Née en 2014 de la volonté de Tony Mohamed de proposer un avenir aux délinquants qui cambriolaient son quartier et à plusieurs reprises sa maison, l’association Espoir et Réussite est désormais une institution à Doujani. Accompagnée depuis plusieurs années par la politique de la Ville, son action tourne autour de tout ce qui doit être mis en œuvre pour sortir cette jeunesse déscolarisée de l’oisiveté et de la délinquance.
Autour de l’axe central qu’est la Maison d’Insertion Prioritaire pour les Jeunes, les salariés et bénévoles d’Espoir et Réussite œuvrent en faveur de la lutte contre l’illettrisme, avec l’Ecole des Parents, de la valorisation de la réussite, avec la Journée des Lauréats et des Petits génies, contre le décrochage scolaire avec la 2ème Ecole du civisme Frédéric d’Achery sur le modèle de celle de Chamassi, et de l’insertion avec un Forum dédié. C’était justement la 6ème édition de ce forum d’insertion ce jeudi, avec cette fois 12 structures participantes.
Police nationale, Institut Régional du Travail social, Apprentis d’Auteuil, Centre d’Information Jeunesse (CRIJ), Oudjerebou, DAESA, Mission locale, RSMA, etc. Tous ont été contactés il y a plusieurs semaines, dans une organisation qui pourrait donner des leçons à beaucoup. « Cette année pourtant, nous n’avons pu avoir comme partenaire l’Education nationale en raison des risques de violences qui entourent les sorties hors des établissements », déplore le nouveau directeur de l’association, Idam Ahmed, Bac+5 en Droit et gestion des collectivités territoriales et master en droit public des affaires.
« J’ai une vie de bogoss ! »
Tony Mohamed, lui, fait les cent pas en regardant sa montre, « j’attends les bus qui doivent amener les jeunes de Dembéni et de Bandrélé ». Pour cette 6ème édition, on trouve toujours l’Etat comme financeur à travers la Politique de la Ville et la Direction du sport et de la cohésion sociale, aux côtés du conseil départemental, de la mairie, « et de la fidèle Caisse de sécurité sociale qui nous finance 50% de nos actions. »
Le territoire entier est quadrillé, les jeunes de Dzoumogné et Longoni ont déjà envahi les stands. Ils ne sont donc pas scolarisés, comme nous l’explique un éducateur de l’association Action coup de pouce qui vient d’implanter une antenne à Bandraboua : « Nous accueillons tous les matins les jeunes de 11 à 19 ans déscolarisés pour une remise à niveau et en après-midi, pour des actions citoyennes comme des nettoyages de plage ou de l’accompagnement des personnes âgées. » Ils sont 45 à être ainsi suivis, « nous mettons tout en œuvre pour que les moins de 14 ans puissent être scolarisés ».
Houmadi porte fièrement et le verbe haut ses 17,5 ans, « j’ai une vie de bogoss », lâche-t-il. Traduction : il ne fait rien de ses journées depuis qu’il a quitté l’école en fin de Seconde, à 15 ans, et malgré de bonnes notes, « je faisais des bêtises, j’embêtais les profs ». C’est la première fois qu’il atterrit dans un forum, et ses pas le mèneront vers l’institution qui l’attire le plus, « je voudrais faire une formation en plomberie au RSMA ». Ayant la nationalité française il va pouvoir s’y inscrire, « j’y vais dès la semaine prochaine », jure-t-il. Son pote Madi Madi, 18 ans, se dirige vers la même voie en section Agent de Prévention et de Sécurité.
Le job, une réalité virtuelle pour commencer
C’est le Centre communal d’action sociale de Koungou qui a su fédérer leur énergie pour les emmener jusqu’au Forum à Doujani, « et encore je n’en ai que 19 sur les 26 annoncés », glisse l’animatrice.
Etonnant de la trouver là : Nadjima est une jeune étudiante en Lettre au Centre universitaire, « je suis venue accompagner ma maman qui suit l’école des parents ici. Elle voudrait être agent d’entretien. »
Chez Apprentis d’Auteuil, ça défile, notamment pour le dispositif Hima Shebabi (Debout la jeunesse), comme nous l’explique Farida : « Nous proposons une remise à niveau et une formation qualifiante pour amener les jeunes en emploi. Ils sont 72 à en bénéficier actuellement, par groupe de 12, et la prochaine session commence le 23 mars. Ils peuvent encore s’inscrire. » Certains percutent et sont intégrés ensuite au RSMA ou à l’UFOLEP, mais d’autres sont dans une situation d’illettrisme avancée et n’ont pas un niveau suffisant pour décrocher un emploi, « ils peuvent être pris chez DAESA et ACE. »
Un peu plus loin, des jeunes se tortillent dans tous les sens, un casque de réalité virtuelle sur les yeux. Le CRIJ a investi dans cet outil qui permet au jeune, après avoir déterminé son choix sur catalogue, boulangerie, bâtiment ou autre, de recevoir ensuite par vidéo, les conseils d’un professionnel.
Sur une table, des poteries s’affichent sous la forme de tortures, de corbeau-pies ou de mainates, car c’est aussi l’entreprise individuelle qui est promue ce jeudi, sous la patte de El-Had et Alim.
Anne Perzo-Lafond
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