Des étais dans les salles du rez-de-chaussée, et un premier étage condamné, c’est un coup de bambou qui tombait sur la tête des dirigeants du collège de Dembéni et du vice-rectorat pendant l’essaim de séismes il y a un an, avec les trois quarts des salles de classes inutilisables.
Les élèves de 6ème et 5ème ont alors été scolarisés respectivement aux collèges de Kwalé et de Chiconi, avant de réintégrer leur établissement selon une organisation provisoire : « Nous étions devenus le seul collège à fonctionner comme le primaire, en rotation », nous explique le principal Bruno Gourdel. Les 6ème et 3ème sont accueillis le matin, et le 5ème et 4ème, l’après-midi.
Un cauchemar qui se termine ce mercredi avec l’accueil des 1.700 élèves, puisque quasiment chaque classe aura sa salle, « nous aurons 63 divisions (classes, ndlr) pour 52 salles ». Pour arriver à cette performance, ce n’est pas une bonne fée qui s’est penchée sur le collège, mais plutôt un plan de construction et d’aménagement hors norme, « nous avons fait sortir 42 salles en 13 mois ! », s’exclame le chef d’établissement. Un investissement de 6,3 millions d’euros, dont 5,7 millions pour les 32 salles modulaires.
Ce sont donc 10 salles en dur, qui ont été construites en mur de briques en terre de Mayotte, et 32 salles modulaires aménagées. Quand on nous a vendu cette inauguration, c’est d’un « mouais » sceptique que nous l’avons accueillie, en raison du look peu sexy des modulaires juxtaposés à certains établissements à Mayotte. Mais force est de constater que l’ensemble a de l’allure, enrobé de bois. La réalisation est signée Proservices, du groupe Locate, à La Réunion, dont le représentant nous vante sa différence : « D’abord, nous travaillons avec de vrais Algeco, l’inventeur de la construction modulaire, et non pas avec des modules de chantier qui ont souvent été utilisés par ici. Donc avec des parois isolées et des planchers costauds. Nous effectuons le même travail pour l’Education nationale à La Réunion. »
Normés Mayénergie
Le soleil tape dur ce lundi midi, pourtant difficile de s’en rendre compte dans les salles de classe, chacune étant climatisée, « le tout répondant à la norme Mayénergie, avec une isolation phonique et thermique, de la laine de roche sous la tôle isolante. » Il fallait confirmer l’hypothèse, et Gilles Halbout, le vice-recteur, accompagné de Bruno Gourdel et de son staff, ont parcouru les salles de classe, pour sonder élèves et enseignants sur les conditions de travail. « Il nous faudrait une cantine ici », « et un vestiaire pour le sport », quand les enseignants demandent un parking. Le vice-recteur sort son carnet de notes, « faites votre liste au père Noël », encourageait-il.
Un élève soulignait l’absence de rendement des brasseurs d’air dans les Algeco, « plus bas de plafond, nous avons préféré poser des turbines », répondent les équipes techniques. En effet, ils ne décoiffent pas le chaland, « ils seront changés », assure-t-on. Une élève s’enhardit, « et pourquoi pas une piscine pour l’école ?! » Provoquant une pique d’humour chez Gilles Halbout, « j’en rêve moi-aussi pour ma maison, mais quelqu’un a eu la même idée, et ça s’est mal fini ! » Une allusion bon enfant à son prédécesseur.
Récupérer les élèves déscolarisés
Le représentant de l’Education nationale profitait de la présence des médias, pour donner sa réponse aux défis qui l’attendent : « Nous avons commandé 115 nouveaux Algeco, pour répondre à trois enjeux. Absorber la forte croissance démographique, allouer des locaux pour des demandes spécifiques, notamment des douches ou des WC, et enfin réinsérer les élèves qu’on ne pouvait pas garder à l’issue de la 3ème. » Répondant donc aux statistiques livrées par l’INSEE la semaine dernière donnant le chiffre alarmant de 25.000 jeunes ni en emploi, ni en formation (NEET), soit 4 jeunes sur 10 pour les 15-29 ans, alors que la même étude établit que la scolarisation augmente les chances d’être en emploi.
Pour relever ce défi, il faut pouvoir poser les Algeco, c’est donc un appel du pied de la part du vice-recteur en direction des chefs d’établissement de l’île.
Un aménagement de court terme selon Gilles Halbout, « qui doit laisser la place plus tard à des constructions en dur », et qui ne doit surtout pas faire oublier les salles étayées à Dembéni, « qui peuvent recevoir des élèves », et celles, condamnées, au premier étage. « Nous allons mener des travaux lourds, indiquent le principal et ses équipes, avec renforcement des structures, ainsi que des faux-plafonds et des planchers. »
Si ce collège, récent, a été le plus endommagé par les séismes, ce n’est pas par hasard. On sait que des malfaçons ont été repérées par les experts en bâtiments, le béton utilisé par l’entreprise maitre d’œuvre il y a 10 ans ne présentant qu’une résistance à hauteur de 40% de la norme. La réfection ne sera pas terminée pour la prochaine rentrée. Quand la ministre Girardin parlait aussi d’ingénierie dans les entreprises…
Anne Perzo-Lafond