En l’absence du dispositif national Clap (Connaissance locale de l’appareil productif), la Chambre de l’Economie sociale et solidaire (CRESS), a dû faire appel à son laboratoire régional, l’ORESS, pour connaître l’étendue et le poids de ce secteur qu’on a toujours du mal à cerner. « L’Economie sociale et solidaire, c’est mettre l’économie au service du social, elle redonne ses lettres de noblesse à l’économie », affichait l’espiègle « trublione » animatrice Jacqueline en préambule de la 2ème conférence sur l’Economie sociale et solidaire (ESS).
Si en métropole, l’ESS représente désormais 10% du PIB et 11 millions d’emplois, à Mayotte, l’ORESS nous dit que le secteur touche 14% des entreprises privées, dont 89% sont des associations. Cela s’est traduit par 107 emplois créés et 104 consolidés, « et tout cela, avec un potentiel énorme, puisque 54% des acteurs de l’ESS sont situés dans la CADEMA, il y a donc des tremplins ailleurs dans l’île », constate Kamal Yssouf, pour l’ORESS.
L’ESS ou l’ADN des Mahorais
Un potentiel que reprendra le sous-préfet SGAR Yves-Marie Renaud, en rappelant que le Pacte de croissance de l’ESS présenté en 2018 par le gouvernement a « donné aux entreprises des leviers de développement. On compte désormais 2.613 salariés dans ce secteur à Mayotte. » Face aux 25.000 mahorais sans emploi, ni formation (chiffre INSEE), « et aux 12.000 jeunes en décrochage”, le Département annonce accompagner l’ESS avec « du capital humain et financier », notamment 6 millions d’euros en dispositif de soutien, indiquait de son côté le conseiller départemental Bourhane Allaoui.
L’adaptation de l’ESS à Mayotte avait notamment été impulsée il y a 10 ans par le sénateur Thani Mohamed Soilihi, qui y voyait un « modèle collant à l’ADN des Mahorais », image reprise par le président de la CRESS Kadafi Attoumani, « cela correspond à la fois à notre musada, l’entraide, à notre chicoa, la tontine, ou à la sossoté, l’accent mis sur la société. »
Profit or not profit
Le nombre élevé d’associations, et la proportion de l’économie informelle « qu’il faut transformer en opportunité économique », rend difficile l’accompagnement qui est pourtant la seule clé, comme nous l’explique Christophe Itier, Haut Commissaire à l’ESS et à l’innovation sociale : « La problématique structurelle reste l’accompagnement du porteur de projets. Or, les temps de gestation sont trop longs d’un côté, et de l’autre, il faut un outil financier adapté pour amorcer les projets. C’est dans cet esprit que j’ai annoncé 375 millions d’euros provenant de 15 fonds d’investissement pour que les entrepreneurs aient accès à ces fonds ». Ils ont rejoint le French Impact, « à Mayotte, et pas uniquement au sein de cette CRESS remarquable, il y a énormément d’énergie et d’initiatives, il faut créer un écosystème favorable. » Il voit l’économie sociale et solidaire comme un pont d’échange avec l’économie classique.
Le Haut fonctionnaire s’est brièvement éclipsé de la conférence pour rencontrer les 1ère 8 du lycée de Mamoudzou Nord, qui étaient sensibilisés à ce secteur particulier. Surprise, la jeune génération est en partie imprégnée par cette nouvelle vision de l’économie, un jeune en donnant aussitôt sa vision : « C’est un projet collectif visant à améliorer notre société. » Un peu plus d’hésitation en revanche sur le dégagement de profit. Déontologique ou pas ?!… « Bien sûr qu’il faut faire du profit, mais il n’est pas accaparé par la minorité, il est remis au service du projet. Et les décisions sont prises de manière démocratique. »
Quelques élèves ont déjà monté un projet de l’ESS, « il s’agit d’aider les associations qui entreprennent la collecte des déchets ».
La journée se poursuivait sur la présentation de la Stratégie régionale de l’ESS.
Anne Perzo-Lafond
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