« Le premier acteur social de Mayotte avec 395 millions de dépenses », comme le soulignait la député médecin Ramlati Ali, n’avait jusqu’en septembre 2019 qu’un local à usage d’habitation comme siège social, place de l’Ancien marché. On baignait même dans le ridicule avec certains bureaux hébergés dans d’anciennes salles de bain, rapportait Ymane Alihamidi Chanfi, la directrice de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte, qui félicitait le personnel. Elle inaugurait ce vendredi officiellement les nouveau locaux aux côtés de son président Salim Nahouda, et surtout, des président et directeur de la CNAM, la Caisse nationale d’Assurance Maladie. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi soulignait leur présence, « le signe que Mayotte suscite de plus en plus d’intérêt sur le plan national ».
En retraçant le long chemin parcouru pour obtenir un siège à la hauteur des enjeux, la tranquille directrice de la caisse locale n’a pas manqué de sortir quelques vérités : « En 20 ans, de nombreux projets ont été avortés. Comme le refus essuyé par la présidente d’alors Sarah Mouhoussoune et son directeur, d’obtention du permis de construire au terre-plein de Mtsapéré. Aujourd’hui, il y a la DEAL ! » Les visées sur le terrain Hamaha, transformé ensuite en décharge publique ou celui des Hauts Vallons sans succès, sont les révélateurs des difficultés pour faire aboutir un projet, pourtant financé.
Une carte vitale à marche forcée
L’investissement de 23 millions d’euros, pris en charge par l’ensemble des Caisses nationales, permet de donner un départ symbolique « vers la convergence des droits », expliquait le directeur de la CNAM Nicolas Revel : « En avril 2019, la mise en place du ticket modérateur à Mayotte a été perçu par 50.000 bénéficiaires, et c’est en deçà des besoins réels. La création de l’ARS Mayotte, et la mise en place en 2020 du dispositif de médecin traitant à Mayotte, seul département qui en était dépourvu, sont une poursuite de cette évolution. » Les médecins vont pouvoir bénéficier de rémunérations forfaitaires, prises en charge par l’assurance maladie, une mesure d’attractivité pour les professionnels de santé.
Comme dans d’autres domaines, Mayotte a mis en place en 15 ans ce que les autres départements ont fait aboutir en 70 ans, « la carte Vitale, l’informatisation, la réglementation, etc. »
Dans la bouche de tous, le symbole que sont les nouveaux bâtiments, c’est surtout celui de « la convergence des droits » sur un territoire où le code de la sécurité sociale ne s’applique pas. Le vice-président du Département Issa Issa Abdou se muait en astrologue : « ARS, rectorat d’académie… les planètes sont alignées ! C’est la suite logique de la prise en charge par l’Etat des compensations sur l’Aide sociale à l’enfance, sur les PMI, et sur le RSA. Nous devons obtenir la convergence des prestations sur les niveaux nationaux. »
Agences à Sada et Kani Keli
Surtout que la Caisse mahoraise a été plutôt bon élève depuis sa création en 1977, sous le nom de CPS (Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte). En absorbant notamment en 2015 la gestion des prestations familiales, qui avait provoqué quelques remous parmi les agents. C’est le seul organisme national à cumuler les deux secteurs, et à couvrir ainsi le régime général, les indépendants, et même les agriculteurs en partenariat avec la MSA.
Comme le retraçait Salim Nahouda, le président de la Caisse, c’est donc l’aboutissement d’un long combat que la sortie de terre des trois gros champignons du centre Kinga, sous la férule du promoteur CBO Territoria, et dont la CSSM occupe la majorité de la surface, « nous étions heureux de poser en 2015 la 1ère pierre, nous pouvons aujourd’hui regrouper nos 10 services éparpillés, en un seul. »
Cette phase achevée, la CSSM va poursuivre son travail de proximité en implantant des agences dans les zones plus éloignées, à Sada et bientôt à Kani Keli. Et si la dématérialisation est incontournable, « nous maintenons l’accueil au guichet, car si certains sont très connectés, une partie du public ne l’est pas du tout », glissait Ymane Alihamidi Chanfi.
Avant de couper le ruban aux côtés des personnalités, dont d’ancien présidents de la caisse comme Jean Véron qui avaient souhaité assister à cette grande première, « ce n’est pas tous les jours que nous inaugurons un siège social », concluait Nicolas Revel.
Anne Perzo-Lafond
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