Pour fêter ses 30 ans, la Convention Internationale des droits de l’Enfant (CIDE) est le centre de toutes les attentions. Pas au point de faire venir à Mayotte le Défenseur en chef des droits, Jacques Toubon ayant décommandé pour assister aux obsèques de Jacques Chirac ce lundi, mais en proposant à ses équipes, présentes sur la semaine, d’enchaîner les rencontres. Mercredi, la défenseure des enfants, Geneviève Avenard a rencontré plusieurs associations œuvrant dans ce domaine, et ce jeudi à la Bibliothèque départementale de prêt de Cavani, lui étaient présentés plusieurs témoignages de situations malmenant les droits des enfants, en présence du vice-recteur Gilles Halbout.
Tout d’abord revenons sur les notions de droit et de devoir de l’enfant. Souvent opposées à Mayotte, traduction de leur mauvaise compréhension. Face aux jeunes qui caillassent les bus par exemple, une partie de la population réclame que leur soient rappelés leurs devoirs. En réalité, l’un ne va pas sans l’autre. Un enfant qui est scolarisé, qui mange à sa faim, et sur lequel veille une famille aimante, offrira plus de garanties de remplir ses devoirs envers la société, qu’un enfant errant dans la rue, et dont le garde-manger est une poubelle.
Confiées à leur papa demandeur d’asile
La preuve par les témoignages livrés ce jeudi matin. Celui de ces deux petites filles, nées à Mayotte, dont la maman est originaire d’Anjouan. Reconduite à la frontière avec elles et deux autres bébés, « elle est confrontée à la précarité à Anjouan, et décide de reprendre la mer », rapporte l’éducatrice de Mlézi Maoré. Mais c’est le drame. Le kwassa fait naufrage, elle et ses deux bébés perdent la vie, les deux petites survivent. « Elles sont en CM2 mais ne comprennent rien, bénéficient de cours supplémentaires mais leur condition de vie est précaire. » Pour couronner le tout, elles sont confiées à leur papa, demandeur d’asile comorien. C’est à dire dans une situation très incertaine, puisque ne bénéficiant d’aucune ressource à Mayotte.
Une jeune fille de 19 ans a témoigné un long moment face caméra, dans un bon français. « J’étais scolarisée en seconde aux Comores en 2017 lorsque j’ai entrepris la traversée en kwassa. Mais en arrivant à Mayotte, je n’ai pas pu m’inscrire à l’école en raison de mon âge. J’en ai pleuré, j’ai même cessé de croire en Dieu. J’ai retrouvé de l’espoir en devenant bénévole à la Croix rouge, mais la vie à Mayotte, c’est ni le paradis ni l’enfer, c’est juste pas facile quand on est clandestine. Il faut faire en permanence attention à la PAF. Je rêvais de liberté, d’une belle vie, de sortir de la misère, d’étudier, d’avoir une famille. Heureusement, mon père est à Mayotte. Lorsque je me suis renseignée pour obtenir des papiers, certains me disent, ‘par le mariage’, d’autre, qu’il faut que je trouve une école. Et pendant ce temps, la famille aux Comores pense que tu as la belle vie ! » Presque un plaidoyer à communiquer à Anjouan…
Les Comores signataires de la CIDE
Parfois, les parents sont reconduits sans révéler que des enfants restent sur le territoire, ils sont plus ou moins pris en charge par la famille. Les témoignages se succèdent et se ressemblent, « je ne peux pas inscrire ma fille à l’école, ils me demandent des extraits et des factures ! », rapporte un sketch. Des situations d’atteinte aux droits* des enfants, dont celui d’être scolarisé, toutes liées à la quête d’un avenir meilleur.
Surtout, leur accumulation, et la détresse constante qui émane des témoignages, rendent insupportable l’impression d’inaction en amont des prises en charge ensuite par les associations.
Pourtant, l’Union des Comores est elle aussi signataire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfants. Même si le territoire voisin n’a toujours pas posé les bases d’un développement qui sortirait sa population de la précarité, il est important de mener une réflexion en vue d’une collaboration entre Mayotte et Anjouan, pour au moins éviter que les enfants soient confrontés au premier des risques mortels, celui des traversées en mer.
“Il faudra leur dire, un peu plus d’amour que d’ordinaire”… les phrases de Cabrel reprises par les enfants résonnaient fort dans la bibliothèque de prêt de Cavani ce jeudi matin.
Anne Perzo-Lafond
* Le droit d’avoir un nom, une nationalité, une identité
Le droit d’être soigné, protégé des maladies, d’avoir une alimentation suffisante et équilibrée
Le droit d’aller à l’école
Le droit d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation
Le droit d’être protégé contre toutes formes de discrimination
Le droit de ne pas faire la guerre, ni la subir
Le droit d’avoir un refuge, d’être secouru, et d’avoir des conditions de vie décentes
Le droit de jouer et d’avoir des loisirs
Le droit à la liberté d’information, d’expression et de participation
Le droit d’avoir une famille, d’être entouré et aimé
Vu sur: https://www.unicef.fr/dossier/convention-internationale-des-droits-de-lenfant