La manifestation de vendredi et son lot d’incidents ne pouvait pas rester sans réponse. Les lycéens du LPO de Kawéni avaient d’ailleurs mis en garde contre une contagion possible de leur colère à d’autres établissements. Le préfet himself se faisait alors quasiment leur porte-parole ce lundi pour interpeller, qui le transporteur Matis, et donc le Département, sur les conditions de dépose très matinale, qui la police nationale, qui l’Education nationale, qui la commune de Mamoudzou pour que les agressions contre les scolaires cessent. Une sorte de CLSPD pour la coordination. Mais qui coordonne n’interpelle pas forcément. Or, c’est quasiment une deuxième peau chez Jean-François Colombet.
« Cela fait deux semaines qu’on vous interpelle, vous, les autorités. La semaine dernière, on s’est fait agresser tous les jours. Des chiens nous ont poursuivis un matin de bonne heure, et comme le lycée était fermé, on a couru jusqu’au lycée de Mamoudzou nord ». C’est toujours Zaïtoune Saïd Youssouf, surnommée « Raïchane », qui parle. La meneuse de la manif de vendredi revient sur les incidents, dont les gaz lacrymogènes, « vous êtes nos exemples, nous serons ce que vous nous aiderez à être », et obtempère quand le préfet lui demande d’égrener leurs difficultés.
Son voisin, également représentant d’élèves, relate, et un pan se lève sur l’emploi du temps des jeunes lycéens : « J’arrive de Koungou le matin à 4h50 et 5 minutes après, des jeunes de Kawéni arrivent avec des chaines et des chiens. Ils nous demandent de l’argent ou nos téléphones. » Des proies faciles et à horaires réguliers en somme pour nourrir la délinquance. En conséquence, les bus ne vont plus les déposer sur le terre-plein de la MJC de M’gombani, « ils nous laissent au rond-point Tati. Mais après, pour nous, c’est le couloir de la mort. »
Des bus en nombre insuffisant
Les réveils sonnent donc à 3h du matin, pour des distances rapprochées sur une île de 374km2. Les questions que tout le monde se pose, c’est Jean-François Colombet qui les formule successivement, à l’adresse du transporteur Matis, « Pourquoi les élèves doivent se retrouver devant l’établissement plus de deux heures avant le début des cours à 7h ? », à l’adresse de la mairie, « si cette portion de route est à la commune, pourquoi elle est pleine de trous et n’est pas éclairée », et de la police, « pourquoi les forces de l’ordre restent-elles dans leurs voitures et ne sortent pas ?! »
Lanto Thomas, directrice de Matis, explique que les bus ramassent plusieurs villages, « et nous sommes contraints par les horaires de circulation embouteillée à Mayotte, et le manque de véhicules disponibles. » En effet, si les caillassages n’arrangent pas, « les réparations nécessitent une immobilisation sur 3 ou 4 jours », le nombre de véhicules en circulation semble insuffisant au regard de la demande, un même bus effectuant parfois deux rotations. Quant au lieu de dépose, le préfet revenait à la charge au grand bonheur des lycéens, « que prévoit le cahier des charges ? », et Matis de répondre: « De déposer les élèves devant l’établissement scolaire ». On en est loin donc.
Il faut dire que la petite voie d’accès ne permet pas le braquage des gros bus, incitant la mairie et le préfet à trouver une solution de court-terme : ouvrir la MJC de Kawéni pour accueillir les jeunes le matin, « et nous mettrons à disposition des emplois aidés », indiquait le représentant de l’Etat. Dans un 2ème temps, le terrain en face du lycée devrait servir de lieu de dépose, « il est détenu par le conseil départemental qui doit y construire une maison de retraite », informe le proviseur du lycée, Dominique Bachelot. A plus long terme, une demande sera faite pour que le projet de rénovation urbaine du quartier intègre une zone de dépôt.
Si le réveil est anormalement matinal, avec une arrivée agitée, le départ ne l’est pas moins à entendre Raïchane : « Normalement, les bus sont là à 16h, mais ça dépend de leur humeur. On ne peut pas sortir du lycée entre deux sonneries, donc, on s’y rend à 15h, mais parfois le bus n’est pas là. Et comme nous n’avons pas d’abribus, dès qu’il pleut, le chauffeur ne veut pas nous prendre, « ‘séchez-vous et prenez le suivant !’ Mais il n’y a plus de policier à celui de 17h, et il nous fait arriver très tard chez nous. » Matis promet des rappels à l’ordre de ses chauffeurs, « et je vais prendre vos horaires de desserte respectifs pour partir sur du concret ». Les parents relais auraient démontré leur efficacité, « pas les médiateurs, ils ne sont jamais informés des changement d’horaires », déplorent les jeunes.
Appel au civisme chez les jeunes
Actuellement en négociation entre Cananga et la mairie qui souhaite l’acquérir, la voie qui part du rond-point pour rallier le lycée est en piteux état, « il faut y mettre de l’éclairage public ! Vous y laisseriez votre gamin, vous à 5h du matin, dans la nuit ?! », taclait le préfet à l’endroit du représentant de la mairie. Il se dit prêt à financer une vidéo protection.
Arrive le tour de la police nationale, priée de s’expliquer sur l’absence de patrouille. On apprenait que le créneau le plus « sensible » en terme d’agressions portait sur 5h-6h du matin, « justement l’heure où nous sommes en rotation d’équipes », notait le directeur territorial Jean-Marie Cavier. Il annonçait vouloir effectuer des contrôles inopinés.
Les Maillots jaunes sont réclamés, « ça sécurisait bien, on ne sait pas pourquoi, il n’y en a plus », regrettent les lycéens. Les premiers gilets jaunes, bien que dispositif « illégal », avait immédiatement pacifié les quartiers. Les Maillots jaunes n’ont pas tenu sur la durée, l’un des référents nous avaient expliqué que le dispositif n’était plus financé.
Le préfet gardait le ton juste pour s’adresser aux lycéens en leur demandant aussi de balayer devant leur porte, « vous êtes aussi des acteurs de la sécurité. Je vous demande de réfléchir sur un mode de diffusion d’appel au civisme dans les transports scolaires auprès de vos copains. »
En une heure chrono, des avancées essentielles ont été décidées, « nous ferons le point dans un mois, le 25 mars après les élections », le préfet sortait son agenda : « Nous allons tenir ces mêmes réunions dans la dizaine d’établissements scolaires touchés par des perturbations. »
Anne Perzo-Lafond
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