Quant aux dernières affaires, jugées sans prévenu et sans avocat présent, le timing passe à moins d’une minute. A 10h30 le rôle est déroulé et l’audience est levée. C’est là qu’intervient le colocataire condamné une heure plus tôt, mais arrivé en retard. “Trop tard c’est jugé, vous pouvez faire appel” l’informe le juge sans lever la tête.
Faire sourire la salle tout en donnant des sueurs froides aux prévenus à la barre, et être rapide sans négliger l’humain, c’est le talent des juges pénalistes. Laurent Sabatier avait sa façon de faire, Laurent Ben Kemoun a la sienne. Non moins efficace.

Les justiciables n’ont qu’à bien se tenir.

Y.D.

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