La visite de Christelle Dubos à l’école de Vahibé a été un soulagement pour les élèves. Pas tant pour le côté intimidant de rencontrer une ministre en vrai, de surcroît entourée d’inconnus, mais plus pour l’estomac. En effet, à 9h tandis que le groupe de visiteurs passait de classes en classe, les enseignants distribuaient le petit déjeuner offert aux élèves. “Je suis venue voir la mise en place du petit déjeuner pour tous” confirme Christelle Dubos à la sortie de l’école, expliquant que 4000 enfants en bénéficient à Mayotte, moyennant une enveloppe de 750 000€ qui va monter à un million prochainement.
Sauf que le petit déjeuner, qui d’un commun accord des enseignants est précieux pour aider les élèves à se concentrer en classe -beaucoup arrivent le ventre vide-, est habituellement servi à l’arrivée des élèves, à 7h30. La visite tant attendue l’était donc d’autant plus qu’elle était synonyme de casse-croûte.
Toujours est-il que ce dispositif est apprécié globalement par les enseignants et les parents, “le petit déjeuner nous apporte beaucoup de bien” commente une maman.
Une autre déplore le manque de diversité dudit petit déjeuner : une brique de lait, une pomme et du pain. “Le pain change tous les jours, ça peut être un pain au lait, un pain aux raisins” explique le directeur de l’école de Vahibé. Le fruit est tributaire de l’approvisionnement. “C’est l’enjeu de développer l’agriculture locale” rebondit la représentante du gouvernement. La maman aimerait bien aussi “quelque chose à tartiner comme du Nutella” sur ce pain. Hésitation de Christelle Dubos. “La confiture je serais plus d’accord, car la pâte à tartiner, c’est plein de sucre”. Certes, il faut compter 55% de sucre dans un pot de pâte à tartiner. Mais aussi entre 50 et 75% dans un pot de confiture. Ce dernier contient toujours moins de gras. “L’important c’est surtout de leur apprendre à manger équilibré” recentre Christelle Dubos.
Des petits déjeunes pris à même le sol
Les conditions dans lesquelles cette collation du matin est distribuée, fait aussi l’objet d’une réaction d’un parent. Si la règle veut qu’elle soit prise à table, la réalité qu’a pu constater Christelle Dubos, c’est un petit déjeuner consommé à même le sol des salles de classes (mais sur un revêtement prévu à cet effet). “On manque de tables” note un agent. “On met les moyens humains mais il faut aussi mettre les moyens matériels” abonde Gilles Halbout, le recteur.
[EDIT] Ce dernier précise que selon le directeur et les équipes, “c’est un choix pédagogique, y compris en métropole, de faire travailler les enfants sur des tapis”.
Le manque de tables, mais aussi de classes, amène cette école à fonctionner en rotation. Et même ainsi, le nombre d’élèves peut dépasser les 30 enfants par classe. “En métropole, il y a des classes pareilles vous savez” relativise la secrétaire d’Etat. En métropole, enseignants et parents le déplorent également. Et même Christelle Dubos, qui “aimerait avoir des classes à 15 ou 20 élèves”.
Enfin, des parents s’inquiétaient de ne pouvoir inscrire leur enfant, faute de place le plus souvent. “C’est le rôle du maire, rappelle la ministre, il ne peut pas refuser l’inscription, même si on sait qu’il y a des pratiques contraires à la loi”. “Vous pouvez nous alerter” rebondit Gilles Halbout, dans ces cas là, on facilite, on fait le lien avec les mairies” assure le patron du rectorat.
Sur plusieurs de ces sujets, Christelle Dubos rappelle “le projet de construction de 1200 classes qui évitera les rotations, l’objectif est de scolariser tous les enfants”. Un discours de fermeté dans l’application de la loi qui n’avait encore jamais été accompagné de tant de moyens. A terme, “tous les enfants qui sont inscrits auront une place” promet-elle. Encore faut-il que tous soient inscrits, là encore, c’est la responsabilité des maires qui est engagée. “Je ne peux qu’inciter les parents” à dénoncer ces pratiques, en conclut Christelle Dubos.
Cette dernière aura aussi pu remarquer des pratiques d’un autre temps qui subsistent, comme le “petit train”, les élèves à la queue-leu-leu pour rentrer en classe, de surcroît en séparant les filles qui entrent avant les garçons, alors que l’Education nationale prône plutôt la mixité, base de l’apprentissage du respect filles-garçons. Mais c’est encore un autre chantier.
Y.D.