“Il y a quatre mois de cela, depuis décembre 2019, un virus inconnu baptisé COVID-19 apparaissait dans le centre de la Chine. Le reste du monde presque indifférent, ne se sentait pas concerné. La Chine était la risée, exposée aux moqueries. Nous avons entendu et lu tout et n’importe quoi. Mais la Chine a pris des mesures drastiques inédites : mise en quarantaine de trois villes de la province Hubei : Wuhan (11 millions d’habitants, Huaanggag (7,5 millions d’habitants), et Ezhou (1 million d’habitants). Le 25 janvier 2020, les autorités chinoises vont élargir la zone de confinement à 59 millions de personnes, soit quasiment toute la province du HUBEI. Elle construisit en même temps des hôpitaux pour contenir les malades. Les aéroports, les gares ferroviaires et routières, les voies fluviales et les autoroutes sont fermés pour contenir efficacement le rythme de la propagation de l’épidémie. Une mesure qui vise à sauver des vies, a expliqué le centre de commandement mis en place contre le virus à Wuhan, selon la chaîne de télévision publique CCTV. “Les habitants ne doivent pas quitter Wuhan sans raison spécifique”, a annoncé de son côté le Quartier général chargé de la lutte contre l’épidémie au niveau municipal.
Pendant ce temps, le reste du monde se moquait de la Chine fustigeant au besoin les mesures prises et souvent qualifiées de « liberticide ». Dans les réseaux sociaux, on pouvait lire tout et n’importe quoi, comme : « La gestion de l’épidémie, vantée par le gouvernement chinois lui même, a mis en colère une grande partie de la population chinoise ». Les occidentaux se contentant de rapatrier leurs ressortissants établis dans cette région comme pour nous signifier que cette « maladie est chinoise ». Tous les moyens savamment orchestrés par les grands médias du monde dit libre sont déployés pour « ridiculiser la Chine ». Les Echos du 2 février 2020 rapporte que la « Chine est de plus en plus isolée par la crise du nouveau coronavirus qui a fait plus 300 morts…L’épidémie, qui a contaminé plus de 14.000 personnes, a entraîné la paralysie de pans de l’économie chinoise, la population terrifiée préférant rester chez elle ».
Cependant, dans sa chronique, Alain Frachon, éditorialiste au Monde du 19 mars 2020, livre ceci : « L’image restera, symbole de la paralysie initiale de l’Union européenne (UE) face au coronavirus. C’était jeudi 12 mars, sur l’aéroport de Fiumicino, à Rome, quand un Airbus A350 d’une compagnie chinoise, en provenance de Shanghai, a livré son précieux chargement : le matériel médical dont l’Italie avait un urgent besoin et que l’Europe ne pouvait ou ne voulait pas fournir. Des soutes de l’appareil, a rapporté le correspondant du Monde dans la capitale italienne, Jerôme Gautheret, ont été sorties neuf palettes de dispositifs respiratoires, des électrocardiographes et plusieurs dizaines de milliers de masques de protection. Cadeau de la Croix rouge chinoise à la troisième économie de l’UE. Neuf médecins spécialistes chinois, venant tous de batailler contre le COVID-19 dans le Hubei, descendirent aussi de l’appareil gracieusement mis à la disposition de l’un des plus riches pays de l’Europe ». Alain Frachon ajoute très justement : « L’Europe est lente, structurellement. Elle a mis du temps avant de donner le sentiment d’un début de coordination dans la lutte contre un fléau qui allait toucher l’ensemble du continent. Après la Chine dans ce rôle peu enviable : être l’épicentre de l’épidémie ».
“Mayotte, victime de la lenteur structurelle de l’UE”
Si la Chine a pris des mesures drastiques de confinement et de désinfection qui concernent près de 60 millions de personnes, le virus se répand maintenant partout dans le monde paralysant des pays entiers, suscitant la psychose et ébranlant l’économie mondiale. Début mars, l’Europe est devenue le nouveau foyer du COVID-19, « la nouvelle Chine » dixit Donald Trump, le président des Etats Unis. Mais contrairement à la Chine et à l’Europe, on ignore la situation réelle aux USA eu égard à une situation sanitaire très mauvaise. Donald Trump se contente ainsi de la fermeture des frontières avec l’Europe : « faire peur et rassurer » ou encore pointer du doigt les « individus sur qui il faut porter la haine…, instaurer une panique médiatique affolante ».
Néanmoins « le médecin attaché au Congrès a dit au Sénat qu’il s’attendait à ce qu’entre 70 et 150 millions de personnes finissent par contracter le coronavirus aux Etats-Unis ». Angela Merkel estime de son côté que 70% de sa population pourrait contracter la maladie tandis qu’Emmanuel Macron parle d’une « guerre ». Et lorsque notre égoïsme légendaire nous quitte, on n’hésite pas à vanter ou saluer le pragmatisme et le savoir-faire des chinois. Comme en témoigne cet article de France info : « La contagion s’est considérablement ralentie en Chine ces dernières semaines par rapport à la mi-février, lorsque les nouvelles contaminations se comptaient chaque jour par milliers. Le pays a fait état, mercredi 18 mars, d’une seule nouvelle contamination locale… ».
