Du début à la fin du long cortège, on souligne une mobilisation “inédite” à Mayotte sur une revendication d’ordre social. Si on exclut les manifestations monstre contre l’insécurité en 2018, celle de ce jeudi qui a réuni a minima plusieurs centaines de personnes (2000 selon des syndicats) rentre dans l’histoire du département. “C’est la première fois qu’une mobilisation nationale réunit ici à Mayotte” souligne Anli Rigotard, secrétaire CFDT au CHM. “Ce qui nous unit tous, c’est la retraite, mais ici le problème c’est qu’on n’est même pas alignés sur la métropole, c’est donc aussi pour marquer le coup sur notre retard”.
Pour le représentant syndicat, la réforme “universelle” voulue par le gouvernement n’est pas gage d’équité. “Rien ne devrait être universel, la France est large, elle a ses spécificités, ainsi que chaque profession. Ce qui est universel n’est pas forcément bon, d’autant que ces spécificités sont nécessaires, ceux qui les ont créées n’étaient pas fous ! Par exemple ça paraît logique pour les gendarmes qu’il y ait une spécificité et qu’ils partent plus tôt, en rapport avec les risques qu’ils sont amenés à prendre et à la pénibilité. Pareil pour les policiers. A L’hôpital, un AP (auxiliaire de puériculture) qui porte tout le temps du poids n’a pas la même situation que celui qui comme moi est dans un bureau”.
Les spécificités locales, c’est aussi ce qui mobilise le SnuiPP, syndicat enseignant du premier degré. Son secrétaire Rivomalala Rakotondravelo estime que “c’est déjà pas fameux ici nos retraites, et ça risque d’être encore pire avec la réforme. A Mayotte, la moitié des enseignants du premier degrés ont 2 régimes, si la réforme aboutit, ceux qui ont cotisé dans l’ancienne collectivité risquent de perdre doublement. Il ne faut pas croire que la réforme a un but d’égalité, le but c’est de faire baisser les pensions !”
Pas que des profs
Si selon Quentin Sedes, secrétaire de la CGT Educ Action, “80% des manifestants sont des enseignants”, les quelque 20% restant ont su se faire entendre aussi. Freddy Berrichon se présente comme cadre dans la grande distribution, et militant à Force Ouvrière. la réforme l’inquiète aussi. “C’est tromper la population, les acquis depuis des dizaines d’années seront perdus, on va perdre des droits mais aussi beaucoup d’argent en fin de carrière. Je pense que ce gouvernement ne privilégie que les plus aisés”.
Peu nombreux mais bien visibles, les pompiers du SNSPP-PATS réclament “des explications, les mesures du gouvernement ne sont pas claires” dénonce AHmed Allaoui, leur porte parole. Mais il n’y a pas que ça. “On est là pour la retraite au niveau national mais au niveau départemental on a aussi des problèmes d’hygiène et de sécurité dans les casernes. Avec Ce que les pompiers de Mayotte subissent, certains en métropole auraient déjà déposé leur casque”.
La surprise en fin de cortège, après une boucle par le rond-point SFR, c’est l’arrivée en fanfare de la police nationale en tenue… de syndicalistes. Mieux, Alliance et UNSA Police étaient main dans la main pour cette mobilisation menée par un joueur de cornemuse, et leur cortège d’une vingtaine de fonctionnaires a été acclamé par les autres manifestants. Les deux syndicats dénoncent les promesses de leur ministre de tutelle qui leur a garanti de ne pas toucher à leur régime de retraite. “Inconcevable” estime Bruno Cossin, délégué national de l’Unsa Police qui dénonce “des effets d’annonce” sans “rien de concret”. “On a décidé de rejoindre l’ensemble des manifestants pour montrer que la police n’est pas contre les citoyens mais avec les citoyens”.
A ses côtés, Bacar Attoumani, secrétaire départemental d’Alliance Police nationale à Mayotte. Il défend la mobilisation unitaire. “L’intersyndicale a été formée pour défendre des acquis, la loi de transformation de la fonction publique va impacter les organisations syndicales, on s’inquiète de leur survie. On s’inquiète aussi de ce que la loi sur les retraites va impacter. Des bonifications sont visées et l’administration n’est pas en mesure de nous donner des garanties sur ces acquis.”
La suite de ce mouvement est encore incertain, mais d’autres actions sont déjà dans les couloirs. La mobilisation “s’inscrit dans la durée” promet Quentin Sedes.
Y.D.