« Ce n’est pas un travail de fond, mais il est destiné à donner un coup de fouet à la volonté politique de construire ce territoire », nous résume le président du CESEM, Abdou Dahalani.
Son assemblée s’est tenue ce jeudi après-midi, autour d’un objectif : « Nous voulons produire une contribution à l’attention du président du conseil départemental et des parlementaires, et nourrir leur réflexion sur le message à porter au président de la République. » En leur demandant de « chasser en meute », selon l’expression du sénateur Thani Mohamed Soilihi, c’est à dire de travailler ensemble et dans le même sens.
Les interrogations portent sur les questions majeures d’actualité. La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, reconnaît pour Mayotte que « les besoins de rattrapage des inégalités sont particulièrement exacerbés »
L’axe législatif tout d’abord, avec des rattrapages qui ne sont plus à démontrer, juste à réclamer encore et encore, sur le code de la Sécurité sociale, le code de la Santé publique et le code de l’action sociale et des familles. Pour s’en convaincre, on pourra reprendre l’exemple d’un père qui a la possibilité par le code du travail de prendre des congés paternité à Mayotte, mais non rémunérés car le code de la sécurité sociale est dérogatoire. Un calendrier de convergence vers les taux métropolitain, avait été établi à échéance 2036, une date lointaine justifiée alors par la nécessité d’un accroissement modéré des taux de cotisation. « On ne peut s’en contenter, critique le président du CESEM, il faut l’accélérer compte tenu des urgences, notamment de nos personnes âgées. Et si ça coute cher, il faut dédié un budget à cette compensation. »
Ruptures d’égalités scolaires et de soins
Ensuite, l’égalité d’accès à l’école de la République. Des efforts importants sont en cours, mais beaucoup reste à faire. « Les moyens consacrés par l’État à la scolarité d’un élève à Mayotte n’atteignent pas les deux-tiers de ce qu’il consacre à un élève en moyenne nationale. En 2014, la dépense moyenne de l’État par élève s’élevait à 4.312€ à Mayotte contre 7.760€ au niveau national. Il convient donc de renverser ce ratio pour que ceux qui ont le plus de besoins ne soient pas ceux qui en reçoivent le moins. » Dans les plaquettes du CESEM, l’idée d’écoles privées musulmanes, comme pendant à ses cousines catholiques de métropole.
Egalité encore, dans l’accès aux soins, « au 1er janvier 2018, Mayotte comptait 258 médecins. Une situation qui crée des ruptures de soins et des retards inacceptables en matière de prise en charge. Et Mayotte ne bénéficie toujours pas du régime général de protection sociale. Ainsi, la couverture maladie universelle (CMU) n’y est pas encore applicable. »
Outre le chapitre législatif, il faut établir un diagnostic des étapes de décentralisation. Ce n’est pas la 1ère fois que le CESEM le demande, « il faut mener un travail d’évaluation de toutes les compétences décentralisées, pour établir si les moyens sont en concordance avec les besoins. » Un travail imputable à la Commission Consultative sur l’Evaluation des Charges (CCEC).
Pour consommer, il faut avoir de l’estomac
L’ambition de faire de Mayotte un « hub » dans le canal du Mozambique, sous-entend de pouvoir saisir les opportunités qui s’offrent à elle, et le gisement de gaz annoncé en est une. Pour cela, les infrastructures manquent, « nous devons les planifier à la hauteur des enjeux, avec la modernisation du port, de l’aéroport dont une piste convergente capable d’accueillir les longs courriers, l’accès à l’eau, l’assainissement, la gestion des déchets, de l’hôpital, et des politiques de protection de la biodiversité et des ressources naturelles », complète celui qui est aussi président du Parc Naturel Marin.
Et parce que structuration rime avec projection, l’installation d’organismes scientifiques de l’Etat est la bienvenue, IFREMER, IRD, CIRAD, « pour relever les compétences scientifiques et adopter une culture de la recherche. Il s’agit de faire de Mayotte une partenaire incontournable dans la zone. »
Les présidents Sarkozy en 2010, Hollande en 2014, le premier ministre Edouard Philippe en 2018… les déclarations sont référencées en annexe, « des engagements manifestement forts de l’Etat », pour les mettre en perspective, « et comprendre pourquoi ils n’ont pas été mis en œuvre ». Sont pointés du doigt « l’absence de maitrise de la démographie, du cadastre, d’un état civil fiable et applicable, ainsi que d’un assainissement largement déployé dans les villages. »
Impossible de consommer le milliard et demi d’euros du plan de convergence pour Abdou Dahalani, « si ces éléments ne sont pas interrogés. Au besoin, faisons venir des compétences des autres collectivités, comme ce fut le cas en Nouvelle Calédonie. »
Son vœu le plus cher ? « Que les élus se saisissent de ces doléances pour travailler en amont avec les services du président de la République. »
Comme un point final aux doléances, y a été joint le vœu émis par l’assemblée des CESER de France pris en mars 2018 « pour un renforcement de l’Etat de droit à Mayotte ». (Lire Voeu Ceser de France Mayotte)
La Contribution du Césem déplacement du Président de la République à Mayotte a été envoyée ce vendredi aux élus.
Anne Perzo-Lafond
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