Jusqu’à présent amorphe et sous tutelle officieuse, la Chambre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Aquaculture de Mayotte (CAPAM) trouve un second souffle avec son nouvel exécutif. Anthoumani Saïd, son président a décidé de parcourir les communes avec ses équipes et leurs partenaires, pour recenser les difficultés et les besoins des agriculteurs. Un maillage territorial qui va permettre de les suivre individuellement.
Ce mercredi, ils étaient dans la salle mariage de la mairie de Koungou, « notre 10ème commune visitée », se réjouit le président. « Nous voulons comprendre les blocages, relancer les filières et expliquer aux agriculteurs, aux pêcheurs et aux aquaculteurs qu’ils peuvent diversifier leur production. » Les projets sont listés à chacune des rencontres.
Sur un territoire où l’agriculture est essentiellement vivrière, l’équipe de la CAPAM tente de trouver les ressorts vers un nouveau dynamisme. Le travail est mené avec la COPADEM, le Réseau rural du lycée agricole, les organismes de formation et les syndicats, qui partent en caravane avec la CAPAM dans les communes.
Les problèmes sont connus, principalement l’accès à l’eau, à l’électricité, le foncier disponible et le vol des récoltes. Et déjà plusieurs pistes de solution sont proposées.
Pour obtenir des aides, nationales ou européennes, il faut un titre de propriété. La plupart des agriculteurs installés n’en ont pas. « Nous avons avancé avec les deux gros propriétaires terriens à Mayotte, le conseil départemental, 60% des terres, et l’Etat, 20%, avec la possibilité d’obtenir des cessions gratuites sous réserve d’avoir une activité agricole », nous explique le président de la CAPAM. Que ce soit les terrains que le conseil départemental a récupérés des héritiers de la société Bambao, ou que l’Etat possède sur la Zone des pas géométrique (ZPG), « même le foncier non encore occupé peut l’être en cas d’activité agricole, avait proposé l’ancien préfet Dominique Sorain. » Le préfet Colombet lui, préfère passer par l’Etablissement public Foncier et d’Aménagement (EPFAM) pour la cession de terrains.
Miser sur le stockage des eaux de pluie
Les justificatifs d’activité agricole sont récoltés, et la demande déposée au conseil départemental ou en préfecture. Quant aux propriétaires privés, ça se règle en famille, « par la vente ou par la signature d’un bail envers celui qui veut lancer sa production. »
Le raccordement à l’eau courante reste un problème sur une île où les exploitations sont parfois peu accessibles et où l’autonomie en eau potable est fragile. « Il n’existe qu’un seul forage agricole, à Habwé, entre Combani et Kahani. » Un forage à proximité de l’exploitation de l’ancien président de la CAPAM, Dani Salim, et qui profite aux agriculteurs alentours. « Avec le service Aménagement-voirie du conseil départemental, nous travaillons pour commander d’autres forages. »
Mais surtout, ce sont les eaux de pluies qui sont visées, avec des systèmes de récupération qu’il faut urgemment mettre en place à Mayotte, évitant ainsi de puiser dans les réserves d’eau potable pour arroser des champs. « Il faut se doter de capacités de stockage des eaux de pluie, en cherchant les financements possibles et en ciblant les zones en besoin. » Certains se sont dotés de citernes souples, mais cela reste une solution individuelle.
Le raccordement électrique semble en meilleure voix, avec là encore des pistes de réflexion, qui prennent d’ailleurs un virage à 90° : « Nous ne misons plus sur l’électrification rurale, ça n’avance pas, pour nous orienter vers le photovoltaïque, facile d’installation. » Là encore, des financements « d’électricité verte » par l’Etat sont attendus. Le principal frein du photovoltaïque à Mayotte, c’est… le vol ! En raison de sa facilité de branchement.
Makis, loups et ours, même combat
Parmi les 4 points les plus problématique, le vol sur les exploitations figure d’ailleurs en bonne place, même si nous l’abordons en dernier. Mais il n’est pas répertorié. « Un agriculteur de Tsingoni discutait avec le capitaine de gendarmerie qui avait l’air de découvrir que des vols de production agricole étaient perpétrés. Nous nous sommes rendus compte que les agriculteurs ne déposaient pas plainte ! » Ils y sont invités donc.
La parade, c’est d’habiter sur l’exploitation, mais pas toujours facile de construire en zone agricole. « La DEAL nous a autorisé à 20m2, mais c’est juste une maisonnette de garde. Or, l’agriculteur doit pouvoir habiter avec sa famille à proximité de son exploitation. »
D’autres voleurs, à quatre pattes ceux-là, et aux yeux exorbités, sont également visés : « Le maki reste un animal protégé, nous demandons donc à être indemnisés pour les saccages qu’ils commettent. » Même combat à 10.000 km de là, des bergers des Pyrénées contre l’ours, et ceux des Alpes contre le loup… Les makis de Mayotte, dont le nombre a été divisé par deux en 40 ans, risquent de suivre le même destin « L’indemnisation et la prise en charge des makis, c’est le problème de nos parlementaires, d’ailleurs le sénateur Thani et la députée Ramlati se sont rendus sur nos exploitations. »
Une fois les activités recensées, chaque agriculteur recevra un Carnet d’Analyse, de Suivi et d’Accompagnement, « le CASA, c’est une sorte de passeport que l’agriculteur aura sur lui et qu’il devra faire remplir par les techniciens qu’il sera amené à consulter, soit aux services fonciers, soit à la CAPAM, sur les aides d’Etat ou européennes. »
Un livret qui retracera l’historique de la santé de son exploitation. Enfin, des permanences d’information sont mises en place dans certaines communes, un technicien est d’ailleurs détaché pour la zone Koungou-Bandrélé.
Anne Perzo-Lafond
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