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vendredi 22 novembre 2024
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La police aux frontières peut-elle entrer dans les maisons ?

Plusieurs affaires mettent en cause l'intrusion de policiers de la PAF dans des habitations. Une pratique fréquente, légale dans certains cas. Dans d'autres, quand un avocat est saisi, elle mène à la nullité des procédures.

Il aura fallu la présence d’un duo de professeurs d’architecture et leur quinzaine d’élèves pour que ce contrôle de la PAF devienne viral. Le 16 octobre dernier, les architectes  Pascal Chombart de Lauwe et Cyrille Hanappe sont à Hajangua dans le cadre d’une mission à 30 000€ commandée par la Cadema. Leur objectif : créer une relation de confiance avec les habitants et réfléchir sur place aux mesures à mettre en œuvre pour la prévention des risques, allant des glissements de terrain aux incendies, dans les bidonvilles, en attendant la rénovation de ces quartiers. Tout un programme.
Alors que leur mission se terminait, l’équipe est témoin d’une agitation inhabituelle dans le quartier qu’ils sillonnaient depuis quelques jours. Une équipe du Gao, le groupe d’appui opérationnel de la PAF était arrivée à proximité. Une mission de routine pour la PAF, mais qui prendra des proportions notables.

“Un propriétaire est venu vers nous en disant que la PAF était entrée dans son domicile, explique Cyrille Hanappe. J’ai appelé l’avocate Marjane Ghaem qui m’a dit d’y aller et de prendre l’identité des personnes présentes. Je suis le propriétaire et je vois un policier et un monsieur qui se battent autour d’un enfant, je vois aussi une femme qui se débat devant la porte de son banga en hurlant. La femme remet son bébé à son fils et finit emmenée par la police. La situation était très confuse.”

Une pratique courante

Pour le commissaire Jean-Marie Cavier, directeur de la PAF, “les policiers sont bel et bien entrés dans la maison, c’est courant” explique-t-il. L’officier évoque une affaire “longuement détaillée” au sein de son service. En d’autres termes, l’arrestation d’un professeur connu et reconnu a fait du bruit. Mais alors dans quel cadre les policiers ont-il pénétré dans la cour commune, puis dans le banga ? “Il y a eu un contrôle dans la rue et la personne contrôlée a dit que ses papiers étaient dans le domicile. Un agent l’a suivi à l’intérieur de la cour, ça c’est fréquent. Puis il y a eu un attroupement, des jets de cailloux, un homme a insulté les policiers et a été interpellé pour outrage et rébellion”.
Dans cette ambiance tendue, un jeune reconnaît en effet avoir ramassé des pierres, mais affirme les avoir reposées quand les architectes se sont interposés.

L’opération a été filmée par les étudiants, choqués par la violence et la confusion qui régnait

Peu après le départ des policiers “ils sont revenus en tenue anti-émeute, reprend Cyrille Hanappe, et ils ont arrêté mon collègue Pascal, puis l’ont libéré et m’ont passé les menottes”. L’enseignant, arrêté devant ses élèves, se voit notifier sa garde à vue pour outrage. Il est maintenu en captivité pendant près de 24 heures avant d’être libéré. Ce n’est que vendredi dernier que le parquet notifie à l’avocate Marjane Ghaem le classement sans suite de l’enquête visant le professeur, pour “infraction insuffisamment caractérisée”. L’enseignant était ciblé par une plainte d’un jeune policier qui aurait reçu “zéro jour d’ITT” pour avoir été “bousculé”. Le procureur n’a pas jugé l’accusation suffisamment étayée pour poursuivre l’architecte.

En revanche, la maman et son fils qui avait ramassé des pierres sont bel et bien poursuivis quant à eux pour violence et devraient comparaître le 17 mars prochain au tribunal. Or, leur interpellation pose question. “Madame reconnaît bien avoir résisté au port des menottes” explique l’avocate “mais elle explique aussi qu’elle n’a pas autorisé les policiers à entrer chez elle, elle dormait quand ils sont arrivés”. Or, s’agissant d’un logement indépendant de celui du premier propriétaire contrôlé selon la PAF, dans la rue, on comprend mal comment la police s’est retrouvée à entrer dans le domicile de cette dernière. Elle envisage d’ailleurs de porter plainte pour violation de domicile selon son avocate. Autre curiosité, la convocation en justice de la mère et de son fils indique qu’ils ont été interpellés à “Mamoudzou” au lieu de Hajangua, un point qui ne manquera pas d’être soulevé à l’audience.

Sur le fil de la Loi

L’avocate Marjane Ghaem n’est en effet pas surprise, selon elle “des interpellations à domicile ont lieu tout le temps, c’est un sujet qui est souvent abordé devant le JLD (juge des libertés et de la détention). Or, un domicile reste un domicile”.
En effet, un jugement de 2011 (CA_LYON_11-03-2011_D) confirme qu’une intervention dans un domicile en dehors d’une commission rogatoire, même d’il s’agit d’un squat, peut mener à la nullité de toute la procédure. Dans le bureau de la juriste, un autre jeune homme de 26 ans affirme avoir reçu la visite de la PAF ce dimanche, alors qu’il était chez lui à Passamaïnty. “Je leur ai dit que je n’avais pas à montrer mes papiers et que pour entrer chez moi, il fallait que ce soit sur décision du procureur, ils ont longuement insisté. Mes chiens se sont énervés et deux policiers ont pointé des armes, un sur le chien et un sur moi” relate le jeune homme, confirmant l’extrême tension que ces interventions de LIC terre peuvent générer quand elles ont lieu à la porte des personnes contrôlées. Ainsi même avec un cadre légal respecté, les tensions vont croissant dans les quartiers les plus touchés par la politique du chiffre et les quotas d’expulsions fixés par le chef de l’Etat. “Les interpellations à terre ont été multipliées par 3 ou 4, forcément il y a des résistances, reconnaît le commissaire divisionnaire JM Cavier. La nouveauté, ce sont les jeunes qui poursuivent nos véhicules pour les caillasser”.

Les deux architectes ont de leur côté partagé leur mésaventure sur Facebook, regrettant que ce genre d’opération “réduise à néant des semaines de travail”. Un millier de personnes ont partagé l’histoire.

Y.D.

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