On peut se réjouir de la forte mobilité des étudiants mahorais, puisque sur l’ensemble des 11.357 bénéficiaires de passeports pour la mobilité des études de L’Agence De l’Outre-mer pour la Mobilité (LADOM), c’est Mayotte qui de loin, enregistre le plus grand nombre de billets, avec 41 % des billets délivrés ont été destinés à des étudiants Mahorais. Le déficit en offre de formation, notamment supérieure, sur notre exigü territoire, l’explique.
Alors que LADOM publie son rapport d’activité 2018, se réjouissant de l’insertion de 6 ultramarins sur 10 après avoir quitté leur territoire pour une formation, en métropole ou à l’étranger, l’INJEP s’est penché d’un peu plus prés sur l’origine sociale des étudiants.
L’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) est un service à compétence nationale du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. L’INJEP c’est à la fois un observatoire producteur de connaissances et un centre de ressources et d’expertise sur les questions de jeunesse et les politiques qui lui sont dédiées, sur l’éducation populaire, la vie associative et le sport.
Les voyages forment la jeunesse diplômée
Il a financé une enquête du Centre d’étude et de recherche sur les qualifications (CÉREQ), portant sur l’efficacité des séjours à l’étranger pendant les études. Opportunité pour connaître d’autres cultures et d’autre méthodes, ils se généralisent de plus en plus, mais restent réservés à « une élite étudiante ». Pour répondre à la question objet de l’enquête des chargés d’études au CÉREQ, Robert Alexie et Julien Calmand, à savoir « Ces séjours favorisent-ils l’insertion sociale des jeunes ? », le CÉREQ s’est basé sur son enquête « Génération 2013 ». (Lire Etude Effets des sejours à l’etranger)
Ils sont 47% de l’échantillon de 693.000 jeunes (interrogés trois ans après leur sortie du système éducatif) à avoir effectué un séjour à l’étranger, soit 324.000 jeunes, dans et hors du cadre de leurs études, tous niveaux de diplômes confondus, durant leur formation initiale, et 34% indiquent en avoir effectué plusieurs. L’Union Européenne apparaît comme la destination principale, Royaume Uni et Espagne en tête. Les jeunes sans diplôme ou les titulaires d’un CAP-BEP, sont les moins nombreux à partir pendant leur scolarité, 3 à 4%. Les plus concernés, et c’est logique, sont les ingénieurs et les diplômés des écoles de commerce, 70%. « La mobilité transnationale demande des conditions matérielles favorables, une acculturation au déplacement, au voyage et un investissement familial pour favoriser les départs », résumé par l’expression « capital mobilité ».
« Être né quelque part »
Et non seulement les jeunes aux origines sociales modestes partent moins souvent que les enfants de cadres, mais lorsqu’ils partent, leurs séjours durent moins longtemps et aboutissent moins souvent à l’obtention d’une certification, pourtant synonyme d’insertion : 45 % des jeunes d’origines populaires contre 70 % des jeunes dont au moins un parent est cadre, permettant aux jeunes de mettre en valeur leur expérience à l’étranger auprès des recruteurs.
Le niveau d’étude des parents influence la probabilité de partir à l’étranger : un tiers des jeunes dont les deux parents sont diplômés de l’enseignement supérieur est parti à l’étranger dans le cadre d’études ou de stages, contre 10% d’enfants de non diplômés de l’enseignement supérieur. L’intérêt porté par les parents à ces séjours, semble déterminant pour l’INJEP.
On pourrait penser que les politiques nationales « réparent » cette injustice, il n’en est rien: « Les aides financières à la mobilité internationale sont inégalement réparties entre les jeunes. Les jeunes d’origine modeste, qui partent moins souvent que les autres à l’étrangers, bénéficient moins souvent d’aides financières en dehors de leur famille (indemnités de stage, bourses…) lorsqu’ils partent à l’étranger dans le cadre de leurs études. » Ce sont 51% des jeunes dont au moins un des parents est cadre qui sont concernés par ces aides, contre 43% des enfants d’ouvriers ou d’employés.
Triple handicap
Les incitations à partir à l’étranger des politiques nationales et européennes, telles que les bourses, n’arrivent donc pas à gommer les inégalités en terme d’origines sociodémographiques ».
Du reste, ces inégalités dans le champ des mobilités internationales influent également sur la qualité des emplois et le niveau des salaires : les jeunes majoritairement issus de milieux favorisés et ayant effectué un séjour d’études long et diplômant accèdent plus facilement que les autres aux emplois de cadre et à un meilleur salaire.
Au final, les jeunes d’origine sociale plus modestes pâtissent d’un triple effet cumulatif : ils partent moins souvent à l’étranger, et lorsqu’ils partent, ils reçoivent moins souvent une aide financière et leurs séjours sont moins valorisables sur le marché du travail.
« Des résultats qui conduisent à interroger les politiques nationales et européennes favorisant les expériences à l’étranger en cours d’études pour stimuler l’insertion professionnelle des jeunes les plus défavorisés », conclut l’étude.
A.P-L.
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