Mayotte, Région Ultrapériphérique de l’Europe, elle, est véritablement victime de la lenteur structurelle de l’UE. Beaucoup de temps passé avant que les autorités locales donnent le sentiment d’un début de coordination dans la lutte contre le fléau. Leurs décisions, au demeurant animées de bonne volonté, dépendent de la caution de Paris, lui-même dépendant des décisions de l’UE. On a tristement oublié que Mayotte est une île reliée à l’Europe par le seul moyen de transport aérien. Une telle crise ne devrait certainement pas être gérée de la même manière qu’en région parisienne. Malheureusement, Mayotte et la Réunion vont endosser dans les prochains jours ce rôle peu enviable : être l’épicentre de l’épidémie dans l’océan indien.
En l’état actuel de l’évolution de l’épidémie, la fermeture totale des frontières aériennes et maritime ne sera pas une gabegie et le confinement total de la population reste notre meilleur moyen de nous protéger contre le coronavirus. En l’absence de médicament, la méthode chinoise est sans nul doute la plus efficace, nonobstant le caractère liberticide des mesures. La fermeture sélective des liaisons aériennes entre la France continentale et les Outre-mer décidée ce 22 mars 2020 dessine une prise de conscience de la gravité. La décision est tardive mais nécessaire. La période est difficile mais les autorités s’organisent de mieux en mieux. En retour, chacun d’entre nous doit appliquer les gestes barrières. Les polices municipales de toutes les communes de Mayotte doivent recevoir des missions spéciales en vue de faire respecter les mesures de confinement dans les villages y comprise la répression des incivilités. Leur action viendra en appui de celle menée par les forces de la police et la gendarmerie sérieusement sollicités. De son côté, le Conseil département peut ou pourrait en urgence, en complément de l’action de l’Etat, passer commande de masques de protection en Chine, à l’instar de certaines régions de France continentale. C’est dans l’union sacrée et dans la conjugaison des efforts que nous viendrons à bout du COVID-19.
COVID-19 au défi de l’immobilisme mahorais
A en croire les experts et spécialistes, le coronavirus serait sans « saisonnalité » au vu du nombre d’infections enregistrées dans les pays du Moyen-Orient, une région chaude. Selon certaines sources: «…plus de 18 000 cas ont été recensées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ». Ainsi un épais mystère subsisterait en ce qui concerne la saisonnalité du COVID-19. Toujours est-il : « qu’il ait une saisonnalité ou non, le COVID-19 ne partira probablement pas avec l’arrivée du printemps, estiment des chercheurs et épidémiologistes dans la revue Science. Très peu de choses sont en effet connues au regard de la saisonnalité des virus et des facteurs qui en sont responsables ».
En revanche, ce qui est sûr, c’est la forte probabilité de l’effondrement de l’économie mondiale. Les puissances économiques s’organisent pour faire face à cette très sérieuse éventualité. Ainsi dans un contexte délicat, la banque centrale chinoise a décidé depuis le mois de février 2020, d’injecter 156 milliards d’euros pour venir en soutien à son économie. En outre, la banque centrale européenne annonce le blocage de 750 milliards d’euros et l’UE décrète pour sa part, « la suspension inédite des règles de discipline budgétaire ». Des initiatives qui viennent un mois après la décision des chinois. De son côté, la réserve fédérale américaine concocterait un plan de relance à 4000 milliards de dollars. « Le gigantesque plan de relance américain pour tenter d’éliminer les ravages du nouveau coronavirus sur la première économie du monde comprendra 4000 milliards de dollars de liquidités destinées aux entreprises, a promis dimanche le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin… Le grand argentier a aussi précisé que les ménages américains toucheront des chèques directement à hauteur de 1000 dollars par adulte et 500 par enfant, ce qui pour une famille de quatre personnes représenterait 3000 dollars, a-t-il expliqué », comme le rapporte l’AFP du 22 mars 2020. L’intervention des banques centrales du monde visent d’abord à rassurer les marchés boursiers qui dévissent déjà depuis la crise du pétrole opposant les Etats-Unis, la Russie et l’Arabie Saoudite.
Quant à la France, c’est dans la précipitation que : « Le parlement a adopté définitivement, par un vote au Sénat, le projet de loi de finance rectificative, volet financier des mesures d’urgence face à l’épidémie de coronavirus. Le texte anticipe un lourd impact sur l’économie française, avec une récession de 1% du PIB et un déficit public à hauteur de 3,9% du PIB en 2020. Il prévoit un arsenal immédiat de 45 milliards d’euros pour aider les entreprises en difficulté et financer le chômage partiel des salariés », rapporte FranceInfo. En plus d’instaurer « l’état d’urgence », le projet de loi adoptée par le Parlement donne un cadre légal aux dispositions d’exception sur les mesures sécuritaires, économiques, électorales et diverses.
