Vos amis veulent venir à Mayotte mais n’osent pas trop, peinent à se décider, et vous êtes à court d’arguments ? Faîtes leur lire cet article du magazine Le Point. S’ils n’éclatent pas de rire, ils viendront à coup sur se dorer la pilule auprès des lémuriens hallucinés et des chats volants.
Pourquoi éclater de rire ? Car l’article attaque d’emblée sur une contrevérité qui dénote, au mieux, la méconnaissance du territoire par son auteur. Au pire, sa volonté d’en idéaliser le portrait au détriment de la vérité. “La France sans grèves ni bouchons, direction l’île de Mayotte” écrit le journaliste dès la première ligne. Après avoir manqué de s’étouffer, on comprend que l’auteur de ces lignes n’a visiblement pas suivi les mouvements sociaux des dernières années, et qu’il n’a jamais eu à se rendre au travail, ou à en revenir, sur nos routes. En revanche il n’a pas manqué beaucoup des “must-do”, les incontournables du tourisme sur l’île. Et le portrait qu’il en dresse donne envie !
“Des forêts luxuriantes hantées de lémuriens au regard halluciné” baignées du “suave parfum de l’ylang-ylang et de la vanille” et bien sur “un vaste lagon hésitant entre le turquoise et l’absinthe”, le texte a plus du poème que de l’article, mais on ne saurait que rendre hommage au rédacteur qui a mis tout son talent à rendre compte, en quelques mots, de la beauté de notre île.
Une beauté qui profite trop peu aux touristes rappelle-t-il, chiffres à l’appui. En cause, “la rareté des liaisons aériennes et l’offre famélique d’hébergements touristiques”.
Sans parler d’un problème d’image, mais qui est présenté… au passé.
“L’île a longtemps eu la réputation de ne pas être sûre” indique Le Point. Pour le magazine, grâce aux Gilets jaunes, l’insécurité c’est du passé, à part écrit-il sur “quelques sites douteux”. Le journal n’aurait-il donc visité que des sites touristiques épargnés par la délinquance? La suite du papier nous mène avec la même poésie entraînante sur le sable de la place de N’Gouja pour y suivre une tortue puis sur la piste raide du Mont Choungui. Viennent ensuite Saziley et l’îlot de sable blanc. Nul doute pourtant que les “baobabs qui ont sans doute connu les caravelles de Bartolomeu Dias et de Vasco de Gama” se souviennent aussi des agressions de touristes malheureux sur ces sites désormais investis par les gendarmes.
Nul doute aussi que si la rubrique des faits-divers ne désemplit pas, les attaques contre les touristes ont baissé en peu de temps, suite à des arrestations et à une présence accrue des forces de l’ordre sur le terrain. Mais de là à idéaliser à ce point la situation de l’île ?
Les deux dernières lignes nous éclairent autant que les deux premières nous ont interpellé. L’auteur conclut sobrement l’article par les liens et tarifs d’Air Austral, d’un tour operator et du comité départemental du tourisme. Il ajoute des liens et tarifs pour des hôtels en bord de plage.
En revanche, il fait l’impasse sur certaines des plus belles richesses de l’île : sa culture (ou même ses cultures !), sa population, ses langues. Dommage !
En langage journalistique, ce texte a tout de ce qu’on appelle un publi-reportage : un article généralement commandé et payé par un ou plusieurs acteurs extérieurs visant à promouvoir un produit, un service ou une destination, en le présentant sous la forme d’un travail journalistique, le souci de l’exactitude en moins.
Y.D.