Des enfants massés sans leurs parents à l’entrée d’un supermarché Sodifram aux hauts-Vallons, un père refusé d’entrée à celui de la Rue du Commerce ou importuné dans les rayons du centre Baobab, les témoignages de pratiques abusives se multiplient à Mayotte où des supermarchés interdisent l’accès aux parents accompagnés d’enfants. Derrière cette interdiction, la volonté de faire respecter les gestes barrières, et la crainte qu’un enfant, potentiellement porteur asymptomatique du Sars-CoV-2 ne le transmette à d’autres clients ou au personnel. Une intention compréhensible, mais néanmoins illégale.
En métropole aussi, des signalements de telles pratiques ont été remontés, et des clients, notamment à Intermarché ou Monoprix se sont plaints. Le défenseur des droits Jacques Toubon a reçu “des dizaines” de signalements.
Ainsi saisi, ce dernier s’est prononcé début avril sur cette question épineuse, entre droit des consommateurs, liberté des directeurs de magasin et exceptions prévues par l’état d’urgence sanitaire. Et sa conclusion est sans appel :
“Ces refus ont pour effet soit de rendre impossible l’accès à des biens de première nécessité, soit de porter atteinte à l’intérêt supérieur des enfants en imposant qu’ils soient laissés seuls à la porte du magasin. Le Défenseur des droits tient à rappeler que le refus d’accès des enfants aux magasins d’alimentation ne fait pas partie des mesures restrictives relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, telles que détaillées dans la loi du 23 mars 2020 relative à l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances d’application. Les magasins d’alimentation ne peuvent donc légalement interdire leur accès aux personnes accompagnées d’un ou de plusieurs enfants, ni demander à ces personnes de laisser leurs enfants à l’entrée du magasin, y compris au niveau des caisses ou à la garde d’un vigile.”
Ces pratiques constituent pour Jacques Toubon ” une atteinte au droit de l’enfant à être protégé contre toute forme de violence “, et donc une infraction aux dispositions prévues par la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire.
Si cet avis n’est que consultatif, il ne manquera pas de motiver d’éventuelles décisions de justice à venir. Des plaintes pour “discrimination” ou “mise en danger de la vie d’autrui” peuvent notamment survenir. A Mayotte, un père célibataire refoulé de plusieurs magasin avec son enfant en bas âge a décidé de porter plainte. Il dénonce en plus de cette discrimination à l’entrée, des propos à caractère racial d’un directeur, et des menaces. Des faits qui, s’ils sont avérés, témoignent aussi de l’extrême tension à laquelle sont confrontés les responsables de magasins pendant l’épidémie de Covid19.
Y.D.