Initialement considéré comme un crime passible de la cour d’Assises, l’acte a été requalifié en agression sexuelle. L’auteur des faits a en effet pratiqué un gourouoi, en frottant son sexe contre celui de sa jeune victime. Et ce n’était pas un acte isolé, mais une atteinte sur une longue durée, puisqu’elle a duré du 1er novembre 2016 au 30 avril 2017 dans une école coranique de Koungou.
A 13 ans, Kaïma* n’a pas encore vécu sa puberté, et ne comprend pas ce qui se passe, « ça me mettait dans un état bizarre », dira-t-elle à la barre. Atteinte d’une légère déficience mentale, elle finira par changer d’elle-même d’école coranique, provoquant l’étonnement de sa maman. A laquelle elle finit par se confier, « le foundi fait des gestes qui ne me plaisent pas », en expliquant qu’il n’y avait pas eu pénétration.
Une maman, « qui fait ce qu’il y avait à faire », la félicitera le nouveau président du tribunal, Laurent Ben Kemoun. Elle se rend dans la famille du foundi pour savoir si les faits sont avérés, rencontre sa femme, puis amène sa fille à l’hôpital. Les médecins lui conseillent alors de contacter la gendarmerie, ce qui déclenche la machine judiciaire.
Bacar reconnaît immédiatement les faits, mais minimise l’impact sur la victime lorsque la vice-procureur l’interroge : « Que disait-elle lorsque vous vous frottiez contre elle ?! », « Rien, elle semblait contente. » Une fois, elle lui dira explicitement ‘non’, mais il recommence les fois suivantes. A la barre, il finit par présenter ses excuses, mais en commençant toujours par le juge et le procureur, avant même la victime et sa maman. « Il craint plus la sanction judiciaire qu’il n’a d’empathie pour la victime », critique la vice-procureur.
Ce père de famille de 31 ans, en situation irrégulière, alors que sa femme a un titre de séjour, a 4 enfants, présents dans la salle, de 2 à 7 ans. Il est d’ailleurs surprenant qu’on les ait laissé écouter toute l’audience. L’expertise psychiatrique fait ressortir « une froideur affective », et conseille un traitement anti-androgène, destiné à diminuer la libido. Cela fait plus d’un an qu’il est incarcéré.
« Je me suis menti à moi-même »
Difficile pour la vice-procureur de comprendre pourquoi il n’a toujours pas fait sa demande de titre de séjour alors qu’il a déjà des enfants nés sur le territoire, « maintenant j’ai envie de commencer les démarches », répond-il, en précisant qu’il fait des allers retours vers Anjouan, « pour aller voir mes parents. »
La vice-procureur souligne un contexte où « les dossiers d’agressions sexuelles au sein des écoles coraniques à Mayotte sont de plus en plus fréquents, en correctionnelle ou en Cour d’Assises. C’est une éducation religieuse, pas une éducation sexuelle ! » L’absence d’empathie pour la victime l’incitera à requérir 6 ans d’emprisonnement, dont un an avec sursis, avec mise à l’épreuve et Interdiction de quitter le territoire pour être certain que la victime sera indemnisée. »
Le prévenu ayant reconnu les faits, son avocat commis d’office Me Yanis Souhaili, attaquait la procédure, « pourquoi a-t-on ouvert une information judiciaire il y a un an étant donné que l’agression sexuelle était reconnue, il aurait pu être jugé plus tôt. » Il aura quand même un mot pour tenter d’atténuer la position de personne ayant autorité, puisqu’il s’agissait d’un enseignant coranique, « c’est son épouse qui tient l’école coranique. Beaucoup comme lui se prétendent maître d’école coranique alors qu’ils n’ont pas de connaissance. » Un problème posé auquel il va bien falloir répondre.
Après être revenu à la barre pour glisser, « je me suis menti à moi-même en faisant ça », Bacar sera condamné à 6 ans d’emprisonnement avec maintien en détention, et, à l’inverse des réquisitions, à une interdiction définitive de séjour sur le territoire français. Il sera inscrit au Fichier Judiciaire Automatisé des auteurs d’Infractions sexuelles et violentes (FIJAIS) et devra indemniser la victime à hauteur de 15.000 euros et 3.000 euros pour sa maman.
A.P-L.
* Prénom d’emprunt