“Ils voulaient vraiment nous tuer”. A la barre du tribunal, un des policiers de la Compagnie départementale d’intervention témoigne et pèse chacun de ses mots. “J’ai fait des années à Paris, et ça n’a jamais été aussi intense que mardi soir. C’est vraiment une pluie de projectiles qu’on s’est pris. On a été obligés de redresser des poubelles pour s’abriter” détaille ce fonctionnaire. En tout, 10 policiers sur les 18 mobilisés ce soir-là ont été blessés, dont plusieurs “gravement” selon la partie civile.
Tout avait commencé par l’interpellation de l’auteur présumé d’un vol de téléphone portable. Le vol impliquant une dizaine de complices, un équipage de police nationale parcourt les rues pour tenter de les retrouver. C’est en tentant d’arrêter deux suspects de plus que les premiers caillassages ont lieu. Les policiers doivent reculer et demandent de l’aide. La CDI arrive sur les lieux. 20 minutes plus tard, les policiers constatent la mise en place de barricades et interviennent. La bataille commence. Il est 19h30, et elle va durer jusqu’à 1h du matin dans un chaos improbable. Après plus d’une heure d’affrontements, les policiers, dont plus de la moitié sont blessés, et qui sont dépassés par une cinquantaine d’assaillants, reçoivent le soutien d’une trentaine de gendarmes mobiles, mieux équipés, qui permettent de libérer la route. Le tout alors que les pierres continuent de tomber. “Ils ne lançaient pas dans le vide, ils nous visaient physiquement” atteste le brigadier-chef qui menait la CDI ce soir-là.
Des jeunes particulièrement organisés et décidés à en découdre selon les différents témoignages de policiers, qui décrivent leur organisation. “Ils se déplaçaient, s’organisaient, cassaient des voitures” explique l’un. Son collègue décrit des petits groupes qui se relayaient, assurant un “tir nourri” pendant que les autres se mettaient à l’abri pour refaire le plein de pierres, en s’alternant pour que la “pluie de cailloux” ne cesse jamais. “On a tenté de tenir le terrain sans infliger de blessures, mais les blessures sont venues de notre côté” déplore un des policiers blessés.
Un CAP cuisine qui traîne des casseroles
Le garçon à la barre, 19 ans à peine, brille par sa mauvaise foi. Déjà condamné à un an avec sursis pour vol avec arme, et plusieurs fois inquiété par la justice par le passé, il est formellement identifié par les policiers qui le connaissent et le décrivent comme un “chef de bande”. Lui, affirme être venu par curiosité, et avoir lancé 12 pierres car un chef l’y aurait obligé. Le président Ben Kemoun lui, s’étonne de ce parcours délinquant alors que le garçon arrivé à Mayotte à 2 ans, dispose d’un CAP cuisine. “Je suis clandestin depuis mes 18 ans, je n’ai pas le droit de travailler” explique le prévenu, “on ne peut pas m’embaucher. J’ai fait les démarches mais la préfecture ne me répond pas”.
Une situation que beaucoup de jeunes partagent à Mayotte, sans pour autant sombrer dans la violence extrême décrite par les fonctionnaires. Le procureur Courroye estime que la justice doit “montrer la fin de la clémence”. Il requiert 3 ans de prison avec mandat de dépôt, la révocation des 12 mois avec sursis prononcés à peine 5 jours avant les affrontements et 10 ans d’interdiction de territoire. Les juges ont opté pour un juste milieu entre la prison ferme et la possibilité de réinsertion : 1 an ferme, incarcération immédiate, 500€ à verser à chacun des 10 policiers blessés.
Décrit par son avocat, Me Zoubert comme “instruit et de bonne volonté”, le jeune homme a devant lui au moins 5 mois de détention avant toute demande de libération conditionnelle. Assez pour commencer des démarches administratives. “Ca peut lui être bénéfique” conclut son avocat.
Y.D.