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vendredi 22 novembre 2024
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Transport en commun : CARIBUS approuvé par l’enquête publique

Le premier projet de transport en commun de la seule communauté d’agglo de Mayotte fait couler beaucoup d’encre. Si le projet fait rêver, le premier du genre qu’une équipe municipale parviendrait à faire aboutir, il suscite beaucoup d’inquiétudes. Nous avons interrogé le chef de projet, qui répond point par point aux interrogations.

Nous avons été régulièrement destinataires de courrier d’acteurs économiques se plaignant des risques que pourraient faire peser sur leur activité, les travaux annoncés de CARIBUS, le réseau de transports en commun porté par la CADEMA, la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou. Une rencontre avait eu lieu entre les parties en décembre 2018, mais apparemment, elle n’a pas été porteuse, puisque les inquiétudes se font toujours sentir.

Nous avons donc contacté Mohamed Hamissi, le chef de projet CARIBUS à la CADEMA, pour qu’il éclaircisse les points d’inquiétude. Le premier des reproches porte sur l’absence de concertation en amont d’un projet qui « murissait dans des placards dont nous n’avions pas les clés. » Pour Mohamed Hamissi, il faut se replacer dans le cadre règlementaire : « Mayotte est le seul département français à ne pas avoir de transport public terrestre. Or, depuis 1982, la loi d’Orientation des Transports Intérieurs, désormais loi d’Orientation des Mobilités, introduit les transports publics comme un droit. A partir de 100.000 habitants, et nous n’en sommes pas loin, les contraintes réglementaires deviennent de plus en plus importantes pour une communauté d’agglomération. »

Il s’agit donc d’un service public, pour lequel les opérateurs économiques n’ont pas vocation à être associés dans un premier temps. Mais la loi prévoit la protection de leur activité, précise le chef de projet : « Dans tous les grands chantiers, est mis en place un Schéma de circulation lors des phases de travaux. Donc, la zone industrielle continuera de fonctionner malgré tout ». Il prend l’exemple de Sodifram dans la rue de la Grande Traversée, rebaptisée rue Martin Luther King, qui part du rond point SFR pour aller vers HD : « Les livraisons pourront se faire, et riverains et entreprises pourront continuer à accéder. »

Deux grands sens uniques

Des voies élargies sur la RN qui vont nécessiter des expropriations

Les travaux sur la voirie sont perturbateurs ici comme ailleurs, les bordelais leur tramway en savent quelque chose, « mais de toute façon, tout était déjà embouteillé. Il faut bien réagir et se projeter. »

Le projet consiste à créer trois voies sur la Nationale, du rond point ZI Nel au rond point SFR, l’une sera dédiée uniquement au bus, « et aux services de secours, je pense qu’on peut même sauver des vies », alors que sur les deux autres voies, les voitures et camions pourront rouler en sens unique, et non à double sens comme c’est le cas actuellement. Ce qui devrait considérablement fluidifier la circulation. La CADEMA créée en fait un grand sens giratoire, avec retour par la rue Martin Luther King, où seront aménagées deux voies, une dédiée aux bus, l’autre aux utilitaires et camions. Pour aller jusqu’à la zone Nel depuis le rond point SFR, une percée sera faite après SOMIVA, « les pourparlers sont en cours avec Colas et Tetrama, encadrés par les textes et l’Etat. »

Un investissement de 145 millions d’euros, qui comporte deux clauses sociales de contrats pour des jeunes sans emploi.

Deuxième inquiétude, le délai des travaux. Le collège de Bouéni ou le pont de Kwalé en sont les témoins exacerbés, les retards sont quasiment la norme. Les premiers coups de pelle doivent être donnés rue Luther King au 1er semestre 2020, à la fin de la saison des pluies, « il y en a pour un à deux ans de travaux ». Et il y a des inconnues, « cette rue n’est rien d’autre qu’une piste goudronnée. Nous travaillons en étroite collaboration avec EDM, Orange et le syndicat des eaux, mais avec des schémas d’enfouissement incertains. L’Etat nous accompagne dans le cadre du Plan Global de Transports et de Déplacements pour ce tronçon en raison de son caractère aléatoire. Mais il y a pire du côté de la route du Littoral à La Réunion ! Et ça nous permettra de remettre les choses aux normes au moins. »

Pas de bus pour les zébus

La portion de boucle passe par les entrepôts de la Colas

Caribus ne peut qu’être un bonus, « cette rue n’a ni trottoir, ni gestion des eaux pluviales, ni éclairage. Nous allons aménager tout ça, et rajouter des arrêts devant les supermarchés, la Sogea, etc. Tous les piétons pourront emprunter le bus, mais non accompagnés de zébu ou de chèvre », croit bon de préciser Mohamed Hamissi… Il a rencontré le DGA Chargé des transports en commun de la ville de Nantes, « il m’a expliqué que le réseau de transport en commun avait boosté l’activité de l’intercommunalité. Il ne faut pas hésiter à aller voir ailleurs pour se renseigner. »

Pour cadrer la durée des travaux, la CADEMA s’est entourée de partenaires : « Nous travaillons avec un mandataire de renom, Egis, une maitrise d’œuvre générale, des bureaux d’études… » Et en cas de perte de chiffre d’affaires, une commission d’indemnisation va se constituer, « avec magistrats, huissiers et un expert comptable, c’est très encadré. »

Les acteurs économiques s’étaient interrogés sur l’opportunité de commencer par construire la route de contournement de Mamoudzou avant de commencer ces travaux, mais un projet dont la maitrise d’ouvrage est au conseil départemental, « avec la DEAL ». Une décision politique qui traine des pieds depuis 2011, « on ne peut pas attendre pour proposer un réseau de transport en commun. »

L’équipe de la CADEMA autour du logo Caribus (archives)

Le projet doit intégrer les taxis, qui doivent pouvoir assurer les relais aux arrêts de bus. « Nous avons essayé de les fédérer, mais seuls 60 sur les 340 licences ont répondu présents ».
Un recensement serait en cours du côté de la préfecture pour connaître le nombre de licences vraiment effectives. Ce retard de structuration des taxis ne doit pas impacter l’agenda du réseau de transport en commun, prévu pour être opérationnel au 1er trimestre 2023 : « Cela perturbe le calendrier de recrutement des futurs opérateurs, nous devons lancer l’appel à candidature du ou des futurs délégataires. Il faut compter une année, et en rajouter une autre pour la livraison du matériel roulant. »

L’équipe tenait à nous annoncer une bonne nouvelle : « Le projet vient de recevoir un avis favorable de l’enquête publique, avec quelques recommandations, notamment de tenir compte des observations formulées sur le projet. »

Vous voulez une conclusion qui nous change du contexte général ? « Nous n’avons pas peur d’être ambitieux ! »

Anne Perzo-Lafond

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