S’agissant de Mayotte, l’activité économique est maintenue dans le respect des consignes sanitaires en vigueur mais au ralenti. Une cellule territoriale de continuité économique a été activée par le Préfet de Mayotte. Elle aura la charge de traduire les directives de l’Etat au plan local. Est-ce que la seule intervention de l’Etat suffira à sortir le département dans le marasme économique dans lequel l’île est plongée depuis des mois ? Pour rappel, Mayotte a connu au cours de la décennie qui finit une série d’événements défavorables à son économie :
• Les 45 jours de blocage de l’île en 2011 suite au mouvement de grève contre la vie chère.
• Les 45 jours de blocage de l’île en 2018 suite au mouvement de grève contre l’insécurité.
Deux événements majeurs ayant paralysé tout un pan de l’économie de l’île. Le COVID-19, troisième événement, va avoir un lourd impact sur l’économie mahoraise. Tous les secteurs vont être touchés : de l’économie vulgairement appelée informelle à l’économie formelle. A contrario des deux crises citées plus haut dont l’issue a fait l’objet de plusieurs négociations, l’incertitude qui plane sur la saisonnalité du COVID-19 ne permet pas aux experts de définir avec exactitude la période de sortie de crise. Un mystère épais subsiste à la fois sur le plan sanitaire mais aussi économique.
Face à ce contexte délicat et inédit, pour soutenir les entreprises et protéger les emplois, à la lumière de « NIA MOJA OUDZA LOULOU », l’union fait la force. Le Conseil départemental, dans sa fonction de région se doit véritablement de multiplier les échanges avec l’Etat bien sûr, mais aussi avec les Communes, les Intercommunalités, les Chambres consulaires, les Banques et le Organisations professionnelles…En complément des dispositifs économiques de l’Etat qui vont être déclinés localement, le CD doit véritablement jouer son rôle de locomotive économique territoriale et éviter ainsi d’être à la traîne en s’abritant comme d’habitude sous le parapluie de l’Etat. «…Les moustiquaires destinées à la lutte contre l’épidémie de dengue bloquées à la douane », illustre notre immobilisme légendaire. L’impact de la crise sanitaire sur l’économie locale sera dévastateur à la fois sur le tissu fragile de notre économie et sur l’emploi.
Des mesures urgentes doivent être prises et analysées sous le prisme d’une économie longtemps en difficulté. Elles doivent être simples d’accès par tous et répondre aux difficultés immédiates de trésorerie, quelle que soit la taille de l’entreprise ou de l’activité.
Plusieurs leviers peuvent être actionnés immédiatement :
• Honorer rapidement les paiements du stock historique des factures des entreprises en souffrance auprès des collectivités et les aides aux entreprises. Un plan de continuité de service public doit être mis en place pour assurer cette priorité.
• Supprimer les pénalités infligées aux entreprises en marché avec les collectivités et l’Etat en cas de retard ou livraison incomplète.
• Actionner un dispositif d’aide aux entreprises de transports scolaires et de personnes victimes de la fermeture des établissements scolaires et des mesures de confinement.
• Créer un fonds de garantie bancaire avec la BPI pour de prêts de trésorerie auprès des banques locales afin qu’elles assurent le fonds de trésorerie nécessaire aux entreprises. Les banques peuvent se couvrir jusqu’à 80% du montant du prêt soit, 25% par le Conseil départemental et 55% par la BPI.
• Mettre en œuvre de prêts de relance à taux de 0% pour renforcer les fonds propres des entreprises ouverts à toutes les PME à partir d’un an d’existence.
• Créer un fonds d’aide aux secteurs associatif, culturel, sportif, de l’économie sociale et solidaire. Les communes, les intercommunalités et le Département se doivent de contribuer à cette mesure et l’adapter au plus près des besoins des territoires.
• Exonérer de loyer dès le mois de mars 2020 tous les très petits commerces hébergés de manière régulière dans les marchés couverts de Mamoudzou et de toute l’île.
• Rendre gratuit dès ce mois de mars 2020 le transport par barge entre la Grande-Terre et la Petite-Terre toutes les marchandises de toute nature, les engins de chantier, les camions et les véhicules utilitaires.
• Créer un fonds d’aide sous forme de chèque-achat au bénéfice des personnes relevant de l’économie informelle et sans emplois. Le dispositif sera financé à concurrence entre la CAF, le Conseil Départemental et l’Etat dans le cadre de l’aide familiale.
Les pistes de réflexion sont nombreuses et tant mieux. Ce qui compte, c’est notre capacité à unir nos efforts, innover, saisir les occasions pour nous sortir rapidement de la crise économique qui nous attend. A l’heure actuelle, il serait hasardeux de réaliser des prédictions. Néanmoins, nous devons nous préparer à touts les scénarios.
APPLIQUONS LES GESTES BARRIERES, RESPECTONS LE CONFINEMENT !”
Issihaka ABDILLAH
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